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Décisions

Cass. crim., 30 juin 1999, n° 97-86.607

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

M. Géronimi

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Garaud

Saint-Denis de la Réunion, ch. d'acc., d…

5 mars 1996

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

I. Sur les pourvois de Z... et A... contre l'arrêt de la chambre d'accusation n° 65 du 5 mars 1996 :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II. Sur les pourvois de X... et Y... contre l'arrêt de la chambre d'accusation n° 66 du 5 mars 1996 :

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour X... : (sans intérêt) ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Y... : (sans intérêt) ;

III. Sur les pourvois de X..., Y..., Z..., A... et B... contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 4 décembre 1997 :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au lendemain des élections municipales de 1989, le maire de Saint-Denis et ses adjoints ont décidé de demander aux entreprises liées contractuellement avec la commune, le versement d'une contribution, fixée à 3 % du montant des marchés excédant le seuil de 500 000 francs, en vue de financer leurs activités politiques et les actions sociales de la commune ; qu'afin de permettre la perception des fonds promis par certaines entreprises attributaires de marchés, notamment la L... , dont Y... est directeur des exploitations de province et X..., directeur général adjoint, les élus ont eu recours aux services de C..., gérant de la société V..., sise à Djibouti, qui, grâce à la facturation de prestations fictives, s'est fait verser sur ses comptes à Djibouti et en Suisse, lesdits fonds, puis les a remis en espèces au maire de Saint-Denis ou à certains de ses adjoints, notamment Z..., après avoir prélevé une commission ;

Que, par ailleurs, des sommes ont été versées à un conseiller municipal, B..., membre de la commission d'urbanisme commercial, en vue d'obtenir de cet organisme l'autorisation d'implanter un centre commercial ;

Qu'enfin, A... a bénéficié de fonds versés à son père par certaines entreprises corrompues et a fait des biens de la société Alcore dont il était le gérant, un usage contraire aux intérêts de celle-ci ;

Attendu que X... et Y... sont poursuivis pour corruption active, Z... et B..., pour corruption passive et A... pour recel de corruption et abus de biens sociaux ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour X..., pris de la violation des articles 177 et 179 anciens, 433-1 nouveau du Code pénal, de la loi n° 90-66 du 16 janvier 1990, notamment son article 11-6, de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 4 décembre 1997 a déclaré X... coupable de corruption active, pour avoir, en sa qualité de dirigeant des sociétés L... et M..., cédé à M. D... (maire de Saint-Denis), à E..., F..., Z... (adjoints au maire), personnes investies de mandats électifs publics, qui avaient sollicité sans droit des dons pour accomplir des actes de leurs mandats, en l'occurrence l'attribution de marchés publics ;

" alors que, s'agissant d'un acte commis avant le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, et réprimé après cette date, il doit répondre aux 2 définitions du délit successivement adoptées par le législateur ; que l'article 433-1 nouveau du Code pénal incrimine le fait de céder aux sollicitations faites "sans droit" par un élu en vue de l'accomplissement ou l'abstention d'un acte de sa fonction ; que n'est pas "sans droit", parce que licite en son fondement, la sollicitation en vue du financement d'un parti politique ; qu'ainsi la réponse favorable apportée par les dirigeants de la L... à une sollicitation des élus socialistes en vue du financement de leur parti, sollicitation en soi légale au moment des faits, n'était pas susceptible de constituer le délit de corruption active " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour X..., pris de la violation des articles 177 et 179 anciens, 433-1 nouveau du Code pénal, L. 126-6 et L. 122-19 du Code des communes, L. 2121-29 et L. 2122-21 du Code général des collectivités territoriales, 693 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 4 décembre 1997 a déclaré X... coupable de corruption active, pour avoir, en sa qualité de dirigeant des sociétés L... et M..., cédé à M. D... (maire de Saint-Denis), à MM. E... H..., Z.... (adjoints au maire), personnes investies de mandats électifs publics, qui avaient sollicité sans droit des dons pour accomplir des actes de leurs mandats, en l'occurrence l'attribution de marchés publics ;

