Cass. 3e civ., 7 avril 2016, n° 15-10.881
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Abgrall
Avocat général :
M. Kapella
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boutet-Hourdeaux
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (Civ 1re , 20 septembre 2012, pourvoi n° 11-14.546), que, par acte du 10 juin 2002, la société civile immobilière Capimmo (la SCI) a vendu divers lots de copropriété à la société Cime en formation (la SARL), représentée par ses deux associés fondateurs ; qu'invoquant le fait que la superficie réelle des locaux vendus était inférieure de plus d'un vingtième à celle figurant dans l'acte, la SARL a, par acte du 4 juin 2003, assigné la SCI en réduction de prix ; qu'un jugement du 13 janvier 2009 a déclaré cette demande irrecevable au motif que la SARL ne démontrait pas qu'elle avait acquis la qualité d'acquéreur avant l'extinction du délai de déchéance prévu par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 , faute de rapporter la preuve, selon les modalités prévues par l'article 1328 du code civil, de la date du procès-verbal d'assemblée générale de reprise des actes accomplis pendant sa période de formation, qu'elle a produit, portant la date du 31 octobre 2002 ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de déclarer la SARL recevable en son action en diminution du prix, alors, selon le moyen :
1°/ que la société Cime se bornait, dans ses écritures d'appel, à faire valoir que l'acte de reprise des engagements des associés par une société était déclaratif et n'avait pas à être publié pour être opposable aux tiers ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'effet rétroactif de l'engagement de reprise, qui aurait conféré la qualité de propriétaire ab initio à la société Cime et rendu indifférent le fait de s'interroger sur la date de la délibération des associés valant reprise de leurs engagements, sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que la déchéance du droit d'agir résultant de l'écoulement d'un délai de forclusion doit être appréciée à la date d'expiration dudit délai de forclusion, sans pouvoir faire l'objet d'une régularisation a posteriori ; que le délai préfix prévu à peine de déchéance par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, qui impose au propriétaire d'un bien immobilier d'introduire son action en diminution du prix de vente dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique, n'est susceptible d'aucune prolongation et suppose que la partie qui a introduit son action dans ce délai ait eu la qualité d'acquéreur à la date d'introduction de l'instance, ou à tout le moins qu'elle ait acquis cette qualité avant l'expiration du délai de déchéance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que par l'effet de la reprise des engagements résultant d'une délibération d'assemblée générale – dont la date était expressément contestée par la société Capimmo qui soutenait qu'elle était intervenue plusieurs années après l'expiration du délai de forclusion – la société Cime aurait repris l'engagement résultant de la vente du 10 juin 2002 et aurait été, par le jeu de la rétroactivité attachée à cette reprise, réputée propriétaire de l'immeuble ab initio, en sorte qu'il aurait été indifférent de s'interroger sur la date de cette reprise ; qu'en statuant ainsi, cependant que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion du droit d'agir devait s'apprécier à la date d'expiration du délai, le 10 juin 2003, sans pouvoir faire l'objet d'une régularisation ultérieure, et que la cour d'appel avait donc l'obligation de déterminer la date réelle de reprise des engagements par la société Cime pour établir si celle-ci avait bien acquis la qualité de propriétaire avant l'expiration dudit délai de forclusion, le 10 juin 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble les articles 122 et 126 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était pas contesté que la SARL, régulièrement immatriculée, avait repris l'engagement résultant de la vente du 10 juin 2002 par une délibération de ses associés, la cour d'appel, qui n'a pas violé le principe de la contradiction, en a exactement déduit que peu importait la date de la délibération dès lors que, par l'effet rétroactif de cette reprise, la SARL était réputée propriétaire de l'immeuble à l'égard des tiers et de la SCI depuis l'origine de la vente le 10 juin 2002 et justifiait avoir qualité pour agir en diminution de prix le 4 juin 2003 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.