Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-10.776
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP de Nervo et Poupet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 octobre 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 février 2011, n° 09-70.238), que M. X... a acheté des sapins à M. Y..., exploitant forestier au Danemark ; que M. X... ayant refusé de régler l'intégralité du prix en alléguant la non-conformité des arbres à la commande, M. Y... l'a assigné ainsi que son épouse en paiement solidaire du solde ainsi que d'une remise commerciale convenue ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné avec son épouse à payer à M. Y... la somme de 98 768,30 euros et d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen, que le vendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions des articles 38 et 39 relatifs au délai de réclamation lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur ; qu'en ne recherchant pas si M. Y..., en sa qualité d'exploitant forestier producteur des sapins, qu'il avait élevés, choisis et conditionnés, n'était pas nécessairement informé des caractéristiques de ses arbres et n'était pas nécessairement conscient qu'ils ne pouvaient convenir pour l'usage décoratif auquel ils étaient destinés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 40 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Y... s'était déplacé après la vente afin de constater avec M. X... les problèmes survenus avec la dernière livraison et qu'il lui avait accordé une remise commerciale pour y remédier, l'arrêt retient que M. X... n'apporte aucun élément permettant d'affirmer que M. Y... connaissait les défauts de conformité et s'était abstenu de les lui révéler ; que par ces constatations et appréciations, dont elle a souverainement déduit qu'il n'était pas prouvé que le vendeur, fût-il producteur des sapins, connaissait ou ne pouvait ignorer, au sens de l'article 40 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, les faits sur lesquels portait le défaut de conformité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de réparation de ses préjudices commerciaux alors, selon le moyen, que l'acheteur qui est déchu de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité de la marchandise faute de l'avoir fait dans un délai raisonnable, n'en conserve pas moins le droit d'agir en réparation de son préjudice commercial ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 74 et suivants de la convention de Vienne ;
Mais attendu qu'après avoir déclaré que M. X... était déchu de son droit de se prévaloir du défaut de conformité des marchandises pour ne pas l'avoir dénoncé à son vendeur dans un délai raisonnable à compter de sa constatation, la cour d'appel a pu rejeter par voie de conséquence la demande de dommages-intérêts, qui était accessoire à la demande fondée sur le défaut de conformité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux X... à payer à M. Y... la somme de 98.768,30 euros en principal, et d'avoir débouté M. X... de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE vu les articles 38 et suivants de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ; que l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne dénonce pas au vendeur dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater ; qu'il ressort des pièces versées au débat par Monsieur X... qu'il s'est aperçu de la non-conformité des sapins au plus tard le 12 décembre 2005 date à laquelle il a refusé une livraison ; que tous les courriers de mécontentement des revendeurs au détail datent du mois de décembre 2005, date à laquelle il a refusé une livraison ; que Monsieur X... a eu connaissance d'un éventuel défaut de conformité dès la revente des sapins, ensuite lors de la livraison et enfin, au plus tard à Noël puisque ces sapins étaient destinés à cette fête ; que la convention de Vienne exige que le défaut de conformité soit soulevé auprès du vendeur dans un délai raisonnable ; que Monsieur X... s'est plaint de la non-conformité des sapins le 23 février 2006 soit plus de 2 mois après les constatations qu'il a pu effectuer ; que lors de la visite de Monsieur Y... le 16 décembre 2005, Monsieur X... ne démontre pas avoir contesté la conformité des sapins hormis celle de la dernière livraison qu'il a refusée et pour laquelle une remise commerciale lui a été accordée ; qu'il avait pourtant déjà perçu des courriers de clients mécontents et procédé à un constat d'huissier ; que le délai raisonnable pour des marchandises périssables et amenées à être vendues sur la période restreinte des fêtes de Noël peut s'étendre sur quelques jours voire quelques semaines mais en aucun cas sur deux mois, ce délai ne permettant pas au vendeur de procéder à ses propres constatations ; que l'article 40 de la convention de Vienne fait cependant échec aux deux dispositions précédentes lorsque le défaut de conformité porte sur des faits que le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélé à l'acheteur ; que Monsieur X... n'apporte aucun élément probant permettant d'affirmer que Monsieur Y... connaissait les défauts de conformité et qu'il s'est abstenu de les lui révéler avant le 12 décembre 2005 ; que l'examen des faits démontre que Monsieur Y... s'est déplacé le 16 décembre 2005 afin de constater avec Monsieur X... les problèmes qui étaient survenus avec la dernière livraison, qu'il a accordé une remise commerciale de 18.850 euros pour y remédier ; que dans ces conditions, aucune mauvaise foi du vendeur n'est démontrée, que l'article 40 de la convention ne permet donc pas de faire échec à l'exigence de délai raisonnable posée par l'article 39 ; qu'il ressort de la pièce 95 que 22.953 sapins ont été livrés déduction faite des 1.242 sapins retournés et des 180 sapins livrés par une autre entreprise pour un montant total de 178.768,30 euros remises déjà déduites ; qu'il n'est pas contesté qu'un versement de 80.000 euros a eu lieu par chèque du 15 janvier 2006 ; qu'en conséquence Monsieur X... est condamné à verser à Monsieur Y... la somme de 98.768 euros restant due outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 avril 2006,
ALORS QUE le vendeur ne peut pas se prévaloir des dispositions des articles 38 et 39 relatifs au délai de réclamation lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur ; qu'en ne recherchant pas si Monsieur Y... en sa qualité d'exploitant forestier producteur des sapins, qu'il avait élevés, choisis et conditionnés, n'était pas nécessairement informé des caractéristiques de ses arbres et n'était pas nécessairement conscient qu'ils ne pouvaient convenir pour l'usage décoratif auquel ils étaient destinés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 40 de la convention de Vienne du 11 avril 1980.
SECOND MOYEN (subsidiaire)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Monsieur X... aux fins de réparation de ses préjudices commerciaux,
AUX MOTIFS QUE la confirmation du jugement attaqué doit être prononcée sans avoir à examiner l'argumentation développée sur le fondement de l'article 77 de la convention et sur le préjudice commercial né de la mauvaise qualité de la marchandise livrée ; que Monsieur X... qui n'a pas agi dans un délai raisonnable ne peut revendiquer aucun préjudice et aucune réduction,
ALORS QUE l'acheteur qui est déchu de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité de la marchandise faute de l'avoir fait dans un délai raisonnable, n'en conserve pas moins le droit d'agir en réparation de son préjudice commercial ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 74 et suivants de la convention de Vienne.