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Décisions

Cass. crim., 5 février 2003, n° 02-81.527

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Roger

Avocat :

SCP Piwnica et Molinie

Paris, 9e ch., du 25 janv. 2002

25 janvier 2002

LA COUR : - Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur les pourvois de Redouane Y... et de Patrick Z... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Jean-Pierre X... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que Jean-Pierre X..., commissaire de police à Ivry-sur-Seine a été jugé en première instance par le tribunal de grande instance de Créteil, c'est-à-dire dans la circonscription où il était territorialement compétent, au terme d'une information qui a été conduite par un juge d'instruction du même tribunal ;

"1 - alors que l'abrogation des dispositions de l'article 687 du Code de procédure pénale, qui permet désormais de juger un officier de police judiciaire pour des délits commis dans la circonscription où il est territorialement compétent par le tribunal du lieu où l'infraction est supposée avoir été commise, prive objectivement cet officier de police judiciaire du procès équitable auquel il a droit, cette juridiction ne pouvant de toute évidence statuer dans les conditions de sérénité compatibles avec les droits de la défense" ;

Attendu que, faute d'avoir été présenté devant le tribunal correctionnel avant toute défense au fond, le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-11 du Code pénal, 427, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6-1, 6-2 et 6-3 d) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable de corruption passive ;

"1 - alors que le délit de corruption n'est caractérisé qu'autant qu'est constatée l'existence d'une convention passée entre le corrupteur et le corrompu, convention précédant l'acte ou l'abstention qu'elle avait pour objet de rémunérer et que la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence de telles conventions que ce soit entre Jean-Pierre X..., commissaire de police et le gérant de l'établissement Le Clos Salambier ou entre Jean-Pierre X... et le gérant du Nouveau Karaoké, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 432-11 du Code pénal ;

"2 - alors que la sollicitation ou l'agrément sans droit de dons, présents ou avantages quelconques doit résulter sans ambiguïté des constatations de la décision et que les motifs de l'arrêt, propres ou repris de premiers juges, d'où il résulte que les témoins tantôt ignoraient à qui le gérant de l'établissement le Clos Salambier remettait de prétendues enveloppes, tantôt ignoraient le contenu de ces enveloppes, ne permettent pas de caractériser avec certitude l'existence de dons, présents ou avantages reçus par le commissaire de police de ce gérant ;

"3 - alors que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de sa culpabilité incombe au ministère public et que les motifs de l'arrêt d'où il résulte que les juges ont mis à la charge de Jean-Pierre X... la preuve de la provenance des espèces dont il a disposé pour réaliser des achats normaux, procède d'une méconnaissance certaine du principe susvisé ;

"4 - alors que le fait pour un commissaire de police de bénéficier, comme tout consommateur, de quelques consommations offertes par le patron d'un bar ne permet pas de caractériser le délit de corruption passive ; qu'en ce qui concerne plus particulièrement les faits de corruption reprochés au demandeur et relatifs à ses relations avec le patron de l'établissement nouveau Karaoké, la cour d'appel étant entrée en voie de condamnation à son encontre qu'en raison de telles consommations, la cassation est encourue ;

"5 - alors que le délit de corruption passive n'est constitué qu'autant qu'il existe un lien de causalité entre les dons et présents reçus par le dépositaire de l'autorité publique et les actes positifs ou d'abstention obtenus de lui par le corrupteur ; que, devant la cour d'appel, ainsi que la juridiction l'a expressément relevé, Jean-Pierre X... faisait valoir que toutes les autorisations d'ouverture du Clos Salambier avaient été accordées dans la plus grande transparence, sur demandes écrites de Redouane Y... transmises au chef de service, après avis du bureau d'information de la voie publique chargé des relations avec les commerçants, la municipalité et de la gestion des débits de boissons, visa du chef de service, le placement dans le dossier "débits de boissons" de ce bureau, et enregistrement sur le livre d'ordre du chef de poste, la consultation des fonctionnaires de la brigade de nuit et qu'en ne répondant pas à cette argumentation péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"6 - alors qu'il se déduit des dispositions de l'article 6-3 d) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les déclarations des témoins à décharge doivent être prêtées par les juges à égalité avec celles des témoins à charge, ce qui suppose non seulement que ces témoins soient entendus et confrontés avec le prévenu dans les mêmes conditions que les témoins à charge et que les motifs de la décision tiennent aussi largement compte de leurs déclarations que de celles des témoins à charge ; qu'à la demande de Jean-Pierre X..., les témoins suivants ont été entendus par la cour d'appel : Nadja A..., Bouchera B..., Dalida C..., née D..., et Michel E... et qu'en ne reproduisant pas, dans sa décision, les déclarations de ces témoins et en ne faisant pas une part égale dans ses motifs à ces déclarations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6-1 et 6-3 d) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"7 - alors qu'en ne recherchant pas si Jean-Pierre X... n'était pas, comme il le soutenait, victime d'une machination montée contre lui par son ancien subordonné le commandant de police Hassaing, la cour d'appel a privé le demandeur du procès équitable auquel il avait droit" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, qu'entre 1996 et 1998, Jean-Pierre X..., commissaire de police à Ivry-sur-Seine, a délivré des autorisations d'ouverture tardive et négligé de faire effectuer des contrôles dans deux débits de boissons de sa circonscription, "le Clos Salambier" et "le Nouveau Karaoké" ;

Attendu que, pour le déclarer coupable du délit visé à la prévention, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, relève, notamment, que le gérant du premier établissement lui a fait remettre une enveloppe contenant 30 000 francs pour obtenir les autorisations d'ouverture tardive, qu'un témoin a vu ce même gérant lui remettre des enveloppes et qu'au surplus, il ne payait jamais ses consommations au Clos Salambier ; qu'elle ajoute que, selon divers témoignages, le commissaire de police avait, une ou deux fois par semaine, table ouverte au Nouveau Karaoké ; qu'elle précise enfin que les avantages reçus ont été consentis de façon régulière pendant la commission des faits constitutifs de corruption ;

Attendu que, par ces énonciations exemptes d'insuffisance, les juges du second degré, qui ont répondu comme ils le devaient aux conclusions du prévenu, ont, sans inverser la charge de la preuve, ni méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.