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Décisions

Cass. crim., 22 avril 1975, n° 74-90.984

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cénac

Rapporteur :

M. Mongin

Avocat général :

M. Davenas

Avocat :

Me Garaud

Colmar, ch. corr., du 5 mars 1974

5 mars 1974

CASSATION SUR LES POURVOIS FORMES PAR : 1° X... (LEOPOLD);

2° Y... (DANIEL), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE COLMAR, CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS, DU 5 MARS 1974, QUI LES A CONDAMNES, LE PREMIER POUR CHANTAGE ET LE SECOND POUR COMPLICITE DE CE DELIT, A 2000 FRANCS D'AMENDE CHACUN AINSI QU'A DES REPARATIONS CIVILES;

VU LA CONNEXITE, JOIGNANT LES POURVOIS;

VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE LA COUR, SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION COMMUN AUX DEUX DEMANDEURS, ET PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 400, PARAGRAPHE 2, DU CODE PENAL, VIOLATION DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE L'ATTACHE DE DIRECTION D'UN MAGASIN, COUPABLE DE DELIT DE CHANTAGE, ET COUPABLE DE COMPLICITE DE CHANTAGE LE PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DUDIT MAGASIN;

" AUX MOTIFS QUE LA SOMME DE 7000 FRANCS EXIGEE PAR LE PREVENU DE LA PARTIE CIVILE, POUR RETIRER LA PLAINTE DEPOSEE CONTRE ELLE A LA SUITE D'UN VOL DE DEUX RASOIRS ELECTRIQUES DONT ELLE S'ETAIT RENDUE COUPABLE, ETAIT SANS COMMUNE MESURE AVEC LE PREJUDICE CAUSE PAR CE DELIT A LA SOCIETE QUI GERAIT LE MAGASIN;

QUE, PAR AILLEURS, LE PREVENU SAVAIT QUE LA PARTIE CIVILE SE TROUVAIT EN PLEIN DESARROI ET ETAIT PRETE A TOUS LES SACRIFICES POUR EVITER LES POURSUITES JUDICIAIRES, QUE, DANS CES CONDITIONS, ET ALORS QU'IL NE POUVAIT DE BONNE FOI, CROIRE QUE CETTE SOMME CORRESPONDAIT A LA VALEUR D'AUTRES MARCHANDISES DEROBEES PAR L'INTERRESSEE, LE PREVENU AVAIT COMMIS LE DELIT DE CHANTAGE;

" ALORS QUE LE CONCOURS DE TROIS ELEMENTS EST NECESSAIRE POUR CONSTITUER LE CHANTAGE : LA MENACE ECRITE OU VERBALE DE REVELATIONS OU IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES, LE BUT DE CUPIDITE ILLEGITIME ET LA MAUVAISE FOI DE L'AUTEUR DE LA MENACE;

QU'EN L'ESPECE, LE PREMIER ELEMENT FAISAIT DEFAUT;

QU'EN EFFET, LE FAIT DE DEMANDER LE VERSEMENT D'UNE SOMME D'ARGENT COMME CONDITION DU DESISTEMENT D'UNE PLAINTE DEJA DEPOSEE NE SAURAIT CONSTITUER LA MENACE DE REVELATIONS OU IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES, LA PLAINTE QUI POUVAIT CONTENIR CES REVELATIONS OU IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES AYANT PRECEDE LA DEMANDE D'ARGENT;

D'OU IL SUIT QUE L'ARRET ATTAQUE MANQUE DE BASE LEGALE;

" VU LESDITS ARTICLES;

ATTENDU QUE, SELON LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 400, ALINEA 2, DU CODE PENAL, QUI PREVOIENT ET PUNISSENT LE DELIT DE CHANTAGE, CETTE INFRACTION NE PEUT ETRE COMMISE QU'A L'AIDE DE LA MENACE DE REVELATIONS OU D'IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES;

QUE LA CONSTATATION PAR LES JUGES CORRECTIONNELS DE L'EMPLOI D'UNE TELLE MENACE EST UNE CONDITION NECESSAIRE A L'APPLICATION DUDIT TEXTE;

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE, LE 22 AVRIL 1972, DANS UN MAGASIN EXPLOITE PAR LA SOCIETE Y..., Z... (BERTHE) A ETE SURPRISE EN FLAGRANT DELIT DE VOL DE DEUX RASOIRS ELECTRIQUES;

QU'UN EMPLOYE DE L'ETABLISSEMENT, X..., A IMMEDIATEMENT PORTE PLAINTE CONTRE ELLE, AU NOM DE LADITE SOCIETE, AUPRES DU COMMISSAIRE DE POLICE;

QUE, LES JOURS SUIVANTS, LE MEME X..., AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DU PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL Y..., A DEMANDE A Z... (BERTHE) LE VERSEMENT D'UNE SOMME DE 7000 FRANCS COMME CONDITION DU RETRAIT DE LA PLAINTE;

QU'APRES AVOIR OBTENU D'ELLE LA REMISE D'UNE SOMME DE 2000 FRANCS AINSI QUE LA PROMESSE, D'AILLEURS ULTERIEUREMENT TENUE, D'UN VERSEMENT COMPLEMENTAIRE DE 5000 FRANCS, X... S'EST DESISTE, LE 26 AVRIL 1972, DE LA PLAINTE QU'IL AVAIT DEPOSEE CONTRE Z... (BERTHE), EN DECLARANT QUE CELLE-CI AVAIT REPARE LE PREJUDICE CAUSE A LA SOCIETE Y...;

QUE TOUT L'ARGENT AINSI RECUEILLI PAR X... A ETE REMIS A Y...;

QUE L'ARRET AJOUTE QUE LA SOMME DE 7000 FRANCS ETAIT HORS DE PROPORTION AVEC LA VALEUR DES OBJETS VOLES ET QUE LES PREVENUS ONT MIS A PROFIT LE DESARROI DANS LEQUEL SE TROUVAIT Z... (BERTHE), QUI " ETAIT PRETE A TOUS LES SACRIFICES POUR EVITER DES POURSUITES JUDICIAIRES ";

QU'EN L'ETAT DE CES SEULES CONSTATATIONS, LA COUR D'APPEL A DECLARE X... ET Y... COUPABLES, RESPECTIVEMENT, DE CHANTAGE ET DE COMPLICITE DE CE DELIT;

MAIS ATTENDU QUE LE FAIT DE DEMANDER LE VERSEMENT D'UNE SOMME D'ARGENT COMME CONDITION DU DESISTEMENT D'UNE PLAINTE DEJA DEPOSEE NE SAURAIT CONSTITUER UNE MENACE DE REVELATIONS OU D'IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES DES LORS QUE LA PLAINTE QUI CONTENAIT CES REVELATIONS OU IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES A PRECEDE LA DEMANDE D'ARGENT;

QU'AINSI, EN STATUANT COMME IL L'A FAIT, L'ARRET ATTAQUE A MECONNU LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 400, ALINEA 2, SUSVISE;

QUE LA CASSATION EST PAR SUITE ENCOURUE;

PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU D'EXAMINER LE SECOND MOYEN PROPOSE;

CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE COLMAR EN DATE DU 5 MARS 1974 DANS TOUTES SES DISPOSITIONS TANT CIVILES QUE PENALES;

ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI;

RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE NANCY.