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Décisions

Cass. crim., 3 novembre 2016, n° 15-83.892

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme Drai

Avocat général :

M. Valat

Avocat :

Me Bouthors

Douai, du 21 avr. 2015

21 avril 2015

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 11 janvier 2013, les époux Z...ont déposé plainte contre M. X..., professeur d'économie et gestion, enseignant au lycée dans lequel leur fils Mathieu était scolarisé ; qu'ils ont expliqué que M. X... s'était présenté à leur domicile courant juin 2012, avait accusé leur fils Mathieu de l'avoir agressé en décembre 2011 dans l'enceinte de l'établissement en projetant dans sa direction, à faible distance, une boulette faite de papier d'aluminium très serré, avait affirmé avoir été blessé au crâne et continuer à subir des séquelles, et leur avait réclamé une indemnisation en brandissant la menace d'un dépôt de plainte, d'une exclusion du lycée et d'un séjour de leur fils en prison ; que les époux Z... ont ajouté que, quelques jours après, le 30 juin 2012, ils avaient signé une " convention d'indemnisation " préparée par M. X..., en présence de la compagne de ce dernier, Mme Y..., qu'ils avaient commencé à payer la somme convenue de 7 500 euros sur la base de versements mensuels de 300 euros, et qu'ils avaient en définitive décidé de porter plainte au motif que le comportement de M. X... leur paraissait répréhensible ; qu'à l'issue de l'enquête, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'extorsions ainsi que de faux et usage ; que Mme Y... a été poursuivie des chefs de complicité d'extorsions ; que le tribunal correctionnel a relaxé Mme Y... ; qu'après avoir relaxé M. X... pour les délits de faux et usage, il l'a déclaré coupable d'extorsions ; que le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont interjeté appel du jugement ;

En cet état :

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-2, 312-1, 312-8, 312-9 et 312-13 du code pénal, préliminaire, 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a condamné le requérant du chef d'extorsion de la signature d'une convention d'indemnisation du 30 juin 2012 et d'extorsion ou de tentative d'extorsion tendant à la remise de fonds, en l'espèce, 7 500 euros par mensualités de 300 euros dont 2 100 euros ont été versés, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, outre une interdiction d'exercice de la profession d'enseignant pendant deux ans et a statué sur l'action civile ;