" alors, d'une part, que, selon la cour d'appel elle-même, les délits de corruption active et passive supposent la réunion d'une sollicitation ou d'une offre du corrupteur, de l'accomplissement ou de l'abstention d'un acte de la fonction du corrompu, et d'un lien de causalité entre l'acte de la fonction et la sollicitation, qui implique l'antériorité du pacte de corruption par rapport à l'acte ; que la cour d'appel considère comme établie l'antériorité de la demande de financement par rapport à l'acte de la fonction, pour le contrat d'affermage de l'assainissement de l'eau, signé les 13 et 28 août 1991, les versements étant intervenus pendant la négociation de ce contrat ; que, faute de caractériser à l'encontre de X... le délit de corruption active à propos du contrat de distribution d'eau approuvé par le conseil municipal dès le 6 octobre 1990, soit antérieurement aux sollicitations des élus, et de rechercher ou de constater l'existence d'un quelconque pacte antérieur à ce premier contrat, tout en confirmant le jugement ayant retenu X... dans les liens de la prévention pour des faits commis "à compter d'octobre 1990" et à propos de ce premier contrat, la cour d'appel, dont l'arrêt se trouve entaché de défaut de motif, et de contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors, d'autre part, que, à supposer qu'elle ait retenu contre X... un fait de corruption ayant abouti à la signature du contrat d'affermage de la distribution, la cour d'appel, qui constate que les élus avaient mis en place un système "de financement global organisé" dont elle reconnaît expressément l'existence, aux "modalités précisément définies" et qui consistait à "solliciter notamment les entreprises locales qui étaient attributaires de marchés publics", selon une "méthode consistant à solliciter un pourcentage des marchés obtenus", les "cibles étant des entreprises travaillant avec la commune" et "liées contractuellement avec elle", et qui a caractérisé ainsi le fait que la sollicitation des élus était systématiquement postérieure à la conclusion du contrat et à la naissance du lien contractuel avec la commune, ce qui excluait toute antériorité du pacte par rapport à l'acte de la fonction, n'a pas légalement caractérisé l'infraction retenue ;

" alors, de surcroît, que, s'agissant toujours du fait allégué de corruption ayant prétendument abouti au contrat d'assainissement approuvé le 6 octobre 1990, la cour d'appel n'aurait pu le retenir contre X..., sans s'expliquer sur le moyen invoqué par lui et tiré de ce que, si le contrat n'a effectivement été signé par le maire que le 4 janvier 1991, celui-ci n'avait aucun pouvoir de refuser sa signature, sa fonction l'obligeant à entériner un contrat dûment approuvé par le conseil municipal ; qu'ainsi une commission sur des versements aux élus conclue après le 6 octobre 1990 n'avait pu avoir pour effet de faciliter un acte de la fonction pour lequel le maire avait compétence liée ;

" alors, au surplus, que, à supposer que la cour d'appel n'ait retenu à l'encontre de X... qu'un acte de corruption pour l'obtention du traité d'affermage de l'assainissement, elle ne l'a fait qu'à l'aide de motifs hypothétiques, en affirmant que les conditions de passation de ce traité "n'étaient pas incompatibles" avec l'existence d'un pacte corruptif et que la L... "aurait eu" l'assurance de la souscription de ce traité ;

" alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que les sommes versées depuis janvier 1991 par la L... auraient été le fruit d'un acte destiné à faciliter la conclusion de ce deuxième traité, sans rechercher si elles n'étaient pas le fruit du "système" dont elle reconnaît l'existence, et de la dîme prélevée systématiquement par les élus sur les entreprises ayant déjà contracté avec la commune, décidée après la conclusion du traité de distribution d'eau, et en exécution de ce système de financement occulte, sans pacte préalable à cette convention ; que, faute de caractériser un lien de causalité ou de corrélation entre les versements effectués en vertu du système de "taxation" et le contrat postérieur d'assainissement, la cour d'appel n'a pas caractérisé la corruption de ce chef " ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Y..., pris de la violation des articles 179 de l'ancien Code pénal, 433-1 du Code pénal, 551 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction des motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de corruption pour avoir cédé aux sollicitations des élus de la mairie de Saint-Denis en procédant à un système de versement de fonds occultes par l'intermédiaire de C... ;

" aux motifs adoptés des premiers juges, que C... a toujours indiqué qu'il avait eu pour seul rôle de permettre le versement aux élus des sommes que la L... avait accepté de verser et qu'il n'avait jamais été question que la collaboration commerciale objet des contrats corresponde à une réalité et que celui-ci n'a jamais varié dans ses déclarations, de sorte que celles-ci selon lesquelles il a été question dès la première réunion à Paris des contrats nécessaires pour payer les sommes dues correspondent à la réalité ;

