CA Versailles, 12e ch., 4 novembre 2014, n° 13/01962
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Moizan Associés (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mme Calot, M. Leplat
Avocats :
Me Jullien, Me Bordeianu, Me Minault, Me Mayet
Vu l'appel interjeté le 8 mars 2013, par la société Moizan Associés d'un jugement rendu le15 janvier2013 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui :
* l'a condamnée à verser à Mme D. la somme de 37.046,50 euros après déduction du dépôt de garantie restant acquis à Mme D.,
* l'a condamnée à payer à Mme D. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 5 juin 2013, par lesquelles la société Moizan Associés, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de :
* dire qu'elle reste redevable envers Mme D. d'une somme de 9.688,68 euros après compensation du dépôt de garantie détenu par cette dernière,
* débouter Mme D. de ses demandes y compris de ses demandes incidentes et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner Mme D. au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Vu les dernières écritures en date du 31 juillet 2013, aux termes desquelles Bernadette D. prie la cour de :
* confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
* condamner la société Moizan Associés au versement de la somme de 3.000 euros au titre del'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* par acte sous seing privé du 29 mars 2000, Bernadette D. a consenti à Yves G. et Hugues M. un bail commercial portant sur un local situé 108 avenue du Maine à Paris, pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel de 40.250 euros,
* à la suite du décès de Yves G., le bail s'est poursuivi au bénéfice de Hugues M.,
* le bail a été apporté à la société Moizan Associés, société d'exercice libérale à responsabilitélimitée qui a été constituée par Hugues M.,
* plusieurs litiges ont opposé les parties,
* par courrier du 2 février 2010, la société Moizan Associés a informé Bernadette D. qu'elle ne pouvait plus assumer la charge locative des bureaux et qu'elle souhaitait la rencontrer afin de s'entretenir sur les conditions de son départ,
* le 30 mars 2010, Bernadette D. a répondu n'avoir pu prendre contact avec la société MoizanAssocié en raison de déplacement et transmettre son courrier à son avocat,
* par acte d'huissier du 30 mars 2010, la société Moizan Associés a donné congé des locaux pour le 30 septembre 2010, précisant que les locaux seraient libérés le 15 avril 2010, date à laquelle les clés seraient remises et un état des lieux contradictoire serait dressé à 14 heures,
* un constat des lieux contradictoire a été établi par huissier le 16 avril 2010,
* par courrier du 9 juillet 2010, le conseil de Bernadette D. a réclamé à la société Moizan Associésla somme de 46.848,45 euros au titre des charges locatives de l'année 2009, de la taxe sur les bureaux et sur les 6 mois de loyers au titre du préavis,
* par courrier du 4 août 2010, la société Moizan Associés a répondu qu'il serait de l'intérêt des deux parties de s'entretenir,
* le 5 octobre 2010, Bernadette D. a assigné la société Moizan Associés devant le tribunal degrande instance de Paris en paiement de la somme globale de 48.008,14 euros,
* par ordonnance du 26 janvier 2011, le juge de la mise en état, sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre,
* c'est dans ces circonstances qu'est intervenu le jugement déféré ;
Sur le préavis et la demande en paiement des loyers :
Considérant que la société Moizan Associés soutient que la résiliation d'un bail commercial peut être la suite d'un accord entre les parties pour y mettre fin, dès lors que le bailleur accepte le restitution des locaux et que les tiers sont informés que les locaux sont disponibles à la location, que le restitution des clés sans réserve par le bailleur avec établissement d'un état des lieux contradictoire apporte la preuve d'un accord amiable sur la résiliation anticipée du bail;
Qu'elle fait valoir qu'en l'espèce, Bernadette D. ne s'est pas opposée à la demande de résiliation anticipée formulée dès le 2 février 2010 et pas davantage lors de la signification du congé en date du 30 mars 2010 à l'établissement de l'état des lieux et la remise des clés le 15 avril 2010, celle-ci ayant simplement indiqué qu'elle n'avait pas eu le temps de répondre au courrier du 2 février 2010qu'elle transmettait à son conseil devant s'absenter à nouveau;
Qu'elle relève que Bernadette D. n'a pas contesté la remise des clés ayant eu lieu le 16 avril 2010, a mandaté son conseil pour l'établissement de l'état des lieux, que de surcroît, les locaux ont étéremis à la location dès le 28 mai 2010, ainsi qu'en atteste le cabinet Azur Immo;
Qu'elle en conclut que le bail commercial a été résilié par l'accord amiable des parties à la date du15 avril 2010 et que par conséquent, elle ne saurait être tenue au paiement du préavis de 6 mois, mais au seul paiement du loyer du mois de la résiliation du 1er avril au 15 avril 2010 ;
Considérant que Bernadette D. conteste avoir donné son accord amiable pour la résiliation anticipée du bail et renoncer au paiement des loyers dus durant la période légale de préavis ;
Qu'elle souligne, en tout état de cause, que les locaux n'ont pu être reloués qu'à compter du 17décembre 2010, ainsi qu'en atteste le cabinet Azur Immo (pièce 17) ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.145-9 du code de commerce, dans ses dispositions applicables lors du congé donné par la société Moizan Associés, les baux des locaux soumis à ce présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance ;
Considérant ainsi que le relève Bernadette D., que la résiliation amiable du bail commercial, résultant de la volonté commune des parties, doit être certaine et non équivoque;