" aux motifs que la défense de M. X... conclut à la relaxe de ce dernier aux motifs que le jugement ne distingue pas les deux séries d'infractions reprochées aux termes de la prévention ; qu'en effet, la convention d'indemnisation signée le 30 juin 2012 est insusceptible selon lui de qualifier le délit d'extorsion, ne pouvant matérialiser l'extorsion d'un bien quelconque, puisqu'elle procède d'un engagement ou d'une renonciation, objet distinct prévu par le texte et non visé à la prévention, et puisqu'elle ne constitue qu'une menace de révéler l'agression subie ; qu'en outre, aucune violence, menace de violence ou contrainte n'est établie sur la période du 30 juin 2012 au 29 janvier 2013, et en l'absence de tout élément intentionnel ; […] que s'il est interdit aux juges de statuer sur des faits distincts autres que ceux qui leur sont déférés, il leur appartient de retenir tous ceux qui, bien que non expressément visés par le titre de poursuite, ne constituent que des circonstances du fait principal, se rattachant à lui et propres à le caractériser, tels qu'ils sont reçus des débats ; qu'en l'espèce, M. X... a été invité à s'expliquer, depuis l'origine de l'enquête et jusque devant la cour, d'une part, sur des faits d'extorsion, par la signature le 30 juin 2012 d'une convention d'indemnisation ; que, d'autre part, il s'est en outre expliqué sur les faits d'extorsion, commis du 30 juin 2012 au 29 janvier 2013, en vue de la remise de la somme de 7 500 euros par mensualités de 300 euros sur vingt-cinq mois ; que la circonstance que la prévention ait été mal rédigée, et ait qualifié cette somme de « bien quelconque » au lieu de « fonds » ne saurait suffire à dégager le prévenu de toute responsabilité ; que s'agissant de l'extorsion commise le 30 juin 2012, l'avocat du prévenu affirme que la signature d'une convention d'indemnisation n'est pas susceptible de qualifier l'extorsion d'un bien quelconque car elle procède d'un engagement ou d'une renonciation ; que, toutefois, l'article 312-1 du code pénal définit l'extorsion comme le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque ; que ni la violence, ni la menace de violences n'ont été alléguées en l'espèce, et que le chantage, fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, n'est pas davantage caractérisé en l'espèce ; qu'il est reproché à M. X... d'avoir exercé une contrainte en vue d'obtenir la signature d'une convention d'indemnisation, le 30 juin 2012, et d'obtenir ensuite, entre le 30 juin 2012 et le 29 janvier 2013, sur la base de cette convention, la remise de fonds par mensualités de 300 euros ; que certes l'existence d'une convention d'indemnisation pourrait exclure la notion d'extorsion, s'il était démontré que cette convention n'était que le reflet de la volonté des deux parties, et, notamment, de la volonté des époux Z..., librement consentie, de verser les sommes mentionnées sur cette convention à titre de transaction ; qu'à ce sujet, les allégations à l'audience de M. X... selon lesquelles il n'aurait cherché qu'à voir sanctionner le comportement de Mathieu, et que c'étaient les parents de ce dernier qui l'avaient quasiment forcé à accepter de l'argent, d'une part, sont peu crédibles, d'autre part, sont formellement contredites par les déclarations des époux Z... et de leur fils, voire de M. X... lui-même lors de son audition par les policiers le 29 janvier 2013 ; que ce dernier a refusé de simples excuses et exigé le versement d'une somme d'argent, initialement fixée par lui seul à 10 000 euros selon les parties civiles, et qu'il n'a accepté de baisser que face à l'impossibilité pour les parties civiles de payer cette somme ; que s'il n'avait cherché qu'une sanction de l'élève, laquelle était parfaitement légitime, il n'avait en aucun cas à s'adresser directement à ses parents, surtout alors même qu'il n'était plus l'enseignant de Mathieu, mais qu'il pouvait soit relancer la direction de l'établissement scolaire où s'étaient déroulés les faits, soit avertir l'inspection académique, soit le cas échéant porter plainte, ce qui aurait permis une enquête à charge et à décharge et une juste évaluation du préjudice ; qu'au contraire, il a mené son enquête privée, s'est rendu au domicile des Z..., les a menacés de porter plainte contre Mathieu et surtout de nuire à son avenir, le menaçant même d'aller en prison ; que si M. X... a tenté de se dédouaner par la suite en affirmant n'avoir jamais porté plainte contre un élève, cela ne signifie aucunement qu'il n'ait pas menacé de le faire pour impressionner les époux Z..., ce d'autant qu'une autre mère de famille a précisé, lors de son audition, que M. X..., mécontent que son époux et elle ne soient pas allés au rendez-vous qu'il leur avait fixé à la gare d'Aulnoye-Aymeries, leur avait dit qu'ils se retrouveraient tous au tribunal, ce que son fils Kévin a confirmé ; que M. X... s'est présenté une seconde fois au domicile des Z..., sans y avoir été contraint, ni forcé, accompagné de Mme Y..., muni de la soit-disant convention, rédigée par lui-même, ce qu'il a reconnu, afin de la faire signer par les intéressés ; que l'absence d'accord réel de ces derniers sur le contenu de la convention, qui prétendait à l'indemnisation du préjudice