Cass. crim., 7 juin 2016, n° 15-80.827
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 avril 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs précités, en faisant valoir que, le 4 juin 2002, sa candidature à un emploi dans la gendarmerie nationale avait été rejetée à la suite de la réponse positive, obtenue de manière déloyale, à une question relevant de sa vie privée, contenue dans un test de personnalité qui n'avait pas fait l'objet des formalités préalables à la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel ; que le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs susvisés ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-16 du code pénal, 4, 5, 15, 19, 41, 48 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de mise en oeuvre d'un traitement automatisé d'informations nominatives sans respect des formalités préalables ;
" aux motifs propres qu'à la date du 8 avril 2002, la loi dite informatique et libertés était applicable dans sa version initiale ; qu'à cette date étaient, notamment, applicables en l'espèce les articles 15, 16, 19, et 41 notamment, lesquels disposaient « Art. 15.- Hormis les cas où ils doivent être autorisés par la loi, les traitements automatisés d'informations nominatives opérés pour le compte de l'Etat, d'un établissement public ou d'une collectivité territoriale, ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, sont décidés par une loi ou par un acte réglementaire pris après avis motivé de la commission nationale de l'informatique et des libertés.
Si l'avis de la commission est défavorable, il ne peut être passé outre que par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat ou, s'agissant d'une collectivité territoriale, en vertu d'une décision de son organe délibérant approuvée par décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat.
Si, au terme d'un délai de deux mois renouvelable une seule fois sur décision du président, l'avis de la commission n'est pas notifié, il est réputé favorable.
Art. 16.- Les traitements automatisés d'informations nominatives effectués pour le compte de personnes autres que celles qui sont soumises aux dispositions de l'article 15 doivent, préalablement à leur mise en oeuvre, faire l'objet d'une déclaration auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés.
Cette déclaration comporte l'engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi.
Dès qu'il a reçu le récépissé délivré sans délai par la commission, le demandeur peut mettre en oeuvre le traitement. Il n'est exonéré d'aucune de ses responsabilités.
Art. 19.- La demande d'avis ou la déclaration doit préciser :
- la personne qui présente la demande et celle qui a pouvoir de décider la création du traitement ou, si elle réside à l'étranger, son représentant en France ;
- les caractéristiques, la finalité et, s'il y a lieu, la dénomination du traitement ;
- le service ou les services charges de mettre en oeuvre celui-ci ;
- le service auprès duquel s'exerce le droit d'accès défini au chapitre V ci-dessous ainsi que les mesures prises pour faciliter l'exercice de ce droit ;
- les catégories de personnes qui, à raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont directement accès aux informations enregistrées ;
- les informations nominatives traitées, leur origine et la durée de leur conservation ainsi que leurs destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces informations ;
- les rapprochements, interconnexions ou toute autre forme de mise en relation de ces informations ainsi que leur cession à des tiers ;
- les dispositions prises pour assurer la sécurité des traitements et des informations et la garantie des secrets protégés par la loi ;
- si le traitement est destiné à l'expédition d'informations nominatives entre le territoire français et l'étranger, sous quelque forme que ce soit, y compris lorsqu'il est l'objet d'opérations partiellement effectuées sur le territoire français à partir d'opérations antérieurement réalisées hors de France.
Toute modification aux mentions énumérées ci-dessus, ou toute suppression de traitement, est portée à la connaissance de la commission.
Peuvent ne pas comporter certaines des mentions énumérées ci-dessus les demandes d'avis relatives aux traitements automatisés d'informations nominatives intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique.
