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Décisions

Cass. 1re civ., 2 septembre 2020, n° 19-12.580

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Hascher

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Krivine et Viaud, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 19 déc. 2018

19 décembre 2018

Intervention volontaire

1. Il est donné acte à la société FHB, représentée par Mme P... M... et M. C... D... et la société Thevenot Partners, représentée par Mme E... A..., d'une part, M. V... X... et la société BTSG, prise en la personne de M. U... Y..., d'autre part, de leur intervention volontaire, en leurs qualités respectives d'administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires à la procédure de redressement judiciaire de la société Orchestra-Premaman.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-14.699), la société française Orchestra Kazibao, devenue Orchestra-Premaman, a conclu un contrat de vente avec la société russe [...], laquelle lui a remis deux garanties bancaires à première demande émises par la société russe Baltinvestbank, sous la forme de messages swift. Ayant appelé vainement ces garanties dont la société [...] a obtenu l'annulation devant les juridictions russes, elle a assigné la société française VTB Bank France et les sociétés russes Baltinvestbank et JSC VTB Bank devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité et paiement de dommages-intérêts, sur le fondement contractuel et, subsidiairement, délictuel. Celles-ci ont soulevé l'incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction russe.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La société Orchestra-Premaman fait grief à l'arrêt de déclarer incompétent le juge français, alors « qu'en n'expliquant pas pour quelle raison il était exclu de considérer que la transmission des messages swift litigieux par la société russe JSC VTB Bank, via la société française VTB Bank France, à la banque Société générale, fût assimilable à une prestation de service réalisée en France pouvant fonder la compétence internationale directe du juge français, la cour d'appel n'a en tout cas pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 46 du code de procédure civile étendu à l'ordre international. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 46 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, en matière contractuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.

6. Pour écarter la compétence du juge français sur le fondement de l'article 46 du code de procédure civile en matière contractuelle, l'arrêt retient que le lieu d'exécution de l'engagement contractuel de la société Baltinvestbank ou de ses manquements, ainsi que ceux de la société JSC VTB Bank Russe, est situé en Russie où le défaut de paiement par la société [...], débitrice, aurait dû entraîner l'exécution de la garantie à première demande, l'envoi du message à la Société Générale, banque française de la société Orchestra-Premaman, étant indifférente dès lors qu'il ne s'agissait ni de la livraison d'une chose à cette dernière ni de la réalisation à son profit d'une prestation de service exécutée en France.

7. En se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi une transmission des messages swift n'était pas une prestation de service, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Orchestra-Premaman fait le même grief à l'arrêt, alors « que le point de savoir quelle partie est liée par une clause attributive de juridiction relève du droit applicable au contrat qui la stipule lorsque ce contrat précise ce droit ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la société Orchestra, si le droit russe, qui aux termes des conventions régissait tant les garanties à première demandes que la convention conclue aux fins de délivrance de celles-ci entre la société russe Karusel et la société russe Baltinvestbank, n'excluait pas que le bénéficiaire d'une garantie à première demande fût lié par une clause attributive de juridiction stipulée dans cette garantie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 48 du code de procédure civile étendu à l'ordre international, ensemble les articles 3 et 14 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 3 du code civil :

9. Il résulte de ce texte qu'il incombe au juge français saisi d'une demande d'application d'un droit étranger de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, et de l'appliquer.

10. Pour dire le juge français incompétent, l'arrêt retient que les messages swift constituant le seul instrumentum des garanties à première demande, comportent des clauses attributives de compétence aux juridictions russes qui sont opposables par la société Baltinvestbank au bénéficiaire qu'est la société Orchestra-Premaman.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le droit russe qui, aux termes des conventions, régissait tant les garanties à première demande que la convention conclue aux fins de délivrance de celles-ci entre la société russe Karusel et la société russe Baltinvestbank, n'excluait pas que le bénéficiaire d'une garantie à première demande fût lié par une clause attributive de juridiction stipulée dans cette garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.