soit-disant subi par M. X... suite au jet d'une boule en aluminium en direction de sa tête par Mathieu Z..., résulte de la réaction même de M. Z... lors du conseil de discipline ayant conduit à l'exclusion de Mathieu, lequel s'est exclamé qu'il pouvait, dès lors, arrêter de payer le professeur, réaction confirmée par plusieurs personnes présentes lors de ce conseil de discipline (…) ; que l'état de contrainte dans lequel se sont trouvés les époux Z..., tant au moment de la signature de la convention d'indemnisation, que par la suite lors des paiements mensuels de 300 euros, est parfaitement caractérisé par les rapports d'expertises psychologiques figurant au dossier ; qu'ainsi, tous deux sont apparus soulagés depuis la plainte, et sont apparus comme ayant signé le papier les obligeant à verser 300 euros par mois pendant 25 mois dans le seul but de protéger leur fils jusqu'au bac, ne semblant pas dans un registre de vengeance ; que ces parents ne vivaient que par et pour leurs enfants, le professeur étant venu toucher leur talon d'Achille, M. Z... étant même décrit comme pouvant se mettre en danger pour protéger ses enfants ; qu'il convient, d'ailleurs, de relever que ce n'est que sur l'incitation et avec l'aide du personnel enseignant du lycée, après le conseil de discipline ayant abouti à l'exclusion de Mathieu, que ses parents se sont résolus à porter les faits à la connaissance des autorités, la contrainte s'étant exercée et poursuivie tant que Mathieu était scolarisé au lycée Curie ; que l'avocat de M. X... affirme que la notion de contrainte morale s'interprète par référence à celle de l'article 122-2 du code pénal, et apparaît comme une force irrésistible d'origine externe dominant la volonté de celui qui la subit ou, en tout cas, assez puissante pour entraver sa liberté d'esprit ; mais que cette définition de la contrainte en tant que fait justificatif ne correspond pas à la contrainte morale visée par l'article 312-1 du code pénal, qui recouvre une notion bien plus large et plus souple que celle habituellement retenue pour exonérer un prévenu de sa responsabilité pénale ; qu'il s'agit ici de toute contrainte déterminant la remise par l'extorqué ; qu'elle est appréciée selon la force avec laquelle elle est exprimée ou la crainte qu'elle inspire, en tenant compte du caractère impressionnable de la victime, de son état de santé physique ou mentale, de sa condition intellectuelle, de son état psychique, de son âge, de sa vulnérabilité ; que la crainte peut affecter tant la victime elle-même dans ses biens ou son activité professionnelle, que ses proches ; qu'en l'espèce, les époux Z..., d'origine sociale modeste, ont pu être impressionnés par les propos tenus par un professeur, auréolé d'un certain savoir, qui affirmait tenir l'avenir de leur fils dans ses mains, étant observé, ainsi qu'il a été rappelé, qu'ils étaient prêts à tout pour leurs enfants ; que l'épouse, qui venait de subir un accident vasculaire cérébral six mois auparavant, en était encore plus fragilisée, et que, d'ailleurs, M. X... non seulement a admis qu'il avait connaissance de cet état de santé, mais en outre a décrit Mme Z... comme s'étant mise à pleurer ; que la vulnérabilité des parties civiles n'a pas à être démontrée objectivement, comme le suggère l'avocat de M. X..., mais dans la situation litigieuse, et qu'elle a été amplement démontrée ; que souligner le fait que ce sont les époux Z... qui ont contacté M. X... à plusieurs reprises pour en déduire leur accord pour verser les sommes demandées, est omettre de rappeler que, d'une part, c'était M. X... qui s'était présenté à leur domicile initialement, qu'il avait tenu des propos susceptibles de les inquiéter, et que, d'autre part, lorsque les parents de Mathieu ont rappelé, c'était pour que leur fils puisse s'excuser de son comportement, et aucunement pour payer une somme qu'ils ne possédaient pas, et qui, même par mensualités, a pesé lourdement et longuement sur leurs possibilités de dépenses, compte tenu de leurs ressources modestes ; que, sur l'élément intentionnel, nié par la défense de M. X..., il s'agit en effet de la conscience d'obtenir par l'un des moyens visés à l'article 312-1 du code pénal, ce qui n'aurait pas été obtenu d'un consentement libre ; que suffit à caractériser l'intention coupable, notamment le fait pour un supérieur hiérarchique d'exercer des pressions répétées sur une subordonnée y compris à son domicile pour obtenir sa signature, de proférer à plusieurs reprises et devant diverses personnes des menaces de représailles contre la victime, de préparer le modèle d'un testament à recopier par la victime, d'alléguer fallacieusement que la signature obtenue correspondait à la volonté de la victime, d'obtenir une somme très largement supérieure à celle réellement due, alors que la remise a été faite dans un climat de tension et de menace ; que le mobile est indifférent, et que peu importe si l'auteur soutient avoir agi pour obtenir ce qui lui est dû ; qu'en l'espèce, M. X... ne pouvait pas ne pas avoir conscience qu'il avait obtenu la signature et l'accord de paiement sous la contrainte, et sans aucune liberté d'esprit des époux Z..., qui n'auraient pas signé la prétendue convention si