Cass. 3e civ., 15 avril 2015, n° 13-24.712
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2013), que la société Viainvest a mis en vente par lots un immeuble transformé en résidence hôtelière, dont elle a confié l'exploitation à la société Atrium Tourisme ; qu'un acte notarié du 12 décembre 2007 passé entre ces sociétés prévoyait notamment que les ventes des différents lots seraient assorties d'un bail commercial notarié d'une durée ferme de onze ans, consenti par les acquéreurs à la société Atrium Tourisme ; que M. X, M. Y en indivision avec Mme Z et M. A ont acquis de la société Viainvest différents lots ; que la société Atrium Tourisme ayant été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur a informé les bailleurs de la résiliation de plein droit du bail commercial ; que MM. A, Y et X ont assigné la société Viainvest en prononcé de la caducité des actes de cession et remboursement du prix de vente ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que MM. A, Y et X et Mme Z font grief à l'arrêt de refuser de prononcer la caducité des ventes qu'ils ont passées avec la société Viainvest, respectivement les 18 mars et 1er avril 2008, et de condamner la société Viainvest au paiement à chacun d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°) que conformément aux dispositions des articles 1217 et 1218 du code civil, des contrats de vente, de bail et de prêt proposés comme un ensemble indissociable par le vendeur et conclus de manière concomitante aux fins de réaliser un investissement locatif constituent un ensemble contractuel indivisible ; que la résiliation du contrat de bail entraîne la caducité des contrats associés ; qu'en l'espèce, la société Viainvest a proposé aux acquéreurs une opération complexe comportant la cession d'une chambre au sein d'une résidence hôtelière, sa location en meublé, par la société Atrium tourisme, organisme de gestion qu'elle a choisi, et avec lequel l'acquéreur devait s'engager à former un bail commercial, d'une durée de 11 ans minimum, selon les modalités fixées par une convention entre la société Viainvest et la société Atrium tourisme, et la garantie, par un contrat d'assurance souscrit par le vendeur, du paiement du loyer pendant la durée du bail, aux fins de remboursement de l'emprunt contracté par les acquéreurs ; qu'en l'état d'un tel ensemble contractuel présenté par son concepteur et accepté par l'acquéreur comme une opération unique, aux fins d'investissement locatif, la résiliation du contrat de bail, par la volonté du liquidateur de la société gestionnaire, devait entraîner la caducité du contrat de cession ; que la cour d'appel, pour refuser de prononcer la caducité de la cession, a retenu que l'acquéreur avait été mis en possession de la chambre et avait formé le bail commercial prévu, ce qui avait conféré à la vente une cause qui n'avait pas disparu avec la résiliation du bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°) que la cour d'appel a relevé que, dans la commune intention de toutes les parties, le bail commercial était prévu pour une durée de 11 ans, et que la société Viainvest avait, dans le contrat formé avec la société Atrium tourisme, accepté de verser à celle-ci une somme de 500 000 euros en contrepartie de sa renonciation aux droits attachés aux baux commerciaux formés avec les futurs acquéreurs et fixé le montant du loyer à payer en considération d'un taux de rentabilité à servir aux acquéreurs de 4,92 % ; qu'elle a cependant refusé de retenir l'existence d'un ensemble contractuel indivisible entre le contrat de vente et le contrat de location, faute, pour le contrat de cession, de comporter un engagement de la société Viainvest garantissant la rentabilité de l'investissement ou prévoyant la caducité du contrat de cession en cas de procédure collective de la société locataire ; qu'en refusant de prononcer la caducité du contrat de vente par l'effet de la résiliation du bail par le liquidateur de la société locataire et gestionnaire, la cour d'appel a violé les articles 1217 et 1218 du code civil ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°) que la cour d'appel qui a constaté que la société Viainvest avait pris l'engagement, auprès des acquéreurs d'une chambre de la résidence hôtelière, de garantir, par la souscription d'un contrat d'assurance, le paiement du loyer pendant toute la durée du bail mais qui n'en a pas déduit que les contrats de vente et de bail commercial de la chambre étaient liés par un lien d'indivisibilité, et formaient un ensemble contractuel de nature à entraîner la résiliation du contrat de vente par l'effet de celle du contrat de location n'a pas, en statuant ainsi, déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient et a en conséquence violé les articles 1217 et 1218 du code civil, ensemble l'article 1134 du code civil ;
4°) que la cour d'appel, pour refuser de prononcer la caducité du contrat de vente par l'effet de la résiliation du contrat de bail, a relevé que le contrat d'acquisition ne comportait aucun engagement de la société Viainvest, pour le cas de défaillance de la société preneur, ni celui d'une garantie de la rentabilité de l'investissement, tout en observant qu'il en serait autrement si la société Viainvest avait gravement manqué à ses obligations en ne prenant pas toutes les précautions nécessaires dans le choix de la société gestionnaire ; qu'en s'abstenant de déduire de ce que la société Viainvest avait l'obligation de choisir avec soin la société locataire, sauf à être responsable des conséquences de son défaut de diligence et à voir déclarer caducs les actes de cession des chambres dans une résidence hôtelière, l'interdépendance des contrats de vente et de location, la cour d'appel a violé les articles 1217 et 1218 du code civil ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'opération consistant à acquérir un lot de la résidence hôtelière en concluant simultanément un bail commercial d'une durée ferme de onze années avec la société de gestion et permettant la réalisation d'un avantage fiscal, a été causée, dès lors que les acquéreurs ont été mis en possession du bien acquis et ont conclu avec la société Atrium Tourisme un bail commercial ouvrant droit à un avantage fiscal et que le repreneur de celle-ci leur a proposé un autre contrat de bail et retenu que le fait que le loyer en soit moins avantageux que dans le précédent bail ne pouvait être analysé comme une absence de contrat ou être imputé comme faute contractuelle à la société Viainvest, la cour d'appel, qui n'a pas constaté le caractère indivisible des contrats, a pu en déduire que le contrat de vente des lots n'était pas caduc ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la société Viainvest avait proposé aux acquéreurs une indemnisation partielle de leur préjudice résultant du défaut de paiement des loyers par la société Atrium tourisme, qu'elle avait imposée comme locataire aux acquéreurs et qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de l'inapplication du contrat d'assurance souscrit par elle dans ses rapports avec les acquéreurs, la cour d'appel a pu en déduire que la société Viainvest devait être condamnée à verser des dommages-intérêts aux bailleurs en réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de la société Atrium Tourisme, dont elle a souverainement évalué le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.