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Décisions

Cass. crim., 3 mars 2015, n° 13-88.079

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocat :

Me Brouchot

Pau, du 21 nov. 2013

21 novembre 2013

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8824-1, L. 8221-1, alinéa 1 1°, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8824-3, L. 8224-4 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable d'exécution d'un travail dissimulé et l'a condamnée à une amende de 15 000 euros et à l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant cinq ans ;

"aux motifs que la SARL Top Futur avait été constituée le 09 août 2006 entre :
- M. Michel Y..., et son épouse Mme X..., à hauteur de 45 parts de 100 euros chacun,
- M. Claude Y... à hauteur de 5 parts de 100 euros,
- M. Dominique X... à hauteur de 5 parts de 100 euros ;
que M. Michel Y... était le gérant de droit de la société, jusqu'à son décès qui intervenait le 26 septembre 2012 ; qu'aux termes de l'article L. 8221-3 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
- soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin ou du Haut-Rhin, au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation,
- soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur ;
qu'en l'espèce, il ressort de l'ensemble des faits relatés, que les sociétés AD Futura et Lisa Consulting sont des fictions juridiques, "des coquilles vides" selon l'expression de Mme X... et que celle-ci a en fait réellement exploité ces sociétés, dont elle était l'associée unique et la gérante de droit, en France à Port de Lanne, où elle disposait des moyens nécessaires, local, personnel et matériel, lesquels se confondent en réalité avec les moyens d'exploitation de la SARL Top Futur, société à la gestion de laquelle elle participait pleinement de fait, puisqu'il a déclaré qu'elle vérifiait les factures entrantes et les règlements effectués, mais aussi qu'elle organisait bénévolement "le travail des filles", qu'elle s'occupait de la publicité, de la plate-forme web et qu'avec son mari, elle participait aux entretiens de recrutement des voyants ; que la cour relève au surplus que les ordinateurs portables sur lesquels étaient effectuées les opérations permettant d'affecter aux sociétés AD Futura et Lisa Consulting, les sommes perçues en règlement des prestations de voyance de Top Futur, ont été retrouvés, l'un au siège de cette société, l'autre au domicile personnel du couple, ce qui confirme l'implication étroite des deux époux dans la gestion de la société de voyance par téléphone ; qu'il résulte de l'enquête de gendarmerie et de la procédure de vérification fiscale menée par la brigade de contrôle et de recherche du centre des finances publiques de Dax, que Mme X... n'a jamais effectué pour les sociétés AD Futura et Lisa Consulting les formalités déclaratives auxquelles elle était tenue auprès du greffe du tribunal de commerce de Dax, compétent au regard du réel établissement principal stable en France, à Port de Lanne ; qu'elle ne s'est pas conformée aux obligations déclaratives dues pour ces sociétés à l'administration fiscale, notamment déclaration d'ouverture de premier établissement en France d'une personne morale ayant son siège à l'étranger, déclaration de bénéfice, déclaration d'existence précisant le lieu du principal établissement en France, déclaration de résultat imposable, déclaration en matière de TVA ; que du fait du caractère élaboré du montage technique auquel elle a pleinement participé et qui lui a permis de dissimuler une partie de l'activité de Top Futur au profit de AD Futura et Lisa Consulting, auxquelles les recettes de celle-là ont été transférées de façon occulte, l'élément intentionnel du délit est établi à son encontre ;

"alors qu'est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé par l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que durant la période de la prévention, entre janvier 2008 et septembre 2011, M. Michel Y... était le gérant de droit de la société Top Futur, jusqu'à son décès qui intervenait le 26 septembre 2012 et que Mme X... n'était que porteur de parts de la société ; qu'en imputant à Mme X... qui n'était pas gérante de la société Top Futur, d'avoir dissimulé une partie de l'activité de cette société au profit de AD Futura et Lisa Consulting, auxquelles les recettes de celle-là ont été transférées de façon occulte, et ainsi de s'être livrée à un travail dissimulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 36, 6 5°, 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, 226-20, 226-22-2 et 226-31 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et contradiction de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable d'avoir, de mai 2008 au 12 septembre 2011, conservé des informations nominatives sans accord de la CNIL, au-delà de la durée prévue par la demande d'avis ou de la déclaration préalable à la mise en oeuvre du traitement informatisé et l'a condamnée à une amende de 15 000 euros et à l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant cinq ans ;

"aux motifs que selon l'article 6 de la loi du 06 janvier 1978 modifiée, les données à caractère personnel sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ; qu'elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une période n'excédant pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées et l'article 226-20 du code pénal punit de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, le fait de conserver de telles données au-delà de cette durée, sauf si cette conservation est effectuée à des fins scientifique, historique ou statistique, dans les conditions prévues par la loi ; qu'en l'espèce, Mme X... verse aux débats le récépissé de la déclaration simplifiée n° 48, faite à la CNIL par Top Futur, de nature à permettre la conservation de données relatives aux transactions, aux moyens de paiement, à la situation familiale, économique et financière de la clientèle, au règlement des factures, pendant la durée strictement nécessaire à la gestion de la relation commerciale ;que cependant, la perquisition opérée par les gendarmes à Port de Lanne le 12 septembre 2009, a permis de retrouver, non seulement des noms de clients, numéros de téléphone, numéros de cartes bleues avec les dates d'expiration, mais aussi les cryptogrammes, dont les données ne peuvent être utilisées et conservées que pour le strict besoin et pendant le temps d'une transaction déterminée, mais ne doivent pas être stockées ; qu'en conséquence, l'élément matériel de l'infraction de conservation illégale de données (cryptogrammes de cartes bancaires) est établi et par infirmation partielle du jugement attaqué, Mme X..., qui gérait de fait la société Top Futur et a agi en connaissance de cause avec son époux, aujourd'hui défunt, en sera déclarée coupable ;

"1°) alors que seule la société qui a conservé des informations nominatives sans accord de la CNIL, au-delà de la durée prévue par la demande d'avis ou de la déclaration préalable à la mise en oeuvre du traitement informatisé ou son dirigeant social peuvent être déclarés coupables de ce chef ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que durant la période de la prévention, entre janvier 2008 et septembre 2011, M. Michel Y... était le gérant de droit de la société Top Futur, jusqu'à son décès intervenu le 26 septembre 2012 et que Mme X... n'était que porteur de parts de la société ; qu'en imputant à Mme X... qui n'était pas gérante de la société Top Futur, d'avoir conservé des informations nominatives sans accord de la CNIL, au-delà de la durée prévue par la demande d'avis ou de la déclaration préalable à la mise en oeuvre du traitement informatisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que le seul fait de détenir « des noms de clients, numéros de téléphone, numéros de cartes bleues avec les dates d'expiration, mais aussi les cryptogrammes, dont les données ne peuvent être utilisées et conservées que pour le strict besoin et pendant le temps d'une transaction déterminée, mais ne doivent pas être stockées », en l'absence de toute mention de la mise en oeuvre d'un fichier informatisé, ne caractérise pas le délit de conservation des informations nominatives sans accord de la CNIL, au-delà de la durée prévue par la demande d'avis ou de la déclaration préalable à la mise en oeuvre du traitement informatisé ; qu'en décidant le contraire en l'absence des constatations de fait caractérisant l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a établi la participation personnelle de la prévenue aux faits poursuivis, a, sans insuffisance ni contradiction caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle l'a déclarée coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;