elle n'avait pas été préparée par M. X..., venu à leur domicile accompagné de Mme Y... pour augmenter la pression et les inciter à la signer, et qui n'auraient pas davantage payé 300 euros par mois s'ils avaient pu faire autrement ; qu'au surplus, cette conscience résultait nécessairement du fait que M. X... a ainsi tenté d'obtenir une somme de 7 500 euros, en réparation d'un préjudice qu'il n'a cessé de gonfler, affirmant contre toute vraisemblance, contre les déclarations de l'ensemble des élèves et contre son propre rapport d'incident, lequel mentionnait une boule d'aluminium de 10 cm de diamètre environ, que cette boule aurait contenu une brique, qu'il l'aurait reçue en plein oeil et aurait failli perdre la vue, voire qu'il aurait perdu connaissance, et qu'il aurait des séquelles importantes suite à ce geste ; que ces allégations, destinées à impressionner davantage les parties civiles, sont contredites tant par les déclarations des élèves présents, que par son rapport d'incident selon lequel il s'était précipité dehors suite au jet de la boule, ce qu'il n'aurait pu faire s'il avait perdu connaissance, et surtout par le rapport d'expertise de M. A..., médecin légiste, dont il résulte que les faits ont entraîné une sensibilité douloureuse de la tempe droite, compatible avec une contusion simple selon les termes du certificat initial du docteur B...; que les doléances survenues depuis étaient de nature subjective ; que l'absence de plaie cutanée et l'absence de traumatisme osseux étaient des indices en faveur d'une contusion par un corps étranger peu dense, dépourvu d'aspérité vulnérante ; qu'aucun élément ne permettait d'attribuer une gravité lésionnelle imputable aux faits ; qu'il a fixé l'incapacité totale de travail à trois jours uniquement ; qu'en outre, le cabinet d'ophtalmologie du docteur C... a précisé que les examens, scanner et IRM, étaient sans particularité, qu'une baisse de l'activité visuelle avait été détectée, mais que les examens complémentaires demandés à M. X... n'avaient pas été effectués, ce dernier ne semblant-pas trop vouloir s'y astreindre ; que ce dernier avait donc parfaitement conscience d'obtenir une somme très largement supérieure à celle réellement due, et en tout cas à celle qu'il aurait obtenue s'il avait porté l'affaire devant les instances judiciaires, voire même si les assurances de responsabilité civile respectives des parties étaient intervenues, dès lors que les époux Z... auraient bénéficié de conseils et d'une défense ; que la circonstance que M. X... ait délivré des reçus des sommes versées n'enlève rien à la contrainte exercée, Mme Z... ayant d'ailleurs indiqué à l'audience avoir ressenti à chaque réception de reçu et remerciement une humiliation supplémentaire, estimant qu'il se moquait d'eux ; qu'enfin, l'avocat de M. Rodolphe X... a plaidé, bien que n'ayant pas conclu sur ce point, que le rectorat était informé de la situation, n'ayant rien à cacher ; que toutefois, la lettre adressée au recteur de l'académie de Lille dont il se prévaut, ne concernait nullement la dénonciation de l'agression subie, et ne mentionnait sûrement pas l'indemnisation obtenue des époux Z..., mais était uniquement destinée à obtenir une ré-affectation pour raison de santé ; qu'il ne demandait même pas, dans ce courrier, qu'une suite soit donnée aux faits commis par Mathieu puisqu'il ne donnait pas son nom, ni son adresse, alors que M. X... en avait connaissance à ce moment-là ; qu'il mentionne une déclaration d'accident de travail en cours, et que la MAIF a effectivement reçu le 15 juin 2012, une déclaration d'accident à laquelle l'assureur ne donnera pas suite faute d'avoir reçu les informations complémentaires qu'il avait sollicitées ; qu'il convient d'observer qu'en définitive, M. X... n'a pu obtenir la totalité de la somme qu'il avait tenté d'extorquer, le renvoi du jeune Mathieu ayant abouti à la révélation des faits et à l'arrêt des paiements ; que sur la période de prévention, 2 100 euros ont ainsi été obtenus ; qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est coupable d'avoir, le 30 juin 2012, obtenu par contrainte la signature d'une « convention d'indemnisation » en vue de la remise de fonds, en l'espèce de 7 500 euros par 25 mensualités de 300 euros au préjudice des époux Z..., et d'avoir, du 30 juin 2012 au 29 janvier 2013, obtenu ou tenté d'obtenir par contrainte, la remise de fonds, en l'espèce 7 500 euros par mensualités de 300 euros au préjudice des époux Z..., dont le préjudice final s'est élevé à 2 100 euros ; que, sur la peine, que M. X... est âgé de 55 ans, vit en concubinage, est père de six enfants, dont cinq à charge ; qu'il est professeur, bien qu'étant suspendu actuellement, et perçoit une allocation de retour à l'emploi d'environ 1 200 euros selon sa déclaration ; qu'il est accessible au sursis simple ; que la gravité des faits, le contexte spécifique dans lequel ils sont survenus, et la personnalité du prévenu ont à juste titre conduit les premiers juges à le condamner à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et, à titre de peine complémentaire, à prononcer à son encontre l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle d'enseignant pour une durée de deux ans ;