" alors que la cour d'appel n'a pu tout à la fois énoncer qu'elle adoptait l'analyse complète et exacte effectuée par le tribunal et les éléments prouvant que Y... et X... ont, par l'intermédiaire de C... et de ses sociétés, conclu un pacte avec les élus de la mairie ayant pour objet de permettre les versements occultes des sommes réclamées par ces élus et admettre ainsi la fiabilité des déclarations de C... en raison de leur invariabilité quant à l'existence d'un pacte de corruption et, néanmoins, relaxer C... des poursuites du chef de complicité du délit de corruption active reproché à M. G... dans ses rapports avec un élu en observant que les accusations de corruption tenues par C... à l'encontre de M. G... sont contredites par les éléments du dossier ; qu'en statuant ainsi, la Cour a entaché sa décision d'une contradiction de motifs qui prive sa décision de base légale " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Y..., pris de la violation des articles 179 de l'ancien Code pénal et 433-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de corruption active à l'occasion du renouvellement du contrat de service de la distribution d'eau potable et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs propres et adoptés des premiers juges, d'une part, que devant le tribunal, Y... a reconnu qu'en novembre 1990, M. H..., dirigeant le centre régional de l'Ile de la Réunion lui a indiqué qu'il avait été sollicité par certains élus de la municipalité de Saint-Denis pour effectuer des versements de sommes destinées aux besoins de financements politiques et qu'il avait pris un engagement de 4 millions de francs répartis sur plusieurs années avec comme intermédiaire C..., et qu'un rendez-vous a été organisé à cette intention au siège du secrétariat de la L... à Paris ; que cette affirmation est contredite par les déclarations de M. Z... aux termes desquelles MM. D... et E... lui avaient parlé pour la première fois du fait que la L... allait les aider pour le financement des campagnes électorales, au moment de la renégociation du contrat relatif à l'eau potable ou même lors des études engagées dans la perspective de la renégociation du contrat, c'est à dire avant la décision du conseil municipal d'octobre 1990 ; qu'ainsi l'antériorité de la demande de financement politique par rapport à l'obtention même du renouvellement du traité de l'eau potable est établie ;

" aux motifs, d'autre part, que le traité d'affermage du service de la distribution d'eau potable confié à la L... en 1976, a été renouvelé au profit de la société concessionnaire par délibération municipale en date du 6 octobre 1990 donnant pouvoir au maire d'approuver le nouveau contrat pour une durée de 20 ans à effet au 1er janvier 1991, traité signé à cette date par Y... et à la date du 4 janvier 1991 par M. D..., maire de la commune de Saint-Denis ; qu'un contrat de collaboration commerciale fictif entre la L... et la V..., dirigée par C..., daté des 18 et 22 janvier 1991 prévoyant le paiement d'honoraires, a donné lieu à diverses factures payées entre 1991 et 1993 dont un premier versement de 510 000 francs à la date du 5 mars 1991 ; qu'il est dès lors établi que le renouvellement du contrat d'affermage du service de distribution d'eau potable, comme celui relatif à l'affermage du service d'assainissement, ont été négociés et attribués à la L... dans des conditions contractuelles, s'inscrivant dans un véritable flux d'échanges, et qui a permis aux élus d'obtenir par des manoeuvres corruptrices de très importantes sommes par le biais de contrats de collaboration fictive ; que, notamment, le premier versement en date du 5 mars 1991 établi en application du contrat V... L... daté des 18 et 22 janvier 1981, et ce alors que le contrat d'assainissement n'a été approuvé par le conseil municipal que le 27 juillet 1991 et signé par Y... que le 13 août 1991, démontre l'antériorité de la sollicitation par rapport à l'acte de la fonction ;