Art. 41.- Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 2 000 à 200 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura procédé ou fait procéder à des traitements automatisés d'information nominative, sans qu'aient été publiés les actes réglementaires prévus à l'article 15 ou faites les déclarations prévues à l'article 16 ci-dessus. En outre, le tribunal pourra ordonner l'insertion du jugement intégralement ou par extraits, dans un ou plusieurs journaux, et son affichage dans les conditions qu'il déterminera, aux frais du condamné » ; que ces deux premiers articles n'ont pas été modifiés dans leur substance par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, mais uniquement quant à la répartition des compétences au sein de la CNIL ; que l'article 48 de la loi initiale prévoyait des dispositions dérogatoires ainsi rédigées :
« Art. 48.- A titre transitoire, les traitements régis par l'article 15 ci-dessus, et déjà créés, ne sont soumis qu'à une déclaration auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés dans les conditions prévues aux articles 16 et 17.
La commission peut toutefois, par décision spéciale, faire application des dispositions de l'article 15 et fixer le délai au terme duquel l'acte réglementant le traitement doit être pris.
A l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, tous les traitements régis par l'article 15 devront répondre aux prescriptions de cet article » ; que ces dispositions transitoires ont été abrogées par la loi du 6 Août 2004 ; qu'il convient encore de s'interroger sur le point de savoir si à la date du 8 avril 2002, la modification du fichier comprenant le recueil de données à caractère personnel et nominatives entraînait une obligation plus large et différente de celle de la déclaration préalable ; que le questionnaire aux fins de test de personnalité utilisé par la gendarmerie nationale pour organiser ses recrutements avait été conçu et mis en place, au vu de la circulaire relative à l'application par celle-ci des dispositions concernant l'informatique et les fichiers et les libertés en date du 7 novembre 1991 (D 116), de l'instruction n° 12. AG 7 du 11 mars 1982 (D 169) prise en application de la loi du 6 janvier 1978, et plus particulièrement en application de ses dispositions de l'article 8. 23 (D185) prescrivant de respecter scrupuleusement l'article 27 de ladite loi ; que ce même questionnaire avait été conçu au vu de la circulaire n° 2037/ DEF/ SGA organisant les formalités déclaratives auprès de la CNIL des traitements automatisés d'informations nominatives (D188 189), étant toutefois souligné que la circulaire du 3 octobre 1994 abrogeait les textes précédents (d195) ; qu'ont été versées à la procédure, en pièces cotées D246 à D248, la fiche de déclaration de la gendarmerie nationale datée du 14 novembre 1984, énumérant les catégories d'informations et leurs destinataires ; que sur ce document figurent les tests de personnalité ; que cette fiche est enregistrée sous le n° 166081, que sous cote D249 est produit le récépissé de la CNIL du 31 juillet 1987 accusant réception de la déclaration de modification d'un traitement automatisé d'informations nominatives, déclaration enregistrée sous le même numéro ; qu'il ressort de ces textes et pièces que les déclarations litigieuses bénéficiaient du régime dérogatoire et transitoire de l'article 48 ; qu'il convient de constater que la CNIL n'a d'ailleurs pas imposé plus de formalités ; que les textes avancés et reproduit par la partie civile et notamment l'article 15, résultant de la loi du 7 Août 2004, n'étaient pas applicable au moment des faits ; que 1'intervention d'un acte réglementaire n'était pas légalement requise au 8 Avril 2002 ; que, dès lors, les sanctions pénales prévues par l'article 41 ne pouvaient être applicables qu'au fait d'avoir procédé ou fait procéder à des traitements automatisés d'informations nominatives qui nécessitaient la publication d'un acte réglementaire prévus à l'article 15, ou qui nécessitaient les déclarations prévues à l'article 15 ; que les déclarations prévues à l'article 16 ont été régulièrement effectuées, que dès lors, les sanctions pénales prévues par l'article 41 dudit texte ne pouvaient recevoir application en l'espèce ; qu'en conséquence, l'ordonnance de non-lieu sera confirmée de ce chef ; que les décisions réglementaires ultérieures et notamment celle du 7 Juillet 2008, visées par la partie civile ne peuvent être considérées comme des régularisations à posteriori ; que celles-ci ont été prise parce que la période dérogatoire de l'article 48 avait expiré ; qu'au même titre, ne peuvent pas plus être prises en compte les lettres des 3 novembre 2003, 7 juillet 2008 ou circulaire du 11 février 2009 ou encore du 6 février 2004, toutes pièces ou documents postérieurs à la date des faits, pas plus que ne peuvent être pris en compte les termes de l'audition de Mme Y... qui s'est référée à la nouvelle législation intervenue en 2004 ;