" 1°) alors que la cour a excédé sa saisine initiale en déclarant le requérant coupable d'extorsion de signature quand la prévention initiale portait exclusivement sur une prétendue extorsion de fonds ;

" 2°) alors qu'il ne résulte d'aucun motif de l'arrêt que le prévenu eut été spécialement invité à se défendre sur la base factuelle modifiée de la prévention finalement retenue à son encontre par la cour d'appel ;

" 3°) alors que la contrainte propre à caractériser un fait d'extorsion portant sur un engagement s'entend d'agissements préalables de l'auteur tendant, par leur illicéité et leur gravité, à forcer directement la volonté du signataire qui, autrement, ne se serait pas engagé ; que la contrainte, au sens de l'article 312-1 du code pénal ne peut résulter du déséquilibre prétendu de l'engagement ni du statut respectif des signataires, ni de l'insistance prêtée au prévenu dans la recherche d'une réparation amiable, ni enfin dans le sentiment exprimé a posteriori par le plaignant de s'être senti « obligé » ou « contraint » ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans autrement caractériser l'élément de contrainte propre au délit d'extorsion, la cour a privé son arrêt de toute base légale ;

" 4°) alors que la remise de sommes en exécution d'une convention signée entre les parties n'entre pas, en elle-même, dans le champ de l'extorsion visée à la prévention ;

" 5°) alors que la contrainte morale visée à l'article 312-1 du code pénal est exclusive de tout motif intéressé ; qu'en retenant que les parents pensaient éviter l'exclusion de leur fils en indemnisant un professeur que celui-ci avait blessé, la cour n'a pu sans se contredire retenir l'existence d'une contrainte morale " ;

Sur le moyen, pris en ses 1e, 2e et 4e branches :

Attendu que M. X... a été poursuivi sous la qualification d'extorsions pour avoir, d'une part, le 30 juin 2012, " obtenu ou tenté d'obtenir par violences, menace de violences ou contrainte, en l'espèce par une convention d'indemnisation, la remise de la somme de 7 500 euros ", d'autre part, du 30 juin 2012 au 29 janvier 2013, " obtenu ou tenté d'obtenir par violences, menaces de violences ou contrainte, la remise de la somme de 7 500 euros " ;

Attendu qu'en modifiant, dans un souci de clarification et de précision, le libellé de ces incriminations, et en déclarant le prévenu coupable d'avoir, d'une part, le 30 juin 2012, obtenu par la contrainte la signature d'une " convention d'indemnisation " en vue de la remise de 7 500 euros, d'autre part, du 30 juin 2012 au 29 janvier 2013, obtenu ou tenté d'obtenir par la contrainte la remise de la somme de 7 500 euros, l'arrêt n'encourt aucun des griefs invoqués, les modifications opérées étant purement rédactionnelles et n'affectant en rien la nature des poursuites ni l'étendue de la saisine de la cour ;

