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Décisions

Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-24.358

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Cour d'appel de Bordeaux, 27 juin 2011

27 juin 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 juin 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 3 novembre 2009, pourvoi n° 08-12.399), que la société Tonnellerie ludonnaise a conclu un contrat de crédit-bail avec la société Loxxia multibail, aux droits de laquelle se trouve la société Lixxbail, pour financer une machine fabriquée par la société Anthon GmbH & Co (la société Anthon) établie en Allemagne ; qu'ayant rencontré des difficultés dans l'utilisation de cette machine, la société Tonnellerie ludonnaise a demandé la résolution du contrat de vente conclu entre la société Loxxia multibail et la société Anthon et la résiliation du contrat de crédit bail ;

Attendu que la société Tonnellerie ludonnaise fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 82, alinéa 1er, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980, "l'acheteur perd le droit de déclarer le contrat résolu ou d'exiger du vendeur la livraison de marchandises de remplacement s'il lui est impossible de restituer les marchandises dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues", à moins qu'il n'ait, ainsi que l'énonce l'article 82 alinéa 2 c) "consommé ou transformé tout ou partie des marchandises conformément à l'usage normal "; qu'en affirmant que l'utilisation pendant près de six années par la société Tonnellerie ludonnaise de la machine défectueuse avait certainement influé sur ces défauts et affecté la machine plus gravement, pour juger qu'elle était déchue de son droit de déclarer le contrat résolu par application de l'article 82 2) c de la Convention, sans cependant caractériser ni que la société Tonnellerie ludonnaise était dans l'impossibilité de restituer la machine dans un état sensiblement identique, ni encore moins que cette impossibilité était due à un usage anormal qu'elle en aurait fait pendant six ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 82 2) c de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;

2°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; qu'après avoir relevé qu' "il ne fait pas de doute de l'existence d'un défaut d'origine sur le compas mettant en jeu la responsabilité du constructeur Anthon", l'expert s'était borné à relever que "l'usage de la machine a sans doute accentué le problème, mais nous ne disposons pas d'élément susceptible de quantifier la part d'usage et celle de l'état initial dans le problème rencontré ici", sans préciser l'état dans lequel se trouvait la machine par suite de cet usage ni se prononcer sur le caractère normal ou non de l'utilisation qu'en avait faite l'exposante ; qu'en déduisant de ces constatations que la société Tonnellerie ludonnaise était dans l'impossibilité de restituer la machine dans un état sensiblement identique à celui dans lequel elle se trouvait lorsqu'elle avait été livrée, en raison de l'usage anormal qu'elle en avait fait pendant six ans, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise en violation du principe susvisé ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour justifier de l'existence et de l'étendue des différents postes de préjudice dont elle sollicitait la réparation, la société Tonnellerie ludonnaise versait aux débats la note établie par M. X..., expert judiciaire, dans laquelle ce dernier avait procédé au calcul de ces préjudices, à l'aide de documents pour la plupart comptables fournis par l'exposante qu'il avait annexés à sa note (fiches de production, livres de paie, comptes de résultat…) ; qu'elle produisait également une attestation de son expert-comptable certifiant certains chiffres qui avaient servi à l'évaluation de son préjudice (production moyenne en nombre de fûts entre 2000 et 2004, coût moyen du m 3 de merrain entre 2000 et 2004, coût salarial annuel moyen entre 2000 et 2004, coût des événements marketing) ; qu'en affirmant qu'elle n'apportait aucun élément de preuve, notamment comptable, pour justifier de son évaluation, sans examiner ni même viser aucune de ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que, conformément à l'article 82, alinéa 2) c, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980, l'acquéreur perd le droit de déclarer le contrat résolu s'il lui est impossible de restituer les marchandises dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il les a reçues, à moins qu'avant le moment où il a constaté ou aurait dû constater le défaut de conformité, il ne les ait consommées ou transformées conformément à l'usage normal ; que l'arrêt relève que la société Tonnellerie ludonnaise, qui avait connaissance des dysfonctionnements de la machine depuis sa mise en service en 2000, l'a néanmoins utilisée pendant près de six ans, ce qui en a accentué les désordres ; qu'ayant ainsi fait ressortir l'impossibilité pour l'acquéreur de restituer la machine dans un état sensiblement identique à celui dans lequel il l'a reçue, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le rapport d'expertise, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments du débat, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle écartait, a estimé que la société Tonnellerie ludonnaise ne rapportait pas la preuve du préjudice invoqué ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Tonnellerie ludonnaise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille douze.