Cass. 3e civ., 13 janvier 1999, n° 96-22.241
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fossereau
Rapporteur :
Mme Stéphan
Avocat général :
M. Weber
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Vier et Barthélemy
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 1996), que la société Dea France (société Dea), preneur à bail de locaux à usage commercial, a donné congé par lettre recommandée, conformément aux conventions, à la société Placement Pierre Y 1, propriétaire, pour la fin de la deuxième période triennale, puis a quitté les lieux ; que la bailleresse a assigné en nullité du congé et paiement des loyers et des charges de la troisième période triennale la locataire qui a appelé en garantie la société Brice X rédactrice du bail, ainsi que la société Placement Pierre Y 1 ;
Attendu que la société Brice X fait grief à l'arrêt qui accueille la demande de la condamner in solidum avec la société Placement Pierre Y 1 à garantir la société Dea de ces condamnations, alors, selon le moyen, 1° que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, qu'en l'espèce, les juges du fond relèvent que la société Placement Pierre Y 1 avait introduit sciemment la clause litigieuse dans le contrat de bail, qu'elle savait que cette clause était illicite et qu'elle avait ainsi manqué à son obligation de loyauté ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 1134 du Code civil et 5 du décret du 30 septembre 1953, déclarer la bailleresse fondée à invoquer le bénéfice de la nullité du congé en raison d'une irrégularité dont elle avait sciemment provoqué la commission ; 2° qu'en tout état de cause, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Placement Pierre Y 1 était fondée à invoquer la nullité du congé en raison d'une irrégularité dont elle était l'auteur, la cour d'appel a privé sa décision au regard des textes susvisés et du principe nemo auditur turpitudinem allegans ;
Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant, à bon droit, par motifs propres et adoptés, qu'au regard des prescriptions de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953, la bonne ou la mauvaise foi de la société Placement Pierre Y 1 était indifférente à la validité du congé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que les sociétés Placement Pierre Y 1 et Brice X font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à garantir la société Dea France des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen, 1° que le fait pour la société Dea France d'être assistée par un professionnel sur lequel pesaient les obligations que l'arrêt attaqué met à la charge de la société Brice X impliquait qu'elle était responsable, à tout le moins en partie, de l'insertion de la clause litigieuse et donc, du préjudice dont elle demandait réparation ; qu'en condamnant la société Placement Pierre Y 1 in solidum avec la société Brice X, sur le fondement de la responsabilité encourue par le mandant, en raison des fautes de son mandataire, à garantir à la société Dea France de toutes sommes dues à la société Placement Pierre Y 1, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 2° qu'en déniant à la société Dea France assistée d'un conseil spécialisé, la qualité de professionnel de l'immobilier en se référant à un fax dont elle ne précise pas le contenu, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier que ladite société était dans l'ignorance des exigences de forme de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 et donc, qu'elle n'avait pas concouru, serait-ce en partie, au préjudice dont elle demandait réparation ; qu'en déclarant que la société Placement Pierre Y 1 avait engagé sa responsabilité personnelle et en la condamnant in solidum avec la société Brice X à réparer les conséquences de la nullité du bail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil ; 3° qu'en constatant que la société Dea France avait demandé que la clause litigieuse fasse référence à l'article 5 du décret du 30 septembre 1953, la cour d'appel admettait par là même qu'elle avait connaissance des exigences de forme imposées par ces textes, ainsi que la société Placement Pierre Y 1 l'avait fait valoir dans ses conclusions d'appel ; qu'en déclarant que la société Placement Pierre Y 1 avait engagé sa responsabilité personnelle à l'égard de la société Dea France et en la condamnant in solidum avec la société Brice X à garantir la société Dea France des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ;
4° qu'en déniant à la société Dea France assistée d'un conseil spécialisé, la qualité de professionnel de l'immobilier en se référant à un fax dont elle ne précise pas le contenu, la cour d'appel ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier que ladite société était dans l'ignorance des exigences de forme de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 et donc, qu'elle n'avait pas concouru, serait-ce en partie au préjudice dont elle demandait réparation, qu'en déclarant que la société Brice X avait engagé sa responsabilité personnelle et en la condamnant in solidum avec la société Placement Select 1 à réparer les conséquences de la nullité du bail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil, 5° qu'en constatant que la société Dea France avait demandé que la clause litigieuse fasse référence à l'article 5 du décret du 30 septembre 1953, la cour d'appel admettait par là même qu'elle avait connaissance des exigences de forme imposées par ces textes, ainsi que la société Brice X l'avait fait valoir dans ses conclusions d'appel ; qu'en déclarant que la société Brice X avait engagé sa responsabilité personnelle à l'égard de la société Dea France et en la condamnant in solidum à garantir la société Placement Pierre Y 1 à garantir la société Dea France des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil, 6° que le fait pour la société Dea France d'être assistée par un professionnel sur lequel pesaient les obligations que l'arrêt attaqué met à la charge de la société Brice X impliquait qu'elle était responsable, à tout le moins en partie, de l'insertion de la clause litigieuse et donc, du préjudice dont elle demandait réparation ; qu'en condamnant la société Brice X in solidum avec la société Placement Pierre Y 1 à garantir la société Dea France de toutes sommes dues à la société Placement Pierre Y 1, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que l'assistance d'un juriste n'était pas de nature à affranchir la société Brice X, mandataire de la société Placement Pierre Y 1, de l'obligation, qui lui incombait comme rédacteur du bail, d'appeler l'attention de la société Dea France sur l'irrégularité de la clause régissant la forme du congé, à propos de laquelle il y avait eu contestation ainsi qu'il ressortait de la télécopie du 15 mars 1989, les modifications au projet de bail qu'avait demandées cette société ayant été acceptées sauf en ce qui avait trait à cette clause, et constaté qu'au contraire de la société preneuse, la propriétaire était professionnelle de l'immobilier, la cour d'appel a pu en déduire que, comme la société Brice X, la bailleresse avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société Dea France, et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.