Qu'au surplus, il résulte des motifs de l'arrêt que M. X... a été invité à s'expliquer à la fois sur les circonstances dans lesquelles la convention a été signée et sur celles dans lesquelles les paiements ont été effectués par les époux Z... ; qu'enfin, lors de l'audience d'appel, la défense a formulé des observations sur les deux aspects de la prévention ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses 1e, 2e et 4e branches ;

Sur le moyen, pris en ses 3e et 5e branches :

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de s'être fait remettre des fonds en exerçant une contrainte morale, l'arrêt retient, notamment, que M. X..., au lieu de faire part de ses doléances à son administration, a décidé de se faire justice lui-même, qu'à l'issue d'une enquête personnelle sur Mathieu Z... et sa famille, il s'est rendu à leur domicile et, refusant de simples excuses, a fait pression sur les parents en évoquant un dépôt de plainte, une exclusion du lycée et une possible incarcération, qu'après cette mise en condition, il est revenu peu après avec sa compagne dont la présence avait pour objet d'accroître la pression, ayant préparé une convention d'indemnisation, après avoir réduit ses prétentions de 10 000 euros à 7 500 euros, afin d'obtenir leur signature ; que les juges ajoutent que le comportement de M. X... a fortement impressionné aussi bien M. Z..., concierge dans un collège de la région, que son épouse, récemment victime d'un accident vasculaire cérébral, l'un et l'autre très préoccupés tant du sort de leur fils que des possibles répercussions d'un dépôt de plainte sur la situation professionnelle de M. Z... ; que la cour en déduit que seule la contrainte morale exercée par M. X..., qui avait pleinement conscience de la situation des conjoints Z...et de la vulnérabilité de l'épouse, lui a permis d'obtenir une indemnisation excessive au regard du préjudice subi ;

Attendu qu'en prononçant par ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que la signature et la remise des fonds ont été déterminées par l'existence d'une contrainte morale exercée en connaissance de cause par le prévenu ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses 3e et 5e branches ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Mme Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 127-7, 312-1, 312-8, 312-9 et 312-13 du code pénal, 5, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a retenu Mme Y... dans les liens de la prévention de complicité d'extorsion et de tentative d'extorsion reprochée à son co-prévenu et a statué sur les intérêts civils ;