" alors, d'une part, que la cour d'appel, pour dénier toute crédibilité à l'affirmation de Y... selon laquelle la demande de financement politique formulée par les élus de la commune de Saint-Denis auprès de M. H... a eu lieu en novembre 1990, soit après le vote du conseil municipal daté du 6 octobre 1990 reconduisant le traité d'affermage relatif au service de distribution d'eau potable, ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure, adopter les motifs des premiers juges selon lesquels, d'après les déclarations de M. Z..., les élus avaient évoqué pour la première fois la participation financière de la L... pour les compagnes électorales lors de la renégociation du contrat d'eau potable, voire même lors des études engagées dans cette perspective, mais en tout état de cause avant la décision municipale d'octobre 1990 (cote D 1250) sachant que si M. Z... a indiqué avoir personnellement été informé d'une participation de la L... concomitante aux études relatives à la renégociation du contrat d'eau potable, il a précisé que c'était en 1991 qu'il avait été prié, avec C..., d'aller rencontrer les dirigeants de la L... puis, corrigeant la date, a souligné que l'entrevue avait eu lieu en 1991 ou 1992 (cote D 1250, 3e feuillet) ;

" alors, d'autre part, que la conclusion d'un pacte frauduleux entre l'élu et le bénéficiaire, qui prévoit le versement de fonds par celui-ci, doit précéder l'acte de la fonction pour caractériser le délit de corruption ; que, dès lors, si la sollicitation de l'élu est postérieure à l'accomplissement de l'acte, le versement réalisé est dépourvu de caractère délictueux au sens de l'article 433-1 du Code pénal ; qu'en l'espèce, la délibération municipale concernant le renouvellement du contrat afférent au service de distribution de l'eau potable de la commune de Saint-Denis a eu lieu le 6 octobre 1990, soit à une date antérieure à celle du mois de novembre 1990 retenue par le prévenu comme celle de la sollicitation effectuée par les élus ; qu'en conséquence, l'acte de la fonction étant acquis avant l'offre de corruption, le délit n'est pas caractérisé " ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Y..., pris de la violation des articles 179 de l'ancien Code pénal, 112-1 et 433-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de corruption active à l'occasion de l'attribution du contrat relatif à l'affermage de l'assainissement des eaux de la commune de Saint-Denis et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs, d'une part, que les conditions dans lesquelles le traité d'affermage de l'assainissement des eaux a été négocié ne sont pas incompatibles avec l'existence d'un pacte de corruption préalable par lequel la L... aurait eu l'assurance d'être attributaire de ce marché ; que, dans l'infraction de corruption, la sollicitation est constituée par toute initiative du ou des corrompus invitant son ou ses interlocuteurs, directement, ou par des moyens détournés, à comprendre qu'il doit payer pour obtenir l'accomplissement d'un acte de la fonction ou du mandat et, qu'en l'espèce, l'acceptation des versements sollicités et le paiement du premier avait bien pour but d'aider à l'obtention de l'affermage de l'assainissement, par l'accomplissement par les élus demandeurs, d'actes de leur mandat, ceux-ci ayant les pouvoirs d'orienter, accélérer, faire traîner les négociations puis l'adoption des contrats ;

" aux motifs, d'autre part, que si Y... et X... ont maintenu avoir été sollicités par les élus d'une demande de financement politique et avoir accepté de verser des sommes qui dépassaient le montant maximal prévu par la loi du 15 janvier 1990 sur le financement des partis politiques, la finalité de leur versement était l'intérêt social de la L... et non un objectif d'intérêt général, de sorte que Y... a cédé aux sollicitations des élus de Saint-Denis, dans des conditions caractérisant le délit de corruption active ;

" alors, d'une part, qu'il résulte des termes de l'arrêt et des dispositions de l'article 433-1 du Code pénal que le lien de causalité entre le pacte de corruption et l'acte de la fonction doit être certain pour caractériser le délit de corruption ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi de manière concrète et précise que le prévenu, en vertu d'un pacte, a remis des fonds aux élus pour obtenir l'attribution d'un contrat relatif à l'assainissement des eaux de la commune, mais il est seulement constaté que l'existence d'un pacte de corruption est une hypothèse envisageable au regard des conditions de négociation du contrat susvisé ; qu'en se prononçant par ces motifs hypothétiques, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision ;

" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la sollicitation et le versement de fonds aux élus ne revêtent un caractère de corruption que si ceux-ci ont eu lieu sans droit et qu'à défaut, les conditions de l'article 433-1 du Code pénal ne sont pas réunies ; qu'en l'espèce, la sollicitation des élus de la commune de Saint-Denis était destinée aux besoins d'un financement politique de sorte que si elle était irrégulière comme excédant le montant maximal de la loi du 15 janvier 1990, elle était néanmoins fondée sur le droit pour un élu de rechercher un financement politique de sorte qu'elle ne remplissait pas les conditions du nouvel article 433-1 du Code pénal applicable aux faits reprochés selon la règle de la rétroactivité in mitius " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 4 janvier 1991, le maire de Saint-Denis a conclu avec la L..., représentée par Y..., un nouveau contrat d'affermage du service de distribution d'eau pour une durée de 20 ans, après renégociation du précédent datant de 1976 ; que, le 28 août 1991, les intéressés ont signé un contrat d'affermage du service d'assainissement qui était jusqu'alors géré en régie municipale ;

Attendu que ces 2 contrats ont donné lieu au versement par la L... et sa filiale, la M..., au profit du maire de Saint-Denis et de certains de ses adjoints, des sommes d'argent, d'un montant total de 4 134 000 francs, en exécution de contrats de collaboration commerciale fictifs conclus entre X... et C... ;

Que le premier versement, de 510 000 francs, est intervenu le 5 mars 1991, en application d'un contrat conclu entre la L... et la société V..., le 22 janvier 1991 et que le dernier, de 1 103 000 francs, a été effectué le 9 février 1993 ;

Attendu que, pour déclarer X... et Y... coupables de corruption active à l'occasion de la conclusion des conventions précitées, la juridiction du second degré, par motifs propres et adoptés, relève que les déclarations de Y... selon lesquelles la demande de financement politique n'était pas liée à l'obtention du premier de ces contrats puisqu'elle n'aurait été formulée qu'en novembre 1990, alors que le renouvellement du traité d'affermage de la distribution d'eau avait été approuvé par le conseil municipal, le 6 octobre 1990, sont contredites, notamment, par les déclarations de Z... qui a précisé que le maire de Saint-Denis et son deuxième adjoint " lui avaient parlé pour la première fois du fait que la L... allait les aider pour le parti et les campagnes électorales, au moment de la renégociation du contrat, ou même d'études engagées dans la perspective de la renégociation du contrat, c'est-à-dire avant la décision du conseil municipal d'octobre 1990 " ;

Que les juges énoncent que " l'antériorité de la demande de financement politique par rapport à l'obtention même du renouvellement du traité de l'eau potable est établie par l'ensemble de ces éléments, dont il résulte que les demandes de versements ont été présentées et acceptées comme nécessaires pour aboutir au renouvellement rapide de ce traité, et comme de nature à faciliter l'obtention de l'affermage de l'assainissement " ;

Qu'ils ajoutent que " contrairement à ce que soutiennent X... et Y..., les conditions dans lesquelles le traité d'affermage de l'assainissement a été négocié ne sont pas incompatibles avec l'existence d'un pacte de corruption par lequel la L... aurait eu l'assurance d'être attributaire de ce marché ; qu'en l'espèce, l'acceptation des versements sollicités et le paiement du premier avaient bien pour but d'aider à l'obtention de l'affermage de l'assainissement, par l'accomplissement par les élus demandeurs d'actes de leur mandat " ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine et dès lors qu'est nécessairement sans droit la sollicitation de la part d'un élu, de fonds destinés au financement d'activités politiques, en vue d'accomplir un acte de sa fonction, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour X... : (sans intérêt) ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Y... : (sans intérêt) ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Z et A... : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Z... et A..., pris de la violation des articles 177 de l'ancien Code pénal, 432-11 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré établie à l'encontre de Z... la prévention de corruption passive et celle de recel de corruption à l'encontre de A... ;

" aux motifs que c'est à tort qu'il soutient que les sollicitations effectuées sont intervenues après que les marchés aient été attribués par la Commission d'appel d'offres aux entreprises les moins disantes et qu'ainsi, ces agissements tomberaient sous le coup de la loi du 15 janvier 1990 réglementant le financement des activités politiques ; qu'en effet, outre qu'il n'établit pas que les marchés aient été attribués aux entreprises présentant la double particularité d'être à la fois les moins disantes et les mieux disantes, il reste qu'étant investi d'un mandat électif public, il a sollicité des entreprises dont s'agit les conventions passées avec elles, constitutives d'un pacte de corruption ; qu'ainsi, la Cour constate, en ce qui concerne les versements de fonds ayant entraîné les poursuites, que :