Que la seule remise des clés au bailleur, qui les accepte sans réserve, ne suffit pas à établir cette commune intention; que ne l'est pas davantage la présence du représentant du bailleur à l'établissement contradictoire de l'état de sortie des lieux;
Que la société Moizan Associés ne produit aucun écrit, aucune correspondance révélant l'acceptation univoque de Bernadette D. à mettre fin au bail de manière anticipée ; qu'il résulte seulement du courrier précité du 30 mars 2010, en réponse à celui du 2 février 2010, le souhait de la bailleresse à se rapprocher de son conseil ;
Que force est de constater que le courrier du 2 février 2010 de la société Moizan Associés ne peut constituer un congé valable et régulier, que Bernadette D. n'a jamais réclamé les clés à son locataire, que le procès-verbal de constat dressé par huissier le 16 avril 2010, lors de la remise des clés, contient les plus expresses réserves de la bailleresse quant à ses droits au paiement du préavis, dès lors que sont annexés deux courriers de son conseil rédigés en ces termes : Je précise que Madame D. émet les plus expresses réserves quant à ses droits, notamment au paiement du préavis, lequel est de 6 mois, qui n'a pas été respecté par le locataire ;
Qu'il en résulte qu'il ne peut nullement être déduit du comportement de la bailleresse un accord, à tout le moins non équivoque et tacite, pour la résiliation anticipée du bail, les pièces versées aux débats démontrant au contraire que celle-ci n'a jamais donné son accord pour une telle résiliation et a émis toutes réserves sur ses droits au paiement des loyers dus pendant le préavis ;
Considérant par voie de conséquence, que la décision déférée, qui a retenu que le bail n'avait pris fin que le 30 septembre 2010, date à laquelle le congé a été valablement délivré, sera confirmée ;
Que dès lors, la société Moizan Associés reste tenue au paiement des loyers jusqu'au 30septembre 2010, soit de la somme de 25.419,06 euros pour la période d'avril à septembre 2010 ;
Sur les sommes dues au titre des loyers de l'année 2009, de charges locatives, taxes sur les bureaux des années 2009 et 2010 :
Considérant que la société Moizan Associés expose qu'après vérification avec son expert comptable, il s'avère qu'effectivement 4 mois de loyer n'ont pas été réglés, étant entendu que cette erreur n'est imputable qu'à la banque à laquelle elle avait donné un ordre de virement ;
Que reconnaissant devoir la somme de 2.194,48 euros au titre du loyer du 1er avril au 15 avril2010, la somme de 17.55,84 euros au titre de ces quatre mois de loyer, elle fait valoir n'être redevable que de la somme de 9.688,68 euros après déduction du dépôt de garantie s'élevant à10.061,64 euros ;
Considérant que Bernadette D. réplique justement n'avoir demandé au tribunal que la condamnation de la société Moizan Associés au paiement de la somme de 16.946,04 euros correspondant au montant des loyers impayés pour les mois de mars, mai, septembre et octobre2009 ;
Qu'elle fait pertinemment valoir qu'à cette somme justifiée et non sérieusement contestée, s'ajoute le paiement des charges locatives et de la taxe sur les bureaux pour les années 2009 et 2010(prorata) ;
Considérant que la société Moizan Associés ne saurait sérieusement soutenir que Bernadette D. ne lui aurait jamais formulé de demande de régularisation des charges et ne justifierait pas des taxes réclamées ;
Considérant en effet, que l'action en paiement des charges peut être diligentée à tout moment sous réserve de prescription laquelle n'est pas acquise ; que la résiliation du bail étant intervenue en2010, la bailleresse est fondée à voir régulariser les charges et taxes sur les bureaux des années2009 et 2010 ;
Que force est de constater que Bernadette D. a produit aux débats et communiqué à la société Moizan Associés les justificatifs concernant les charges locatives des années 2009 et 2010, les avis de taxes sur les bureaux des années 2009 et 2010 (prorata) ;
Que par voie de conséquence, la société Moizan Associés reste redevable des sommes suivantes :
- charges locatives : 1.042,25 euros (2009), 1.239,04 euros (2010) = 2.281,29 euros,
- taxe sur les bureaux : 1.921 euros (2009), 1.440,75 euros (2010) = 3.361,75 euros
Considérant ainsi que la créance de Bernadette D., au titre des loyers impayés de l'année 2009, des charges locatives et de la taxe sur les bureaux des années 2009 et 2010, s'élève à la somme de 16.946,04 euros + 2.281,29 euros + 3.361,75 euros = 22.589,08 euros ;
Que déduction faite du dépôt de garantie de 10.061,64 euros, la société Moizan Associés reste devoir la somme de 12.527, 44 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que confirmant la décision déférée, la société Moizan Associés sera condamnée à payer à Bernadette D. la somme de 25.419,06 euros au titre des loyers impayés durant la période de préavis, la somme de 12.527, 44 euros au titre des loyers impayés en2009, de la régularisation des charges et de la taxe sur les bureaux pour les années 2009 et 2010, soit la somme globale de 37.946,50 euros ;
Sur les autres demandes :
Considérant que le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application ;
Qu'en vertu de ce texte, il y a lieu de faire droit aux prétentions de Bernadette D., au titre de ses frais irrépétibles exposés à l'occasion de ce recours, contre la société Moizan Associés qui succombe et doit supporter la charge des dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Moizan Associés à payer à Bernadette D. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Moizan Associés aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.