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Décisions

Cass. com., 10 février 2015, n° 14-10.110

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Foussard, SCP Bénabent et Jéhannin

Paris, du 3 oct. 2013

3 octobre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2013) et les productions, que M. Philippe X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière dénommée SCI du lot 43 (la SCI), dont le capital a été réparti à parts égales entre eux et dont l'objet était l'acquisition d'un appartement ainsi que d'une place de parking, l'achat étant notamment financé par des fonds obtenus auprès de M. Didier X... ; qu'à la suite de sa séparation d'avec M. Philippe X..., Mme Y... a fait part de son souhait de céder ses parts, puis a assigné la SCI pour que soit prononcé son retrait de cette dernière pour justes motifs et obtenir la désignation d'un expert chargé d'évaluer la valeur de ses parts ; que MM. Philippe et Didier X... et la SCI ont reconventionnellement demandé l'annulation de la société ;

Sur le premier moyen :

Attendu que MM. Philippe et Didier X... ainsi que la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, de faire droit à la demande de retrait de Mme Y... et de statuer sur les frais d'expertise alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'un contrat de société suppose à la fois l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun et celle de participer aux bénéfices ou aux économies, ainsi qu'aux pertes pouvant en résulter ; qu'il ne saurait y avoir de société en l'absence d'engagement véritable d'apport de l'un des associés ; qu'en l'espèce, la SCI du lot 43 et MM. X... soutenaient dans leurs conclusions d'appel que Mme Y... n'avait jamais envisagé de participer au capital de la société en réalisant un apport à celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que « l'absence de libération du capital dans les délais se résout éventuellement en dommages et intérêts et n'est pas une cause d'annulation de la société», sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'absence de toute participation de Mme Y... au capital social de la SCI du lot 43 ne révélait pas de sa part une absence d'engagement véritable d'apport, cause de nullité de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;

2°/ que l'existence d'un contrat de société suppose à la fois l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun et celle de participer aux bénéfices ou aux économies, ainsi qu'aux pertes pouvant en résulter ; que l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun est nécessairement distincte de la mise en commun d'intérêts inhérents au concubinage ; qu'en retenant cependant en l'espèce, pour débouter la SCI du lot 43 et MM. X... de leur demande en nullité de la SCI du lot 43, que l'intention de M. Philippe X... et de Mme Y... de « collaborer activement sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun » résultait, au moment de la constitution de la société, de leur seule volonté de cohabiter dans l'immeuble acquis par la SCI du lot 43, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur la mise en commun d'intérêts inhérents au concubinage sans caractériser l'affectio societatis nécessaire à l'existence d'une société ; qu'en statuant ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;

3°/ que l'existence d'un contrat de société suppose à la fois l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun et celle de participer aux bénéfices ou aux économies, ainsi qu'aux pertes pouvant en résulter ; qu'en l'espèce, les conclusions d'appel de la SCI du lot 43 et de MM. X... faisaient expressément valoir que Mme Y... n'avait jamais eu la moindre intention de participer aux frais ou aux pertes éventuelles induites par l'existence de la société ; qu'en déboutant en l'espèce la SCI du lot 43 et MM. X... de leur demande en nullité de la SCI du lot 43, sans caractériser l'existence d'une intention de Mme Y... de participer aux pertes de la société, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;

4°/ que la répartition à égalité des parts sociales entre les associés est une circonstance qui ne peut à elle seule exclure la fictivité de la société ; qu'en retenant cependant en l'espèce, pour débouter la SCI du lot 43 et MM. X... de leur demande en nullité de la SCI du lot 43, que « si l'unique motivation des consorts X... était d'échapper aux droits de mutation sur les donations entre vifs, il aurait suffi d'attribuer à Mme Nouria Y... 1 % des parts sociales et non 50 % », la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que l'absence de libération du capital dans les délais se résout éventuellement en dommages-intérêts et n'est pas une cause d'annulation de la société, et retenu souverainement que l'unique objet de la SCI était l'acquisition au moyen d'un emprunt d'un bien immobilier destiné à l'habitation des associés, de sorte que M. Philippe X... et Mme Y... avaient, au moment de la constitution de la société, la volonté de la créer afin de cohabiter dans le bien acquis, ce dont résultaient la réalité de l'engagement de Mme Y... de procéder à un apport et l'existence de l'affectio societatis, la cour d'appel, qui en outre a constaté que Mme Y... s'était reconnue débitrice, à l'égard de l'administration fiscale, des taxes foncières portant sur ce bien, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui est partiellement inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que MM. Philippe et Didier X... ainsi que la SCI font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que les droits de chaque associé dans le capital social sont proportionnels à ses apports lors de la constitution de la société ou au cours de l'existence de celle-ci ; qu'en conséquence, l'associé qui n'a jamais effectué le moindre apport au capital de la société ne peut prétendre bénéficier des droits sociaux correspondants au moment de son retrait ; qu'il ne peut donc, en une telle hypothèse, avoir droit au remboursement de la valeur de droits sociaux qu'il ne détient pas ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que Mme Y... n'établissait pas avoir libéré sa part du capital de la société ; qu'en retenant cependant que Mme Y..., « de par son retrait, a droit (¿) au remboursement de la valeur de ses droits sociaux », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1843-2 et 1869 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le contrat de société n'était pas nul et que le droit de retrait de Mme Y... n'était pas contesté, la cour d'appel en a exactement déduit que ce retrait, causé par de justes motifs résultant de la mésentente des deux associés, lui donnait droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le dernier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.