" et aux motifs adoptés que le traitement automatisé des informations nominatives relatives au recrutement opéré par la gendarmerie nationale a fait l'objet, préalablement à sa mise en oeuvre, des formalités requises par la loi auprès de la CNIL en 1980 et qu'une déclaration modificative a été effectuée en 1984 dès lors qu'une modification substantielle de la nature des données collectées a été opérée (ainsi en allait-il du numéro de sécurité sociale) ; que la CNIL, sur la seule base de la transmission de la nature des données collectées renseignées dans chacune des déclarations de 1980 et 1984, a délivré un récépissé en 1987 et a ainsi autorisé la mise en oeuvre du traitement automatisé de recrutement de la gendarmerie nationale, sans solliciter d'autre éléments d'information, notamment sur les tests de personnalité, comme elle en avait le pouvoir ; qu'il convient de noter qu'elle a aussi par la délivrance de ce récépissé, entériné la régularité de la déclaration faite le 2 avril 1980 sur la base des dispositions transitoires prévues par l'article 48 de la loi " Informatique et libertés " dans sa rédaction d'origine ; que les catégories et la nature des données déclarées en 1980 puis 1984, parmi lesquelles figuraient déjà les tests d'aptitude et de connaissance, ainsi que les tests de personnalité, n'ont pas été modifiées de façon substantielle par la refonte dans les années 2000 des tests psychologiques, dont il n'est pas établi qu'ils devaient faire l'objet d'une nouvelle déclaration ; que les tests de personnalité ont d'ailleurs été qualifiés par les responsables de la CNIL, dans un courrier du 16 août 2006, d'éléments utiles à la bonne information de la CNIL, ce qui apparaît bien différent d'une modification substantielle apportée au traitement de donnée ;
" 1°) alors que, depuis le 25 janvier 1980, date d'expiration du délai de deux ans ayant suivi la promulgation de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, les traitements automatisés d'informations nominatives opérés pour le compte de l'Etat, d'un établissement public ou d'une collectivité territoriale, ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public sont décidés par un acte réglementaire pris après avis motivé de la CNIL ; qu'en décidant, néanmoins que les déclarations effectuées les 2 avril 1980 et 14 novembre 1984 par le ministère de la défense auprès de la CNIL ne devaient pas faire l'objet d'un tel acte réglementaire, motif pris que les déclarations effectuée par le ministère de la défense auprès de la CNIL bénéficiaient du régime dérogatoire prévu pendant ladite période de deux ans, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que sont réputées nominatives les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l'identification des personnes physiques auxquelles elles s'appliquent, que le traitement soit effectué par une personne physique ou par une personne morale ; que toute modification d'informations nominatives doit être portée à la connaissance de la CNIL ; que M. X... soutenait que le fichier initialement déclaré avait été substantiellement modifié en 2000, d'une part, en ce que le traitement manuel avait été remplacé par un traitement automatisé mis en place selon la méthode dite de « segmentation comportementale », et d'autre part, en ce que les questions qui portaient sur des données sensibles avaient été modifiées ; qu'en se bornant à affirmer que les catégories et la nature des données déclarées en 1980 puis en 1984, ainsi que les tests de personnalité, n'avaient pas été modifiés de façon substantielle dans les années 2000, sans indiquer quelles modifications étaient effectivement intervenues, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué retient que le questionnaire aux fins notamment de test de personnalité, utilisé par la gendarmerie nationale pour organiser ses recrutements, a régulièrement fait l'objet, selon les dispositions transitoires de l'article 48 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction alors en vigueur, de déclarations initiale et modificative en 1980 et 1984 à la CNIL qui en a délivré récépissé sans exiger plus de formalités ; que les juges ajoutent que ce fichier n'imposait pas de nouvelle formalité et que l'intervention d'un acte réglementaire n'était pas légalement requise en avril 2002, à l'occasion de l'épreuve du questionnaire, l'article 15 de la loi précitée n'étant pas applicable en l'espèce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard de l'article 226-16 du code pénal, dans sa version alors applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-17, 226-18, 226-19, 226-22, 226-23, 226-24 du code pénal, 4, 27, 31, 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre du chef d'obtention illicite ou déloyale de données à caractère personnel ;
