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Décisions

CA Paris, 3e ch. C, 2 février 2001, n° 2000/09156

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chevrier (ès qual.)

Défendeur :

Maury Imprimeur (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albertini

Conseillers :

Mme Lejan, M. Pimoulle

Avoués :

SCP Mira-Bettan, SCP Arnaudy-Baechlin

Avocats :

Me Flageul Rigolet, Me Moulet

T. com. Paris, 16e ch., du 27 mars 2000 …

27 mars 2000

Vu l’appel interjeté par Maître Antoine Chevrier, liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Editions Consulaires, du jugement, rendu le 27 mars 2000 par le tribunal de commerce de Paris, qui dit que ce n’est pas en fraude des droits des créanciers de la procédure collective que la société Mamy Imprimeur a procédé à la publicité et à la vente directe des encyclopédies et qu’elle n’a pas abusé d’un droit de rétention, d’ailleurs non invoqué au cours de la procédure, déboute Maître Chevrier, ès qualités, de toutes ses demandes en principal, le condamne à verser à la société Maury Imprimeur la somme de 7.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, déboute les parties de leurs autres demandes.

Vu les dernières conclusions déposées le 7 septembre 2000 pour Maître Chevrier, ès qualités, qui demande à la cour de réformer cette décision, et statuant à nouveau, au visa de l’article 159 alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1985, constater que c’est en fraude des droits des créanciers de la procédure collective que la société Maury Imprimeur a procédé à la publicité et à la vente directe des encyclopédies Eurodélices pour le prix de “1.8000 francs” TTC, abusant ainsi de son droit de rétention sur lesdits biens, constater que la seule existence d’un droit de rétention ne permet pas au créancier rétenteur de réaliser son gage sans autorisation, faire, en conséquence, interdiction à la société Maury Imprimeur de vendre les ouvrages Eurodélices sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée, à compter du prononcé de l’arrêt, ordonner la publication de la décision à intervenir, ordonner une mesure d’expertise pour chiffrer les préjudices subis par les créanciers de la procédure collective, condamner la société Maury Imprimeur à payer à Maître Chevrier, ès qualités, une somme provisionnelle de 500.000 francs à valoir sur lesdits préjudices ainsi qu’une somme de 15.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 7 novembre 2000 par la société Maury Imprimeur, intimée, qui sollicite la confirmation du jugement déféré et le paiement de la somme de 21.000 francs au titre de ses frais non taxables.

SUR CE, LA COUR

Considérant que par contrat du 12 septembre 1993, Messieurs Rouche et Bellahssen, coauteurs d’une encyclopédie dénommée Eurodélices, ont concédé les droits d’édition et de distribution à la société Editions Consulaires laquelle confiait les travaux d’imprimerie à la société Maury Imprimeur;

Considérant qu’en mars 1995, la société Editions Consulaires a commandé à la société Maury Imprimeur l’impression de 10.000 ouvrages; qu’en exécution de cette commande, la société Maury imprimeur a d’abord livré 4.672 collections, lesquelles ont été revendues par les Editions Consulaires;

Considérant que la facture totale d’un montant de 5.561.171 francs ayant fait l’objet d’un échéancier non respecté et n’ayant été honorée qu’à concurrence de 1.217.744 francs, la société Mamy Imprimeur a refusé de livrer les 5028 collections restantes;

Considérant qu’après échec des négociations tentées entre les parties sur les modalités du paiement du solde de la créance, le président du tribunal de commerce d’Orléans, saisi en référé, par la société Editions Consulaires, a, par ordonnance en date du 24 octobre 1996, débouté celle-ci de sa demande tendant à voir contraindre la société Maury à lui livrer le reste des collections et l’a condamnée au paiement d’une provision de 4.042.903 francs à valoir sur les factures impayées;

Considérant que par jugement du 26 novembre 1996, le tribunal de commerce de Paris a ouvert à l’égard de la société Editions Consulaires une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire le 11 mars 1997;

