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Décisions

Cass. 1re civ., 16 mars 1999, n° 97-12.930

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

Mme Bignon

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Le Bret et Laugier, Me Hennuyer

Rennes, du 11 déc. 1996

11 décembre 1996

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que, par acte sous seing privé du 20 décembre 1991, Mme X a vendu à la société Thébault des arbres plantés sur une parcelle de terre lui appartenant, leur coupe devant être effectuée par l'acquéreur avant le 1er mai 1992 ; qu'après l'exécution du contrat, Mme X a assigné la société Thébault en nullité de la vente pour vileté du prix et, la restitution en nature étant impossible, en paiement d'une indemnité égale à la différence entre la valeur vénale des arbres et le prix payé ; qu'elle a en outre demandé réparation du préjudice d'exploitation résultant de la tardiveté de la remise en état des lieux par la société Thébault ;

Attendu que la société Thébault fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 11 décembre 1996) de l'avoir, réformant partiellement le jugement entrepris, condamnée à payer à Mme X une somme égale à la différence entre la valeur réelle des arbres et le prix payé, avec les intérêts au taux légal depuis l'assignation et une somme en réparation de son préjudice, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement, alors, selon le moyen, d'une part, que si une vente mobilière peut être annulée pour défaut de prix réel et sérieux, le refus de prononcer cette annulation, pourtant explicitement sollicitée par Mme X dans ses conclusions d'appel, interdisait à la cour d'appel de se substituer aux parties et de fixer elle-même un prix, différent de celui convenu le 20 décembre 1991 ; qu'en accordant à Mme X un supplément de prix, différentiel ou non, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 et 1591 du Code civil ; alors, d'autre part, que, ne pouvant constituer une différence de prix, puisque non convenue, cette somme n'aurait pu représenter qu'une indemnité réparatrice d'une faute d'exécution, ce qui excluait, en tout état de cause, qu'elle soit génératrice d'intérêts moratoires avant sa fixation par le juge ; qu'en faisant courir ces intérêts à compter de l'assignation du 25 mars 1993, la cour d'appel a violé l'article 1153 du Code civil ; alors, enfin, que Mme X, poursuivant l'annulation de la vente pour vileté de prix, ne pouvait plus prétendre bénéficier des obligations prévues au contrat ; qu'en lui accordant une indemnité de 9 130 francs pour " perte d'une année de pousse " des arbres, l'arrêt attaqué a violé, par fausse application, les articles 1134 et 1591 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que, dans le cas où un contrat nul a cependant été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant cette exécution ; que, lorsque cette remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer doit s'acquitter du prix correspondant à cette prestation ; qu'ayant retenu la vileté du prix de la vente, la cour d'appel a constaté que la société Thébault avait pris livraison des arbres ; qu'une restitution en nature étant impossible, la cour d'appel, qui a exactement décidé que Mme X était en droit d'obtenir paiement de la valeur réelle des arbres livrés, a, par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, qu'en toute matière, l'article 1153-1 du Code civil permet au juge de fixer le point de départ des intérêts à une date antérieure au prononcé du jugement, et spécialement à compter du jour de la demande ; qu'en fixant à une autre date que celle de sa décision le point de départ des intérêts, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par ce texte ;

Attendu, enfin, qu'en allouant des dommages-intérêts à Mme X, la cour d'appel a justement réparé le préjudice d'exploitation causé à cette dernière par l'exécution défectueuse du contrat nul par la société Thébault ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.