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Décisions

Cass. com., 17 mars 2015, n° 13-28.436

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, 25 oct. 2013

25 octobre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 octobre 2013), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 mars 2013, pourvoi n° 11-27.725), et les productions, que la société Syngenta Limited (la société Syngenta), titulaire du brevet européen EP 90300779 déposé le 25 janvier 1990, délivré le 23 mars 1994 et intitulé "fongicides", a déposé, le 28 septembre 2009, à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) une requête en limitation de la partie française de ce brevet ; qu'elle demandait que la revendication 8 du brevet soit définie comme une composition fongicide comprenant, outre une quantité efficace du point de vue fongicide d'un composé suivant la revendication 1, composé d'acide propénoïque, et un support ou diluant acceptable du point de vue fongicide pour ce composé, un autre composé doué d'activité biologique choisi parmi une liste de composés définis ;

Attendu que le directeur général de l'INPI fait grief à l'arrêt d'annuler sa décision du 6 mai 2010 ayant rejeté la requête alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet de la protection demandée est défini par les revendications, la description servant à interpréter les revendications sans définir cet objet ; que si son titulaire est en droit de limiter la portée du brevet en modifiant une ou plusieurs revendications, sa demande de limitation ne peut conduire à modifier l'objet de la protection telle qu'elle est définie par les revendications ; que l'introduction, dans l'une des revendications d'un brevet protégeant un médicament, d'un principe actif qui n'était pas mentionné dans le libellé des revendications correspond à une modification de l'objet du brevet qui ne peut être autorisée sous couvert de limitation de la portée du brevet ; qu'en décidant au contraire que la modification de la revendication d'origine couvrant une composition fongicide comprenant un composé suivant la revendication 1 (un dérivé d'acide propénoïque) en ce sens que cette composition comprenait en outre un autre composé choisi dans d'autres groupes de composés dont la liste était reproduite dans la description du brevet ne correspondait pas à une modification de l'objet du brevet de sorte que la société Syngenta propriétaire du brevet pouvait ainsi en limiter la portée, la cour d'appel a violé les articles L. 612-6, L. 613-2, L. 613-24, R. 613-45 du code de la propriété intellectuelle ensemble les articles 69 et 84 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens ;

2°/ qu'il n'y a divulgation d'une invention que pour autant que, à la date de la communication des informations au public, l'homme du métier est en mesure de réaliser l'invention à l'aide de ces informations et de ces connaissances ; que le directeur de l'INPI faisait valoir que l'indication dans la description de la liste des composés pouvant être associés au composé mentionné dans la revendication d'origine, ne pouvait caractériser aucune divulgation, directe et non ambiguë, de l'association de composés telle que mentionnée dans la revendication modifiée pour la raison que, à la date de dépôt du brevet, l'homme du métier n'était pas en mesure, en l'absence de tests et d'expériences, de réaliser l'invention faute de pouvoir déterminer les associations aptes à parvenir au résultat recherché, la liste de composés figurant dans la description ayant un caractère uniquement spéculatif et ne correspondant à aucune association réalisée et testée ; qu'en se bornant à énoncer que la brevetabilité ou la suffisance de description étaient étrangères à l'examen de la procédure de limitation et que l'homme du métier, qui est un "laborantin" de la combinaison décrite, avait connaissance, sans avoir à effectuer un travail de recherche, des éléments de cette combinaison et des dosages habituels de ces éléments, sans rechercher, comme elle y était invitée, en se plaçant à la date de la délivrance du brevet, si l'homme du métier était en mesure de réaliser des associations de composés permettant de parvenir au but recherché par l'invention, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la description divulguait, de manière directe et non ambiguë, l'objet de la revendication telle que modifiée a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 613-24 du code de la propriété intellectuelle et 69 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens ;

Mais attendu, d'une part, qu'en retenant que la modification de la revendication 8 tendant à ce que la composition, mentionnée en termes généraux dans la revendication initiale, comprenne un second principe actif choisi sur une liste figurant dans la description du brevet qui en précisait son périmètre, constitue une demande de limitation de la portée de ce brevet sans en changer l'objet, supportée de manière directe et sans ambiguïté par sa description, la cour de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève qu'à la lumière des éléments de la description dont il a connaissance par son activité, l'homme du métier, qui est un laborantin de préparation de compositions fongicides, n'a pas à effectuer un travail de recherche en ce qui concerne les dosages habituels d'utilisation ; qu'en l'état de ces appréciations, dont elle a déduit que la combinaison revendiquée avait été divulguée par la description initiale, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, en ce qu'il invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Syngenta Limited ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille quinze.