Considérant que faisant grief à la société Maury Imprimeur d’avoir abusé de son droit de rétention et procédé, en fraude des droits des créanciers de la procédure collective, à la publicité et à la vente des ouvrages restés en sa possession, Maître Chevrier a assigné cette société pour lui voir interdire de poursuivre cette vente et obtenir dédommagement des préjudices subis par les créanciers de la procédure collective;

Considérant que par le jugement déféré, le tribunal a écarté ces demandes;

Considérant qu’à l’appui de son recours, Maître Chevrier soutient que la poursuite d’activité de la société débitrice dont l’activité unique était la fabrication et la commercialisation de la dite encyclopédie, était conditionnée par la récupération des stocks retenus par la société Maury Imprimeur; qu’il prétend que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, c’est bien en vertu d’un droit de rétention que la société Maury Imprimeur a pris la décision de ne pas livrer les marchandises, propriété des Editions Consulaires, et que ce simple droit de rétention, qui n’est pas une sûreté assimilable au gage, ne lui permettait pas de s’approprier les ouvrages retenus et de procéder directement à leur vente; que selon l’appelant, en agissant con-une elle l’a fait, par abus de droit, la société Maury Imprimeur a causé préjudice à la procédure collective ajoutant que son refus de négocier a été directement à l’origine de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et de sa conversion en liquidation judiciaire;

Mais considérant que la société Maury Imprimeur qui n’obtenait pas le paiement de l’ensemble des marchandises commandées a, de fait et comme elle en avait le droit en vertu de l’article 119 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l’article L. 621-120 du code de commerce, exercé son droit de rétention sur celles restées en sa possession;

Considérant qu’il appartenait alors à Maître Henri Chriqui administrateur judiciaire, en application de l‘article 33 alinéa 3 de la loi précitée, devenu l’article L. 621-24 du code de commerce, de demander l’autorisation au juge-commissaire de payer la créance antérieure au jugement pour retirer la chose légitimement retenue et nécessaire à la poursuite d’activités; que cette même faculté existait au profit du liquidateur, en application de l’article 159 alinéa 1 de la même loi, devenu l’article L. 622-21 du code de commerce;

Or considérant que Maître Chriqui et Maître Chevrier, qui ne détenaient pas les fonds nécessaires pour s’acquitter des sommes restant dues à la société Maury Imprimeur, n’ont pas procédé de cette façon; que Maître Chriqui a seulement tenté de négocier des délais de paiement et une réduction du prix;

Considérant qu’il est constant et non contesté que la vente des ouvrages était assortie d’une clause de réserve de propriété et que la société Maury Imprimeur, non réglée du prix des 5.028 collections litigieuses, en est demeurée propriétaire; qu’en outre, et dès lors qu’elle en avait conservé la possession, elle n’était pas soumise à la procédure de revendication;

Considérant dans ces circonstances qu’il ne peut être utilement fait grief à la société Maury Imprimeur d’avoir, alors qu’il n’est pas contesté qu’elle avait obtenu renonciation des auteurs à leur droit de préemption, procédé, à la publicité et à la vente d’ouvrages dont elle n’a jamais perdu la propriété;

Considérant enfin qu’il ne saurait lui être utilement reproché d’avoir commis une faute en refusant la livraison des collections et d’être ainsi responsable de la déconfiture de la société Editions Consulaires alors même qu’elle n’était tenue à aucune obligation d’accepter des propositions de règlement échelonné et incomplet;

d’où il suit que le jugement déféré qui a débouté Maître Chevrier, ès qualités, de toutes ses demandes, doit être confirmé;

Considérant que l’équité commande d’allouer à l’intimée en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile la somme de 15.000 francs qui s’ajoutera à celle déjà accordée sur ce même fondement par les premiers juges;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant:

Condamne l’appelant, ès qualités, à payer à la société Maury Imprimeur la somme de 15.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Le condamne également aux dépens d’appel et admet la société civile professionnelle Arnaudy & Baechlin, avoué, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code.