Cass. com., 9 juin 2009, n° 08-12.840
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2007, RG n° 05/08391), que sur le fondement d'une demande de brevet français, ainsi que d'une demande de brevet européen visant la France dont la société Ronis était initialement titulaire, la société Ronis avenir France, devenue la société Ronis après fusion-absorption de la société déposante, a introduit plusieurs actions en contrefaçon à l'encontre de la société Systec à raison de divers faits constatés par voie de saisies-contrefaçon, et a été déclarée recevable en son action par un arrêt définitif rendu dans l'une de ces instances, le 29 mai 2002 ; que son action a été jugée irrecevable en la présente instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Ronis, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que la société Ronis fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en son action, et d'avoir annulé les opérations de saisie contrefaçon, alors, selon le moyen :
1°/ que l'existence d'un lien de dépendance nécessaire entre deux décisions suppose que l'une soit le support de l'autre, de sorte que la disparition de la première prive la seconde de fondement ; que tel n'est pas le cas de deux décisions rendues dans des procédures parallèles, qui peuvent exister indépendamment l'une de l'autre, et dont aucune n'est ainsi le fondement ni le support de l'autre ; qu'en retenant l'existence d'un lien de dépendance nécessaire entre l'arrêt cassé du 9 mars 2001 et l'arrêt du 29 mai 2002, qui aurait par principe empêché la société Ronis d'exciper utilement de l'autorité de ce dernier arrêt devant la cour statuant sur renvoi après cassation ni devant elle, quand un tel lien ne pouvait exister entre deux décisions qui n'étaient liées par aucun enchaînement causal, et dont aucune ne constituait le support nécessaire de l'autre, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que la circonstance que la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassé n'a nullement pour effet d'empêcher les parties d'invoquer devant la juridiction de renvoi des moyens nouveaux, le cas échéant articulés sur des faits, notamment procéduraux, postérieurs à la décision cassée ; qu'en particulier, peut être invoquée devant la juridiction de renvoi, comme devant toute juridiction, un moyen tiré de l'autorité de la chose jugée, s'attachant à une décision rendue postérieurement à la décision cassée, sans que cela ne porte en rien atteinte à la plénitude de juridiction de la cour de renvoi ; qu'en considérant que la société Ronis ne pouvait par principe utilement opposer l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 29 mai 2002 afin de combattre la fin de non-recevoir élevée par la société Systec, au motif erroné que la cassation replaçait les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, quand les effets de la cassation n'excluaient pas que, dans sa plénitude de juridiction, la cour d'appel doive statuer sur le bien-fondé du moyen tiré de l'autorité de la chose jugée en 2002, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 625 aliéna 1er, du code de procédure civile ;
3°/ qu'en se fondant, dans une instance au titre de laquelle elle ne statuait pas comme juridiction de renvoi, sur le motif tiré de ce que la cassation replaçait les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, pour dire à tort irrecevable devant elle l'exception de chose jugée attachée à l'arrêt du 29 mai 2002, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 625 du code de procédure civile, méconnu la nature et l'étendue de son office, et partant entaché sa décision d'excès de pouvoir ;
Mais attendu que la société Ronis agissant en l'espèce à raison de faits constatés les 7 et 8 juillet 2000, différents de ceux ayant donné lieu à l'arrêt du 29 mai 2002, la Cour de cassation est en mesure de constater, par application de l'article 480 du code de procédure civile, ensemble des articles 125, dans sa rédaction issue n° 2004-836 du 20 août 2004, et 620 de ce code, ainsi que de l'article 59 du décret précité, que cette décision, rendue en une autre instance, n'avait pas autorité de chose jugée, faute d'identité d'objet, dans la présente instance ; que par ces motifs substitués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de ce pourvoi :
Attendu que la société Ronis fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la publicité du transfert de brevet au registre national des brevets constitue une formalité matérielle dont l'accomplissement effectif suffit à rendre le transfert opposable aux tiers qui ont ainsi pu en avoir connaissance ; que les conditions dans lesquelles a été formulée la demande d'inscription auprès du directeur de l'INPI sont à cet égard indifférentes, du moment que, après examen de cette demande, le directeur de l'INPI a estimé devoir y donner suite et effectivement accompli l'inscription au registre ; qu'en retenant que la publication au registre national des brevets de l'acte de transfert de brevet, effectivement intervenue le 30 mai 2000, était irrégulière et n'avait pu rendre le transfert opposable aux tiers, du seul fait que la demande d'inscription aurait été formulée par une personne dénuée de qualité, quand cette circonstance était indifférente et ne pouvait priver d'effet l'inscription effectivement réalisée, qui constituait la mesure de publicité permettant à tout tiers de savoir que l'entité absorbante dans le cadre de la fusion inscrite était le nouveau titulaire des droits litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 613.9 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Ronis, déposante et dissoute, n'avait plus d'existence légale au jour de la demande d'inscription de l'acte de transfert du brevet et que cette transmission avait été inscrite au registre national des brevets, à la requête de M. X..., conseil en propriété industrielle, qui n'était pas investi de la qualité de mandataire de cette dernière, le seul représentant nommément désigné comme tel dans le traité de fusion, étant M. Y..., ce dont il résultait que la demande de transcription avait été déposée par la société absorbée qui n'avait plus d'existence légale et non par un représentant de celle-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que cette publication était irrégulière et n'avait pas rendu la cession opposable aux tiers ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi formé par la société Systec :
Attendu que la société Systec fait grief à l'arrêt d'avoir, après avoir déclaré la demande principale irrecevable, rejeté sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en ne statuant pas sur la demande de la société Systec en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale dont s'est rendue coupable la société Ronis en engageant de multiples procédures, irrecevables et infondées, aux seules fins de d'évincer la société Systec du marché français et de désorganiser cette dernière, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Systec demandait réparation du préjudice résultant de l'action abusive de la société Ronis en la présente instance et des actes de concurrence déloyale résultant de la multiplication des procédures intentées par cette dernière, tandis que par arrêt du 29 mai 2002, la cour d'appel de Paris avait condamné la société Ronis au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial subi par la société Systec à raison de la diffusion d'un courrier du 3 décembre 1999 et de l'appel abusif de la société Ronis du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 novembre 2000 ; qu'ainsi en estimant que la société Systec n'aurait pas justifié d'un préjudice distinct de ceux réparés par l'arrêt du 29 mai 2002, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Systec et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mai 2002, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que, selon la société Systec, l'attitude de la société Ronis était constitutive d'une procédure abusive et devait être sanctionnée par condamnation au paiement de la différence entre le montant de son entier préjudice et celui qui serait alloué dans une procédure parallèle ; que cette réclamation supposant l'existence d'une faute à l'occasion de chacune des instances, la cour d'appel, qui retient que la société Systec ne caractérise pas l'intention de nuire ou la légèreté blâmable susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive, a statué, sans en méconnaître les termes, sur le litige portant sur l'abus reproché à la société Ronis avenir France à l'occasion de la présente procédure ;
Et attendu, d'autre part, que le moyen s'attaque en sa seconde branche à un motif surabondant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Ronis et Systec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille neuf.