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Décisions

Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, n° 01-03.185

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Montpellier 1re ch. A, du 16 nov. 2000

16 novembre 2000

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 novembre 2000), que la société civile immobilière Sephora a souscrit, le 30 octobre 1993, auprès de la société civile immobilière Les Mimosas, un contrat de réservation portant sur deux lots dont l'un à usage de garage, dans un immeuble en copropriété, avec paiement du prix au fur et à mesure de l'avancement des travaux ; que l'acte authentique de vente est intervenu le 26 février 1994 ; que la société civile immobilière Les Mimosas, invoquant le non-paiement d'une partie du prix, a fait délivrer un commandement de payer le 17 janvier 1996, visant la clause résolutoire prévue à l'acte, puis a assigné en résolution de la vente ;

Attendu que la société civile immobilière Sephora fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de sursis à statuer par elle formée à raison de la plainte déposée devant la juridiction pénale, alors, selon le moyen, que le juge civil doit surseoir à statuer dès lors que les poursuites pénales dont on fait état devant lui sont de nature à influer sur la décision civile à intervenir ; qu'une plainte pénale pour abus de confiance et escroquerie déposée contre le vendeur d'immeuble est de nature à caractériser la mauvaise foi de ce dernier et, partant, à paralyser le jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement du prix en cause dans le litige civil ; qu'en l'espèce, la société civile immobilière Sephora soutenait que la plainte pénale avec constitution de partie civile déposée contre la société civile immobilière Les Mimosas du chef d'abus de confiance, escroquerie, défaut d'assurance du lotisseur, était de nature à caractériser la mauvaise foi de cette dernière ; qu'en affirmant néanmoins que la solution du litige civil était indépendante de la procédure pénale, sans rechercher si elle n'était pas de nature à caractériser la mauvaise foi du vendeur, et, partant, d'influer sur le litige relatif au jeu de la clause résolutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'action dont elle était saisie était indépendante de la procédure pénale en cause puisqu'elle avait pour finalité la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix à laquelle s'opposait l'acheteur en raison d'un défaut de délivrance de la chose vendue, la surface du garage n'étant pas conforme à celle prévue à l'acte et une aire de stationnement n'ayant pas été aménagée, alors qu'il était acquis aux débats que la superficie du garage était réduite par rapport à l'acte notarié, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Sephora fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la résolution de la vente immobilière, alors, selon le moyen :

1°) que le jeu d'une clause résolutoire est neutralisé en cas d'inexécution par le bénéficiaire de ses propres obligations ; qu'en l'espèce, la société civile immobilière Sephora soutenait précisément que la société civile immobilière Les Mimosas avait manqué à son obligation de délivrance dès lors qu'elle avait délivré un garage de 14,5 m au lieu de 17 m , que les travaux réalisés ne correspondaient pas au programme immobilier vendu, ainsi que l'avait constaté le tribunal administratif, et que des infiltrations et moisissures avaient été constatées par l'expert de son assureur en octobre 1995 ; qu'en faisant jouer la clause résolutoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'ensemble de ces éléments ne permettait pas à la société civile immobilière Sephora d'invoquer l'exception d'inexécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;

2°) que le jeu d'une clause résolutoire est neutralisé lorsque le bénéficiaire de la clause agit de mauvaise foi ; qu'en l'espèce, la société civile immobilière Sephora soutenait précisément que la société civile immobilière Les Mimosas était manifestement de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, dès lors qu'elle avait adressé en janvier 1996 un commandement visant la clause résolutoire, de payer 60 000 francs correspondant au prix d'un garage de 17 m quand elle savait pertinemment que ce dernier ne faisait que 14,5 m , que les travaux réalisés ne correspondaient pas au programme immobilier vendu, que des infiltrations et moisissures avaient été constatées par l'expert de son assureur en octobre 1995 et qu'une plainte avec constitution de partie civile pour escroquerie et défaut d'assurance avait été déposée ; qu'en faisant jouer la clause résolutoire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si ces éléments n'excluaient pas la bonne foi de la société civile immobilière Les Mimosas dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1184 du Code civil ;

