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Décisions

Cass. com., 27 mai 2014, n° 12-27.188

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cour d'appel de Rennes, 09 mai 2012

9 mai 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mai 2012), que la société de droit belge X... & Co (la société X...) a commandé des pavés de granit à la société La Générale du granit (la société LGDG) ; que la société X... ayant refusé de payer le solde du prix des marchandises, la société LGDG l'a assignée en paiement ; que le 14 décembre 2010, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société X... a voté sa dissolution anticipée ; que le liquidateur est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société LGDG la somme principale de 137 277, 48 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de la convention de Vienne relative à la vente internationale de marchandises, des éléments complémentaires ou différents relatifs notamment à la quantité des marchandises vendues contenus dans la réponse qui tend à l'acceptation d'une offre sont considérés comme altérant substantiellement les termes de l'offre ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que, selon bon de commande du 29 juin 2005, la société X... avait commandé à la société LGDG, une quantité de 761, 60 m ² de pavés à façonner, laquelle lui avait répondu le 7 décembre 2005 que « la quantité de m ² de pavés est de 800 m ², soit 800 m ² x 89, 28 pièce/ m ² = 71. 424 pavés » et lui avait facturé le même jour 800 m ² de pavés ; que dès lors, en affirmant que « selon les termes de l'article 19. 2° de la convention, il apparaît que la réponse faite par la société LGDG le 7 décembre 2005 n'altère pas substantiellement les termes de l'offre de la société X... », quand cette réponse contenait une stipulation divergente sur la quantité de pavés vendue constitutive selon l'article 19. 3 de la convention de Vienne d'une altération substantielle des termes de l'offre, et partant exclusive d'un accord des parties sur ce point, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ qu'en affirmant que « le 13 juillet 2006, la société X... adressait un courrier à la société LGDG lui indiquant que la surface unitaire de la face visible flammée est de 0, 09 x 0, 09 = 0, 008 x 88. 799 = 719, 27 m ², qu'elle n'acceptait que cette superficie de sa part et que toute surface facturée en plus ne serait ni acceptée ni payée », tandis que la lettre du 13 juillet 2006, adressée à la société X..., émanait de la société Sogépierre, adjudicataire du marché public relatif à la construction du musée d'art moderne du Luxembourg, dénonçait la surfacturation par la société LGDG de 981 m ² de pavés alors que celle-ci n'avait en réalité livré que 719, 27 m ² de pavés et refusait de payer la surface surfacturée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type correspondent à ceux prévus au contrat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société LGDG réclamait le paiement de la somme de 137 277, 48 euros correspondant au solde restant dû, selon elle, sur deux factures respectivement émises le 7 décembre 2005, pour un montant de 298 304 euros correspondant à 800 m ² de pavés vendus au prix unitaire de 372, 88 euros le m ², et le 16 juin 2006, pour un montant de 67 469, 28 euros correspondant à 181 m ² de pavés vendus au même prix unitaire, soit un total facturé de 981 m ² de pavés ; que dans ses conclusions d'appel, la société X... contestait le bien-fondé de cette demande en paiement en soutenant que la quantité de pavés facturée était très supérieure à la quantité de pavés effectivement livrée ; qu'elle invoquait explicitement en preuve, les relevés produits aux débats en pièce n° 7 par la société LGDG elle-même et la lettre du 13 juillet 2006 de la société Sogépierre, adjudicataire du marché de travaux litigieux, établissant que le fournisseur n'avait livré que 719, 27 m ² de pavés sur les 981 m ² facturés, soit une quantité inférieure de 261, 74 m ² à la quantité facturée ; que l'exposante en déduisait qu'il existait une surfacturation de 97 597, 61 euros dont le paiement n'était pas dû ; que dès lors, en rejetant la contestation de la société X..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si la venderesse n'avait pas livré une quantité de pavés inférieure à la quantité prévue au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35. 1 de la convention de Vienne ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société X... soutenait que la facturation n'avait pas été établie au regard du nombre de pavés livrés mais en fonction du m ² de pavés livrés, ce que reconnaissait expressément la société LGDG dans ses conclusions d'appel, qui déclarait que « La Générale du granit n'a jamais entendu facturer ses livraisons au nombre de pavés mais a toujours indiqué que sa facturation serait établie au m ² » ; que dès lors, en retenant que les parties reconnaissaient toutes deux le nombre de pavés livrés et que la société X... ne faisait pas état de la livraison d'un nombre de pavés plus important que celui nécessaire pour la surface à paver, quand la facturation était établie en fonction de la quantité livrée en m ², la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 35. 1 de la convention de Vienne ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la réponse du 7 décembre 2005 de la société LGDG à la commande n'altère pas substantiellement les termes de cette commande de la société X..., qui n'en a pas relevé les différences, et que l'offre modifiée a été exécutée, plusieurs livraisons ayant été effectuées et un paiement partiel du prix par la société X... en mai 2006 étant intervenu ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la preuve contraire à la présomption simple de l'article 19. 3 de la convention de Vienne était rapportée, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la société X... et la société LGDG reconnaissent le nombre de pavés livrés et que la société X... ne fait pas état de la livraison d'un nombre de pavés plus important que celui nécessaire pour la surface à paver, et retenu que la méthode de calcul de la société LGDG pour la détermination du nombre de pavés nécessaires et du prix a été acceptée par la société X... conformément à l'offre modifiée, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :

Attendu que la société X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que la facture n° FA 05004004 du 8 décembre 2005 portait expressément sur du « Granit Mason concassé » ; que dès lors, en affirmant, qu'il s'agissait-là manifestement d'une erreur matérielle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document qui n'exigeait aucune interprétation, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le vendeur doit livrer une chose conforme à l'usage spécial auquel elle est destinée ; qu'en l'espèce, la société X... soutenait dans ses conclusions d'appel qu'à supposer que lui soit opposable la commande effectuée le 15 septembre 2004 par M. Z..., salarié licencié pour motifs graves en juillet 2006 au moment où elle avait eu connaissance de la non conformité des concassés livrés, la société LGDG n'en demeurerait pas moins fautive pour ne pas s'être conformée aux spécifications formulées par celui-ci sur la nécessité que les concassés fournis soient lavés et débarrassés de toutes poussières, compte tenu de ce qu'ils faisaient partie d'une bordure décorative drainante au pied des soubassements en granit sur la périphérie du bâtiment, ce qui résultait de la lettre du 18 juillet 2006 de la société Sogépierre, adjudicataire du marché de construction litigieux, constatant en outre que les concassés livrés n'avaient pas été exécutés en un seul granit mais provenaient de chutes de granit de diverses origines et que leur granulométrie était très irrégulière ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la livraison avait été faite conformément à la commande rectifiée remplaçant le granit Mason par du granit du Morbihan, sans rechercher, comme elle y était invité, si le concassé en granit du Morbihan livré était conforme à l'usage spécial auquel il était destiné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 35-2. b de la convention de Vienne ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel la société X... soutenait que la société At Osborne était malvenue d'affirmer dans sa lettre du 11 mars 2008 que le marché avait été exécuté à l'entière satisfaction du client, dès lors qu'elle précisait en page 1 de ladite lettre que « notre mission n'est cependant pas terminée, nous assurons actuellement les réceptions définitives des entreprises », reconnaissant de ce fait que les réceptions définitives du marché étaient en cours, de sorte qu'à l'occasion de ces réceptions définitives, ou postérieurement à celles-ci, des réserves pouvaient être émises et la responsabilité de la société X... engagée ; que dès lors, en omettant de répondre à ce moyen pourtant de nature à justifier la contestation de la société X... sur le défaut de conformité par rapport à la commande des concassés livrés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée et de la valeur probante de la facture du 8 décembre 2005 que la cour d'appel a estimé, sans dénaturer ce document, qu'il était affecté d'une erreur matérielle manifeste quant au descriptif du granit livré ;
Attendu, en second lieu, que sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain des juges du fond, qui, sans être tenus de suivre la société X... dans le détail de son argumentation, ont apprécié la valeur probante du courrier de la société At Osborn du 11 mars 2008 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société X... & Co et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille quatorze.