CA Bordeaux, 2e ch. civ., 14 décembre 2012, n° 11/07491
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
M. Charbonnier
Défendeur :
Guitar Shop (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Filhouse
Conseillers :
M. Bancal, Mme Rouger
Avocats :
SCP Annie Taillard & Valérie Janoueix Avocats Associés, Me Lemée, Selarl Lexavoué Bordeaux, Me Combeau
Par acte sous seing privé du 16 décembre 2004, monsieur Bruno CHARBONNIER a donné à bai lcommercial, un local situé [...] à monsieur BONNET avec faculté de substitution par la S.A.R.LGUITAR SHOP, à effet à compter du 1er décembre 2004, moyennant un loyer annuel de 6.960 €HT payable par trimestre.
La société GUITAR SHOP a
- le 30 avril 2008, par acte notarié, signé avec la S.C.I CAUVIN un bail commercial d'un local voisin plus grand au [...], à compter du 2 mai 2008,
- courant juin 2008, déménagé tout en continuant à régler les loyers à monsieur CHARBONNIER jusqu'en juin 2009 excepté les mois d'avril et mai 2009.
Le juge des référés de BORDEAUX, saisi par monsieur CHARBONNIER, par ordonnance du 22mars 2010, après avoir rejeté le moyen selon lequel une résiliation anticipée du bail serait intervenue à l'amiable tout en considérant qu'un accord serait intervenu entre les parti es, aux termes duquel le bailleur s'engageait à trouver un autre locataire et qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier l'exécution de cette obligation, a condamné la S.A.R.L GUITAR SHOP à lui payer au titre des loyers impayés jusqu'au mois de mars 2010, inclus, la somme de 9.407,09 €, la somme de1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Sur assignation de la S.A.R.L GUITAR SHOP, par jugement contradictoire du 1er décembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a :
- rejeté la demande en constatation de la résiliation amiable du bail commercial,
- dit que monsieur CHARBONNIER a exécuté son obligation de rechercher un nouveau locataire de mauvaise foi,
- condamné, en conséquence, monsieur CHARBONNIER à payer à la S.A.R.L GUITAR SHOP la somme de 9.407 €,
- rejeté la demande reconventionnelle formée par monsieur CHARBONNIER au titre des loyers restants dus,
- condamné monsieur CHARBONNIER à payer à la S.A.R.L GUITAR SHOP la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné monsieur CHARBONNIER aux dépens.
Le 12 décembre 2011, monsieur CHARBONNIER a relevé appel de cette décision.
En ses dernières écritures du 24 août 2012 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé monsieur CHARBONNIER a conclu à l'infirmation du jugement déféré, au débouté de l'ensemble des demandes de la S.A.R.L GUITAR SHOP, à la condamnation de la S.A.R.L GUITAR SHOP à lui payer la somme de 6.841,52 € T.T.C avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement au titre des loyers impayés entre avril 2010 et fin novembre 2010 outre une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Il conteste avoir accepté courant juin 2008, la résiliation anticipée du bail, n'ayant pris qu'acte du déménagement et acceptant le principe d'une fin de bail anticipée dans l'hypothèse où serait trouvé un nouveau locataire. Il observe que le loyer a continué à être réglé pendant près d'un an, que ce n'est que le 10 mai 2010, qu'a été délivré par le preneur un congé.
Il conteste tout accord aux termes duquel, il se serait engagé à faire diligence pour trouver un nouveau locataire dans l'intérêt de la S.A.R.L GUITAR SHOP, reconnaissant avoir entrepris des recherches dans son propre intérêt dès connaissance des intentions du preneur de ne pas poursuivre le bail.
Il observe que depuis la fin du bail intervenue le 30 novembre 2010, le local n'a pas trouvé preneur.
La S.A.R.L GUITAR SHOP, en ses dernières conclusions du 10 mai 2012, auxquelles il sera référé pour plus ample développement, poursuit la réformation partie elle du jugement déféré.
Elle demande
- de dire que le bail commercial conclu entre les parties a fait l'objet d'une résiliation amiable aumois de juin 2008,
- de dire que monsieur CHARBONNIER n'a pas exécuté loyalement ses obligations et de le condamner sur le fondement de l'article 1134 du code civil à la réparation de son préjudice à hauteur de 24.800 €, de le condamner à la resti tuti on du dépôt de garanti e versé lors de l'entrée dans les lieux (1740 €), de débouter monsieur CHARBONNIER de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle soutient
- qu'il a été convenu entre les parties, en juin 2008, de la résiliation anticipée du bail avec engagement de sa part de régler une « indemnité d'occupation » jusqu'à ce que le propriétaire trouve un nouveau locataire, ce dernier s'engageant à mettre tout en oeuvre pour relouer le plus rapidement possible le local notamment en mandatant à cette fin la société FONCIA ENTREPRISE,
- que cela résulte de la saisine de l'agence immobilière et de la souscription par elle d'une nouvelle location
- qu'elle a découvert que monsieur CHARBONNIER n'avait pas retourné le mandat à la société FONCIA ENTREPRISE, que les repreneurs qui s'étaient manifestés avaient été éconduits.