" aux motifs que la défense de Mme Y... conclut à la confirmation de la relaxe prononcée en première instance, en l'absence d'élément légal, le fait principal n'étant pas punissable, en l'absence d'élément matériel, la complicité supposant un acte positif, ainsi que l'a relevé le jugement, puisqu'elle n'est pas à l'origine de la convention d'indemnisation, n'a pas assisté aux entrevues ou échanges téléphoniques, et n'était pas au courant de l'existence de la convention avant le jour de sa signature, ayant été seulement témoin et n'étant mise en cause par personne, qu'elle n'a joué aucun rôle dans la conclusion de l'accord, étant là pour assister uniquement ; qu'il a également relevé l'absence d'élément intentionnel antérieur ou concomitant à la réalisation de l'infraction, en l'absence de connaissance du caractère délictueux des actes de l'auteur et de participation libre à leur commission ; que l'élément légal vient d'être établi par la confirmation de la déclaration de culpabilité de M. X... ; que certes la complicité suppose l'accomplissement d'un acte positif et ne peut s'induire d'une simple abstention ; que, toutefois, le fait d'avoir accompagné M. X... chez les époux Z..., et d'avoir apposé sa signature sur la convention d'indemnisation rédigée par son concubin, en sa qualité d'ayant droit, sont bien des actes positifs ; que le complice doit avoir pris part à la préparation ou à la consommation de l'infraction, et qu'en l'espèce, c'est bien au moment de l'extorsion de signature, et en vue de l'extorsion de fonds, que Mme Y... a agi ; que l'aide ou l'assistance consiste en un concours apporté à l'auteur principal, lors de la préparation de l'infraction, ou au stade de l'exécution de l'infraction ; que le complice est celui qui accomplit des actes qui, sans faire partie de l'exécution du délit ou sans être nécessaires à cette exécution, la facilitent ; qu'en l'espèce, Mme Y... a, par sa présence, et par le fait de signer la convention en s'octroyant la qualité d'ayant droit, sans aucune justification, puisqu'elle n'avait quant à elle subi aucun préjudice, accru la pression qu'exerçait M. X... sur les époux Z..., et participé ainsi à la contrainte qu'ils subissaient ; que ses allégations selon lesquelles elle n'était présente que comme témoin, et au cas où il se serait passé quelque chose, Mathieu Z... ayant été décrit comme violent, ne résistent pas à l'analyse du déroulement des faits ; qu'en effet, si elle a accompagné M. X... la première fois qu'il s'est rendu chez les époux Z..., et alors que des violences pouvaient être éventuellement redoutées, elle n'est alors pas sortie de la voiture ; que la seconde fois pourtant, alors qu'un soit-disant accord avait été trouvé et qu'il n'y avait plus de violence à craindre, ce d'autant moins qu'aucune violence ne s'était exprimée la première fois, elle a tenu à accompagner M. X... ; que si elle ne voulait être qu'un simple témoin, et n'avait rien à voir avec cette affaire comme a tenté de le dire M. X..., elle ne devait pas laisser inscrire son nom sur la convention assorti de la qualité d'ayant-droit, et surtout, ne devait en aucun cas la signer en cette qualité ; qu'enfin, ainsi qu'il a été rappelé, la complicité nécessite, afin d'être punissable, une intention coupable chez le complice, et que cette intention coupable est non seulement le caractère volontaire de l'acte de participation, mais encore la conscience et le désir de concourir ainsi à l'infraction principale ; que la conscience de Mme Y... de participer aux faits délictueux commis par M. X... résulte de ses déclarations mêmes selon lesquelles elle ne « se sentait pas de faire une convention », et des mensonges qu'elle a énoncés lors de son audition par les policiers, afin de tenter d'échapper à sa responsabilité ; qu'ainsi, elle a faussement affirmé n'avoir signé qu'un simple papier manuscrit, que M. Z... aurait dactylographié ensuite, alors qu'il est établi que la convention d'indemnisation avait été préparée par M. X..., sur son ordinateur, avant de se rendre chez les époux Z..., et qu'il y avait donc fait figurer le nom de Mme Y... et sa qualité d'ayant droit, ce qu'il n'avait pu faire qu'avec l'accord de cette dernière ; qu'elle ne saurait prétendre ignorer le contenu du document, destiné à obtenir la somme de 7 500 euros par mensualités de 300 euros, même si elle n'a pas participé à « la détermination du montant et des modalités » ; qu'elle a en tout cas admis avoir profité des sommes extorquées, qui ont servi à améliorer leur quotidien ; qu'ainsi, les faits de complicité par aide ou assistance des extorsions réalisées par M. X... reprochés à Mme Y... sont suffisamment établis ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a relaxée, et de déclarer Mme Y... coupable, le 30 juin 2012, et du 30 juin 2012 au 29 janvier 2013, au préjudice des époux Z..., été complice des délits d'extorsion de signature et de fonds commis par M. X..., en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa consommation de l'infraction ; que sur la peine, Mme Y... est âgée de 52 ans, vit en concubinage, est mère de six enfants dont cinq à charge, exerce la profession de couturière, au salaire mensuel moyen de 1 120 euros ; que son casier judiciaire ne porte pas de condamnation ; qu'elle est accessible au sursis simple ; que la nature des faits et la personnalité de la prévenue justifient qu'elle soit condamnée à la peine d'un mois d'emprisonnement assorti du sursis simple ;

" alors que la condamnation de la requérante en qualité de complice est dénuée de fondement légal en conséquence de la cassation à intervenir au profit du co-prévenu poursuivi en qualité d'auteur principal " ;

Attendu que le pourvoi de M. X... étant rejeté, le moyen proposé par Mme Y..., qui demande uniquement une cassation par voie de conséquence, sera également rejeté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.