Cass. com., 30 mars 2016, n° 14-13.729
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Odent et Poulet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 décembre 2013), que la société G et A distribution, constituée entre M. M..., Mme Solange D..., Paulette X...et la société Profidis, était propriétaire et exploitante d'un fonds de commerce de supermarché et locataire-gérant d'un fonds de commerce de station-service de carburant dépendant du même ensemble immobilier ; que le bailleur des locaux dans lesquels le fonds de commerce de supermarché était exploité ayant délivré un congé avec refus de renouvellement, l'exploitation a cessé le 30 mars 2009 ; que s'en prévalant, la société Profidis a assigné la société G et A distribution ainsi que ses associés afin d'obtenir la dissolution de cette dernière ; que Paulette X...étant décédée en cours de procédure, ses trois enfants, Mme Solange D..., M. Alain D... et Mme Françoise D..., ont été appelés en intervention forcée en leur qualité d'héritiers ;
Attendu que la société G et A distribution, M. M...et Mme Solange D... font grief à l'arrêt de prononcer la dissolution de la société G et A distribution et de désigner un liquidateur amiable, alors, selon le moyen :
1°/ que seule l'extinction définitive et totale de l'objet social peut justifier la dissolution de la personne morale ; que la perte fortuite du fonds de commerce mentionné aux statuts et la cessation d'activité n'emportent pas disparition définitive de l'objet de la société ; qu'en l'espèce, l'objet social de la société G & A distribution était défini comme suit : « l'acquisition et l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de type supermarché à Septueil (78790), 10 place de la Mairie, à l'enseigne « Shopi » à l'exclusion de tout autre. Et plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu'elles soient, juridiques, économiques et financières, civiles et commerciales, se rattachant à l'objet sus-indiqué » ; qu'en affirmant que la cessation de l'exploitation du fonds de commerce alimentaire à l'enseigne Shopi depuis le 30 mars 2009 et la perte du fonds indemnisée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 25 septembre 2008 avaient pour conséquence l'extinction de l'objet social de la société G & A distribution, lorsque la perte du fonds de commerce et la cessation d'activité ne suffisent pas à caractériser une extinction de l'objet social si elles n'excluent pas toute reprise ultérieure de l'activité visée aux statuts, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 2° du code civil ;
2°/ qu'outre l'exploitation d'un fonds de commerce de supermarché, les statuts visaient « plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu'elles soient, juridiques, économiques et financières, civiles et commerciales, se rattachant à l'objet sus-indiqué » ; que l'objet social de la société G & A distribution n'était donc pas exclusivement cantonné à l'exploitation du fonds de commerce alimentaire, mais recouvrait toutes les activités secondaires qui pouvaient s'y rattacher, telle l'activité de station-service exploitée depuis mars 2004 dans le même ensemble immobilier ; qu'en affirmant que cette activité de station-service était « étrangère à l'objet social statutaire de la société G & A distribution, à savoir l'exploitation d'un fonds de commerce alimentaire à l'enseigne « Shopi » (¿) à l'exclusion de tout autre », pour prononcer en conséquence la dissolution de la société, lorsque les statuts mentionnaient également toutes opérations se rattachant à cette exploitation d'un supermarché, la cour d'appel a dénaturé les énonciations claires et précises des statuts et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'à supposer qu'elle ait affirmé que l'activité secondaire de station-service ne pouvait objectivement se rattacher à l'objet statutaire précédemment décrit, lorsqu'une activité de station-service peut objectivement se rattacher à l'exploitation d'un supermarché, la cour d'appel aurait violé l'article 1844-7 du code civil ;
4°/ qu'en tout état de cause, lorsque l'assemblée générale d'une personne morale décide, après la perte de son fonds de commerce et la cessation de son activité principale, de poursuivre l'exploitation d'une activité secondaire qui s'y rattachait, le juge ne peut en ordonner la dissolution pour extinction de l'objet social ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'assemblée générale du 5 mai 2009 avait décidé que la société G & A Distribution poursuivrait l'exploitation de la station-service et avait rejeté la demande de dissolution formée par l'un des associés, la société Profidis ; qu'en prononçant la dissolution d'une société qui avait expressément décidé de maintenir son activité nonobstant la disparition de son activité principale, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil ;
5°/ que la société G & A distribution invoquait un « courrier officiel » du 10 avril 2009 par lequel le conseil de la société Profidis déclarait au conseil de la société G & A distribution que la dissolution de la société G & A distribution s'imposerait « sauf pour le cas où par extraordinaire, (les associés) estimeraient pouvoir maintenir l'activité dans le cadre de la location-gérance concernant la station-service » (production n° 12) ; que la société G & A distribution, M. M...et Mme Solange D..., agissant en son nom et en qualité d'héritière de Paulette X...en déduisaient que la société Profidis avait manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi et commis un abus de droit en sollicitant la dissolution de la société en dépit de la résolution d'assemblée générale du 5 mai 2009 qui avait décidé la poursuite de l'activité de station-service ; qu'en se bornant à relever que la société Profidis n'aurait pas renoncé à son droit de demander la résolution au cours de l'assemblée générale du 5 mai 2009, sans rechercher si elle n'avait pas commis un abus de droit justifiant le rejet de son action en indiquant subordonner sa demande de dissolution à l'absence de volonté collective contraire, puis en sollicitant la dissolution judiciaire nonobstant la résolution du 5 mai 2009, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil et de l'article 1844-7, 2° du même code ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par une interprétation souveraine des statuts de la société, que l'ambiguïté de leurs termes rendait nécessaire, que l'objet social statutaire de la société G et A distribution était exclusivement cantonné à l'exploitation d'un fonds de commerce alimentaire et que l'exploitation d'une station-service ne pouvait se rattacher à cet objet ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la cessation définitive de l'exploitation du fonds de commerce alimentaire depuis le 30 mars 2009 avait pour conséquence l'extinction de son objet social, impliquant la dissolution de plein droit de la société ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.