" 1° pour la sarl "N...", outre que 9 marchés dont 3 ont été obtenus dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres et 6 dans le cadre de procédures de gré-à-gré, la commune étant engagée ou bien sous la signature de M. Z... tout seul, ou bien sous les signatures conjointes de MM. Z... et E..., ont été attribués pendant la période considérée de décembre 1990 à juin 1993 alors que M. Z... était président de la commission d'appel d'offres et de travaux ; qu'il est établi que les versements effectués au profit de la DFPS en février et mars 1992 sur sollicitation de M. Z... selon la méthode du pourcentage l'ont été pour favoriser la candidature de cette société pour le marché dit du RD 49 dont le maître d'ouvrage était la commune et que la N... a effectivement obtenu ;

" 2° pour l'entreprise O..., le simple fait pour le président de la commission d'appel d'offres de solliciter des dons d'une entreprise calculés en fonction d'un pourcentage d'un marché qui a été attribué par la Commission pour l'année à cette entreprise, sachant parfaitement que celle-ci, compte tenu de la part que représentait ce marché dans son chiffre d'affaires, ferait l'offre l'année suivante, implique la volonté de faire un lien entre ce marché et les dons sollicités et de laisser espérer à l'entreprise, si elle répond favorablement, qu'il usera de ses pouvoirs pour la favoriser pour l'obtention du marché suivant ;

" 3° pour l'entreprise P..., il est établi que le versement de 500 000 francs en liquide début janvier 1990 est intervenu très peu de temps après l'attribution du marché, d'une manière parfaitement occulte, que rien ne justifiait à l'époque, qu'il s'était agi d'un simple financement politique, sans lien avec le marché ; que M. P... a rencontré M. D..., présidant la Commission d'appel d'offres pour l'attribution de ce marché, entre l'ouverture des plis et l'attribution et ce, dans un climat de concurrence exacerbée avec l'autre attributaire possible, la J... ; que si le choix de cette entreprise peut en lui-même se justifier, l'on ne peut en l'espèce que le rapprocher du versement occulte de cette somme de 500 000 francs ; que M. P... a clairement fait apparaître dans ses déclarations qu'au début, les versements au profit du CSSD n'ont eu lieu que parce qu'ils avaient été demandés, ce qui implique qu'il s'est trouvé contraint de les faire, même s'il a pu ensuite continuer parce que " cela lui plaisait " ; qu'au regard de ces éléments, les versements annuels de M. P... de 1990 à 1993 doivent être analysés comme la conséquence d'un accord de corruption ;

" 4° pour la Q... et la M..., s'il est établi que le traité d'affermage du service de distribution d'eau potable et le contrat d'affermage du service de l'assainissement ont été négociés et attribués à la L... dans des conditions contractuelles conformes aux intérêts de la collectivité, ce qui était le devoir des élus de la mairie de Saint-Denis, il reste que ces relations contractuelles, qui s'inscrivent dans un véritable flux d'échanges, ont été l'occasion pour eux d'obtenir, par des manoeuvres corruptrices, de très importantes sommes par le biais de contrats de collaboration commerciale purement fictifs ;

" 5° pour la société Q..., il est établi que les sollicitations des élus en 1991 ont là encore été dirigées à l'égard d'une société en relation contractuelle avec la mairie, les conventions nécessitant en outre de fréquentes adaptations compte tenu de la nature des prestations fournies par la Q... et que ces sollicitations ont été suivies de versements de fonds par un circuit totalement occulte, lesquels étaient bien faits dans la perspective d'obtenir des élus demandeurs l'accomplissement des actes de leurs fonctions permettant d'aboutir au renouvellement de la convention ; 6o pour la société R..., il est établi qu'elle a fait verser le 27 février 1992 la somme de 466 000 francs à destination d'élus de la commune de Saint-Denis ; qu'avant la fin de l'année 1991, le principe du versement d'une commission était acquis et avait l'aval du dirigeant de cette société ; que le marché a été attribué le 17 décembre ; que le principe du versement d'une commission par la R... en cas d'attribution du marché avait été retenu avant la décision d'attribution puisque, dès fin 1991, M. Z... demandait que soit contacté M. K... pour le versement de la commission alors que celui-ci, ignorant l'attribution du marché, n'avait pu acquiescer au versement d'une commission depuis celle-ci ;