" aux motifs que, quant à l'obligation de fournir au candidat une information loyale et complète, saisi par une plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction se doit d'instruire sur chacun des faits dénoncés quand bien même le parquet n'ait pas expressément visé chacun d'entre eux par son réquisitoire introductif ; qu'il a été versé à la procédure (D280) la déclaration de consentement relative à une candidature à la gendarmerie, remplie, datée et signée par M. X... le 7 Avril 2002, qui déclarait avoir pris connaissance de l'article 27 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, dont les dispositions étaient reproduites in extenso, en ces termes :
« Art. 27.- Les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées :
- du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
- des conséquences à leur égard d'un défaut de réponse ;
- des personnes physiques ou morales destinataires des informations ;
- de l'existence d'un droit d'accès et de rectification.
Lorsque de telles informations sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention de ces prescriptions.
Ces dispositions ne s'appliquent pas à la collecte des informations nécessaires à la constatation des infractions » ; que, dès lors, M. X... est mal fondé à, soutenir que les réponses données au questionnaire litigieux, ont été recueillies de manière déloyale ou sans information préalable suffisante ; qu'en conséquence, il n'y a pas eu violation des dispositions de l'article 226-22 ou 226-24 en vigueur au 1er janvier 2002, tant de la part d'une personne physique que d'une personne morale ;
" 1°) alors que constitue un délit le fait de collecter des données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ; que les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées du caractère obligatoire ou facultatif des réponses, des conséquences à leur égard d'un défaut de réponse, des personnes physiques ou morales destinataires des informations et de l'existence d'un droit d'accès et de rectification ; que M. X... soutenait devant la chambre de l'instruction qu'il n'avait été informé ni du caractère directement éliminatoire de ses réponses au test de personnalité dans le processus de recrutement, ni du caractère obligatoire ou facultatif des réponses, ni des conséquences à son égard d'un défaut de réponse, de sorte que la collecte de ces informations nominatives présentait un caractère déloyal ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... avait pris connaissance de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, sans rechercher s'il avait été concrètement informé du traitement qui serait réservé à ses réponses et de la portée de celles-ci, la chambre d'instruction a privé sa décision de motifs ;
" 2°) alors que constitue un délit le fait de collecter des données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ; qu'il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatisée, sauf accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales ou les moeurs des personnes ; que M. X... soutenait devant la chambre de l'instruction que la question 124 du questionnaire litigieuse, à savoir s'il « a subi dans le passé un choc psychologique d'ordre sexuel qui l'a profondément marqué », avait la nature d'une donnée nominative sensible, dont la collecte était soumise à son accord exprès ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... avait rempli une déclaration de consentement relative à une candidature à la gendarmerie et qu'il avait pris connaissance de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, sans rechercher si la question litigieuse était une donnée sensible et le cas échéant, si M. X... avait donné son accord exprès à la collecte de cette donnée sensible, la chambre d'instruction n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour confirmer le non-lieu sur le fondement de l'article 226-18 du code pénal, les juges relèvent que l'intéressé a rempli et signé une déclaration de consentement reproduisant l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978, sur le caractère obligatoire ou facultatif des réponses, les conséquences d'un défaut de réponse, les destinataires des informations et l'existence d'un droit d'accès et de rectification ; qu'ils en déduisent que le questionnaire litigieux n'a pas été recueilli de manière déloyale ou sans information préalable suffisante ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 225-1, 225-2, 225-3 du code pénal, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de discrimination ;