SUR QUOI
Sur la résiliation anticipée du bail et la demande en paiement des loyers impayés entre le mois d'avril 2010 et la fin du bail intervenue fin novembre 2010.
La durée du bail commercial ainsi que les modalités autorisant le preneur à donner congé à l'issue de chaque période triennale sont encadrées par les articles 145-4 et suivants du Code de Commerce
.
La S.A.R.L GUITAR SHOP a signé un second bail commercial en avril 2008 soit en début de seconde période triennale, de telle sorte qu'elle devait attendre la fin de cette période pour donner officiellement congé, ce qu'elle a finalement fait en mai 2010.
En dehors de ces périodes, la résiliation anticipée du bail ne se conçoit que d'un commun accord, lequel s'il peut se prouver par tous moyens, doit résulter d'éléments de faits établissant une intention réciproque non équivoque.
Le paiement d'un loyer désigné sous la qualification « indemnité d'occupation » par la S.A.R.L GUITARSHOP dans ses écritures, alors qu'il n'a été formalisé entre les parti es aucune remise des clefs du local, n'est pas de nature à démontrer l'intention non équivoque du bailleur d'accepter une résiliation anticipée au mois de juin 2008, les écrits et les pièces étayant, au contraire, que l'acceptation par le bailleur de la résiliation du bail anticipée avait été conditionnée à la reprise du local par un nouveau locataire.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef
Le bail a continué ses effets entre les parti es jusqu'à l'issue du congé donné par la S.A.R.L GUITARSHOP.
Cette société est donc redevable des loyers jusqu'à la fin de la deuxième période triennale, soit à hauteur de la somme non contestée de 6.520,32 € HT (815,04 x 8 mois)
Le jugement qui a rejeté la demande en paiement présentée par monsieur CHARBONNIER sera infirmé de ce chef
Aux termes du contrat de bail, le dépôt de garanti e est conservé jusqu'à règlement définitif de toute indemnité que le preneur peut devoir au bailleur à l'expiration du bail et à sa sortie des lieux.
En l'état actuel du litige, le bailleur demeure en droit de retenir ce dépôt de garantie.
Sur la demande en dommages et intérêts
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel et doivent être exécutées de bonne foi.
La demande en constatation de l'intervention d'une résolution anticipée amiablement convenue entre les parties a été rejetée.
Les écrits des parties permettent d'établir qu'un accord est bien intervenu entre les parti es à la suite de la signature par la S.A.R.L GUITAR SHOP avec la S.C.I CAUVIN d'un nouveau bail commercial et de son déménagement.
Cet accord ne peut pas avoir porté sur la poursuite du paiement des loyers, laquelle était acquise du fait de l'absence de résiliation anticipée du bail, jusqu'au terme de la seconde période triennale, dans l'hypothèse de la régularisation d'un congé.
Monsieur CHARBONNIER ne conteste pas avoir offert le local à la location dès qu'il a eu connaissance de l'installation de la S.A.R.L GUITAR SHOP dans le local de la S.C.I CAUVIN.
Il ne conteste pas, par ailleurs, s'être engagé à accepter une résiliation anticipée du bail dès l'entrée d'un nouveau preneur.
Pour autant, le fait pour monsieur CHARBONNIER de proposer à la location le local et les pièces produites ne font pas preuve de ce qu'il s'était engagé à faire diligence dans le seul intérêt du preneur en renonçant à louer le local dans des conditions favorables, dès lors que le bail ne venait à expirati on, sous réserve de la régularisation d'un congé, que fin novembre 2010, alors que les obligations du bail commercial qui le liait à la S.A.R.L GUITAR SHOP ne lui en faisait aucunement obligation.
Les pièces du dossier ne font preuve que du fait que les candidats adressés par l'agence ou le responsable du développement économique de la ville de TALENCE, saisi par monsieur BONNET et non par monsieur CHARBONNIER, n'ont pas poursuivi du fait du coût élevé du loyer et de ce que monsieur CHARBONNIER persiste à vouloir louer à des prix supérieurs au marché local.
La S.A.R.L GUITAR SHOP doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts et le jugement infirmé de ce chef.
Sur les demandes annexes :
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de monsieur Charbonnier à hauteur de 2.500 €
Les dépens seront mis à la charge de la S.A.R.L GUITAR SHOP dont distraction au profit de la S.C.PTAILLARD JANOUEIX avocats associés aux offres de droit.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par décision contradictoire en dernier ressort par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la S.A.R.L GUITAR SHOP de sa demande en constatation de l'intervention d'une résiliation anticipée en juin 2008.
Pour le surplus infirme le jugement déféré et statuant à nouveau
Condamne la S.A.R.L GUITAR SHOP à payer à monsieur CHARBONNIER la somme de 6.520,32 €HT en paiement des loyers impayés d'avril à novembre 2010, lesquels produiront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement.
Déboute la S.A.R.L GUITAR SHOP de l'ensemble de ses demandes.
Condamne la S.A.R.L GUITAR SHOP à payer à monsieur CHARBONNIER la somme de 2.500 € surle fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la S.A.R.L GUITAR SHOP aux entiers dépens dont distraction au profit de la S.C.PTAILLARD JANOUEIX avocats associés aux offres de droit.
Le présent arrêt a été signé par Henriette FILHOUSE, présidente, et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.