" alors que le délit de corruption passive ne peut être retenu que s'il est établi avec certitude que les dons reçus aient été la contrepartie convenue d'avantages accordés ou de promesses d'avantages faites par un élu, ce qui ne se trouve nullement caractérisé en l'espèce où :

" d'une part, concernant les relations avec la Société U..., la Cour, qui affirme ainsi que les versements effectués par celle-ci au profit de la DFPS en février et mars 1992 l'ont été pour favoriser sa candidature au marché dit du RD 49, sans relever le moindre élément de fait lui permettant de retenir une telle conclusion, ne met pas la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle sur le bien-fondé de la déclaration de culpabilité prononcée de ce chef ;

" de deuxième part, s'agissant de l'entreprise O..., la Cour, qui déduit ainsi du financement politique effectué par cette entreprise postérieurement à l'obtention d'un marché une volonté de la part de Z..., 4e adjoint du maire, de subordonner l'octroi des marchés ultérieurs à de nouveaux versements, n'a pas davantage, en l'état de ses considérations totalement hypothétiques, légalement justifié sa décision ;

" de troisième part, pour ce qui est du marché passé avec l'entreprise P..., la Cour, qui ne fait ainsi état que de considérations dépourvues de toute signification précise et prétend déduire de manière tout à fait hypothétique que l'acceptation par M. P... de participer au financement politique de la municipalité l'avait été sous la contrainte, tout en constatant contradictoirement qu'il avait continué de le faire de son plein gré, n'a pas là non plus par ses motifs totalement entachés d'insuffisance justifié sa décision considérant que le versement à la municipalité en janvier 1990 d'une somme de 500 000 francs l'avait été en contrepartie d'un marché précédemment obtenu le 7 novembre 1989 et ce, pour une durée de 5 ans ;

" de quatrième part, la Cour, qui tout en constatant que les marchés passés avec la L... l'ont été dans des conditions contractuelles conformes aux intérêts de la collectivité, affirme sans aucunement en justifier que les sommes versées par cette société auraient été des manoeuvres corruptrices, a, en l'état de cette absence complète de motifs, privé sa décision de toute base légale ;

" de cinquième part, s'agissant des marchés conclus avec la R..., la Cour ne relève aucun élément de fait établissant qu'ils aient été la contrepartie de sommes versées par cette entreprise, de sorte que là encore la déclaration de culpabilité se trouve privée de toute base légale ;

" et qu'enfin, la Cour, qui constate elle-même que le dirigeant de la société R... n'avait pu acquiescer au versement d'une commission, ignorant l'attribution du marché faite à son entreprise, tout en affirmant par ailleurs qu'avant la décision d'attribution, le versement de cette commission avait l'aval de ce dirigeant, n'a pas, en l'état de ses motifs totalement entachés de contradiction, justifié l'existence d'une quelconque corruption intervenue à l'occasion de la passation de ce marché " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société U..., l'entreprise O..., la société P..., la L..., la Q... et la société R..., ont obtenu des marchés publics en contrepartie du versement de fonds au profit d'élus de la commune de Saint-Denis ;

Attendu que, pour déclarer Z..., quatrième adjoint au maire de Saint-Denis, coupable de corruption passive, la juridiction du second degré relève que " le maire et ses 3 adjoints, pour obtenir des fonds destinés à financer leurs activités politiques et des moyens supplémentaires pour faire face aux demandes de la population, ont décidé de solliciter notamment les entreprises travaillant avec la mairie en situation de dépendance économique à son égard ; que ces 4 élus ont décidé que, sauf lorsque le montant du marché ne pouvait s'y prêter, les entreprises seraient sollicitées sous forme d'un pourcentage du montant du marché, ce qui ne pouvait que créer, dans l'esprit de la personne sollicitée, un lien entre le marché et le financement demandé " ;

Que les juges ajoutent que c'est Z..., président de la commission d'appel d'offres et des travaux, qui allait, avec l'accord des autres élus, sauf pour les marchés importants pour lesquels la commission devait être déterminée au cas par cas avec l'entreprise, se charger de solliciter ces entreprises liées contractuellement avec la commune ; que cette situation confirme la volonté de ces élus de lier obtention des marchés et versement de financements ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, caractérisant le lien de causalité entre les dons sollicités et l'attribution des marchés, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour A... : (sans intérêt) ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour B... : (sans intérêt) ;

Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;

REJETTE les pourvois.