" aux motifs que les dispositions de l'article 225-1 du code pénal visant les discriminations ont été successivement modifiées par les lois des 16 novembre 2001, 4 mars 2002, loi 2002-303, le 23 mars 2006, et le 6 Août 2012 ; qu'au 8 avril 2002, le texte de l'article susvisé était rédigé en ces termes, selon la loi alors applicable, soit la loi du 4 mars 2002 : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ; que l'article 225-2 du code pénal en vigueur au 8 avril 2002 était :
« La discrimination définie à l'article 225-1, commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste :
1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;
2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;
3° A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
4° A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ;
5° A subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ;
6° A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale » ; qu'il est ressorti de l'enquête confiée à la B. R. D. P. que les épreuves passées par M. X... étaient constituées de deux tests se présentant sous forme de QCM : le CGS ayant pour vocation de tester la culture générale des candidats et l'autre, appelé EAP1, permettant de déterminer l'adaptabilité à l'emploi du candidat par la détection d'éventuelles fragilités psycho-pathologiques, comportant 142 questions ; qu'à cela s'ajoutait un entretien d'une heure environ avec un officier, entretien à l'issue duquel était émis un avis sous la forme d'une mention très favorable, favorable, réservé ou défavorable ; qu'une éventuelle fragilité psychologique ne peut être assimilée ni à un état de santé, ni à un handicap, critères de discrimination retenu par le texte pénal applicable, que l'objectif du test incriminé était précisément de déterminer les aptitudes physiques, morales et psychiques d'un candidat à intégrer le corps de la gendarmerie nationale dans la perspective des missions qui pourront être confiées à tout gendarme sur le terrain ou dans le cadre d'une enquête, tout comportement inadéquat pouvant se révéler dangereux pour l'aspirant ou ses futurs collègues, ou pour le succès des opérations requises, cette appréciation de la part de la gendarmerie apparaissant nécessaire, légitime et appropriée pour procéder à un recrutement efficace et pertinent ; que dès lors, les éléments constitutifs de la discrimination ici visée ne sont pas rassemblés ; qu'en conséquence, l'ordonnance de non-lieu sera également confirmée de ce chef ;
" 1°) alors que constitue une discrimination, toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison notamment de leur état de santé ; qu'en décidant néanmoins qu'une éventuelle fragilité psychologique ne pouvait être assimilée à un état de santé, pour en déduire que la prise en considération de celle-ci ne pouvait caractériser une discrimination, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que constitue une discrimination, toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison, notamment, de leur état de santé, lorsque celui-ci n'a pas été médicalement constaté, et qui consiste en un refus d'embauche ; que M. X... soutenait que sa candidature avait été rejetée en raison de son état de santé supposé qui, en réalité, n'avait jamais été médicalement constaté ; qu'en se bornant à affirmer que l'appréciation d'une éventuelle fragilité psychologique ne constituait pas une discrimination dont avait été victime M. X..., dès lors que cette appréciation apparaissait nécessaire, légitime et appropriée pour procéder à un recrutement, sans rechercher si cette fragilité psychologique avait été constatée médicalement, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de discrimination, l'arrêt retient notamment que l'objectif du test incriminé était de déterminer les aptitudes physiques, morales et psychiques d'un candidat, à intégrer le corps de la gendarmerie nationale dans la perspective des missions pouvant être lui confiées sur le terrain ou dans le cadre d'une enquête, tout comportement inadéquat pouvant se révéler dangereux pour un aspirant ou ses futurs collègues, ou pour le succès des opérations requises, cette appréciation de la part de la gendarmerie apparaissant nécessaire, légitime et appropriée pour procéder à un recrutement efficace et pertinent ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des articles 225-1 et 225-2 du code pénal, dans leur version alors applicable ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.