3°) qu'il résulte des termes de l'arrêt que, conformément à l'article 1617 du Code civil, le déficit de surface du garage devait se traduire par une diminution du prix de vente du garage fixé originellement à 60 000 francs ; qu'il en résulte nécessairement que la société civile immobilière Les Mimosas ne pouvait réclamer paiement de la somme de 60 000 francs eu égard au défaut de superficie du garage ; qu'il était constant que la société civile immobilière Les Mimosas avait pourtant délivré un commandement de payer la somme de 60 000 francs ; qu'en constatant néanmoins l'acquisition de la clause résolutoire quand ledit commandement resté infructueux visait la somme erronée de 60 000 francs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

4°) que les juges sont tenus d'analyser les documents produits par les parties au soutien de leurs moyens ; qu'en l'espèce, il résultait du contrat de vente que la date de paiement du prix du garage était fixée au 30 décembre 1995 ; que la société civile immobilière Sephora produisait des courriers, antérieurs au 30 décembre 1995, faisant état de réserves quant au défaut de superficie du garage et demandant qu'il soit trouvé une solution à ce problème ; qu'en affirmant néanmoins que la société Sephora n'avait pas formé de réclamations avant le commandement de payer en date du 17 janvier 1996, sans nullement examiner les documents produits, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5°) que les juges sont tenus de préciser les documents sur lesquels ils fondent leurs affirmations ; qu'en l'espèce, les conclusions des parties ne faisaient aucune mention d'une quelconque date de réception des travaux ; que figurait par ailleurs aux débats un rapport d'expertise mentionnant la date du 31 janvier 1995 comme date de réception des travaux effectués le 18 juin 1994 et le commandement de payer, sans préciser sur quel document ils se fondaient pour fixer la réception des travaux à cette date, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6°) que les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, il résultait du rapport d'expert que si l'acte de vente du 26 février 1994 mentionnait une surface d'habitation de 55 m et un vide-séjour aménageable, cette surface habitable avait été portée à 68 m suite à l'aménagement du vide-séjour, en application d'un accord des parties et suite à des travaux dûment réglés ; qu'en affirmant néanmoins que "l'expert a constaté que la surface des locaux d'habitation est de 68 m , alors que l'acte de vente mentionne une surface de 55 m , soit 13 m de plus, sans que jamais le prix de vente n'ait été majoré ou que la société civile immobilière Sephora n'ait émis des réserves sur une situation qui lui est profitable" quand l'expert mentionnait que cette augmentation de la surface habitable résultait de l'accord des parties, suite à des travaux dûment réglés afin d'aménager une surface vendue précisément comme "aménageable", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la clause résolutoire insérée à l'acte de vente prévoyait la résolution de plein droit à défaut de paiement d'une somme quelconque formant partie du prix, que la société civile immobilière Sephora restait redevable d'une somme de 60 000 francs qui ne pouvait être affectée au seul prix de vente du garage alors qu'il s'agissait d'une vente unique pour un prix global, même si le prix avait été ventilé entre garage et locaux d'habitation, que la société Sephora ne pouvait prétendre avoir acquis un emplacement de stationnement qui ne lui aurait pas été délivré puisque l'acte de vente n'indiquait nullement l'existence de cette aire de stationnement, que si la superficie du garage était effectivement inférieure aux prévisions contractuelles, conformément à l'article 1617 du Code civil, le déficit de surface du garage ne pouvait se traduire que par une diminution du prix de vente de 8 117,64 francs, comme le sollicitait la société Sephora qui, en outre, avait confirmé son achat malgré le déficit constaté suivant lettre du 20 octobre 1994, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes et abstraction faite du motif surabondant tiré de la superficie habitable, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1184 du Code civil ;

Attendu que pour infirmer le jugement en ses dispositions ordonnant, ensuite de la résolution de la vente, la restitution de la partie du prix réglé par la société civile immobilière Sephora à la société civile immobilière Les Mimosas, l'arrêt retient que la restitution du prix n'avait pas été demandée ni en première instance ni en appel et qu'elle ne pouvait en conséquence être ordonnée sous peine de statuer ultra petita ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'un contrat synallagmatique est résolu pour inexécution par l'une des parties de ses obligations, les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la restitution du prix de vente réglé par la société civile immobilière Sephora, l'arrêt rendu le 16 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.