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Décisions

Cass. com., 20 avril 2017, n° 15-16.922

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Paris, du 19 déc. 2014

19 décembre 2014

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 27 avril 2011, pourvoi n° 09-13.524) que la société de droit italien Telecom Italia a, par un contrat conclu à Rome le 30 juillet 1999, commandé du matériel de télécommunication à la société de droit français CS Telecom ; que, le 15 septembre 1999, la société Crédit lyonnais (le Crédit lyonnais), agissant en qualité de chef de file d'un groupement bancaire, a consenti à la société CS Télécom une ouverture de crédit, en garantie de laquelle cette société s'est engagée à lui céder, dans les formes et conditions prévues par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, les créances qu'elle détenait sur sa clientèle ; que, le 4 avril 2000, la société CS Télécom a conclu avec une autre société de droit italien, la société Urmet, une convention dite de sous-traitance pour la fabrication du matériel commandé, qui stipulait que "la conclusion et l'interprétation du présent contrat seront soumis au droit suisse" ; que, le 30 janvier 2001, le Crédit lyonnais, en sa qualité de chef de file du groupement bancaire, a consenti à la société CS Telecom un second concours, sous forme de mobilisation de créances nées à l'export sur la société Telecom Italia, par bordereaux Dailly, réglés en partie ; que le matériel commandé ayant été fabriqué et livré, la société CS Telecom, qui ne s'était pas acquittée du prix, a, le 9 avril 2001, autorisé la société Urmet à se faire payer directement par la société Telecom Italia ; que, le 30 avril 2001, le Crédit lyonnais, toujours en sa qualité de chef de file du groupement bancaire, a notifié à la société Telecom Italia la cession de créances que lui avait consentie la société CS Telecom ; que cette dernière ayant été mise en redressement judiciaire le 2 mai 2001, la société Urmet et le Crédit lyonnais ont déclaré leurs créances respectives ; que la société Urmet a assigné les sociétés Telecom Italia et CS Telecom, les organes de la procédure collective de cette dernière, ainsi que le Crédit lyonnais, aux fins de voir dire que la société Telecom Italia devait s'acquitter directement entre ses mains des factures résultant du contrat du 4 avril 2000 et que les cessions de créance que la société CS Telecom avait consenties aux banques lui étaient inopposables ;

Attendu que la société Urmet fait grief à l'arrêt de condamner la société Telecom Italia à payer au Crédit lyonnais, en sa qualité de chef de file du groupement bancaire, la somme de 4 103 180,50 euros correspondant au total des cessions de créances pour 3 479 228 euros, majoré des intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2001, dans la limite de la somme dont la société Telecom Italia s'était reconnue débitrice, soit la somme de 4 103 180,50 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la localisation en France de l'établissement principal de l'entrepreneur principal, ayant conclu un contrat de sous-traitance industrielle, et de celui des organismes auxquels il a cédé certaines de ses créances constitue un lieu de rattachement justifiant l'application de la loi de police du 31 décembre 1975, en ses dispositions relatives qui limitent la faculté pour l'entrepreneur principal de céder ou nantir des créances du marché ou du contrat passé avec le maître de l'ouvrage, destinées à protéger le droit du sous-traitant à obtenir directement le paiement des travaux qu'il a réalisés auprès du maître de l'ouvrage, en lui rendant inopposables les cessions consenties en méconnaissance de ses droits ; qu'en retenant néanmoins que ni la localisation du siège social de la société CS Telecom, entrepreneur principal, ni le fait que son financement soit assuré par des banques françaises, ne suffisaient à caractériser un lien de rattachant à la France justifiant l'application de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 comme une loi de police, pour en déduire que la société Urmet, sous-traitante, pouvait se voir opposer les cessions de créances consenties par l'entrepreneur principal aux banques françaises en méconnaissance des dispositions de cette loi, la cour d'appel a violé l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble les articles 3 du code civil et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

2°/ que la localisation en France de l'établissement principal de l'entrepreneur principal, ayant conclu un contrat de sous-traitance industrielle, constitue un lieu de rattachement à la France justifiant l'application de la loi de police du 31 décembre 1975, en ses dispositions consacrant le droit du sous-traitant d'obtenir directement le paiement des travaux qu'il a réalisés auprès du maître de l'ouvrage, si l'entrepreneur principal est défaillant ; qu'en retenant néanmoins que ni la localisation du siège social de la société CS Telecom, entrepreneur principal, ni le fait que son financement soit assuré par des banques françaises, ne suffisaient à caractériser un lien de rattachant à la France justifiant l'application de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 comme une loi de police, pour en déduire que la société Urmet, sous-traitante, ne pouvait se prévaloir du bénéfice de l'action directe, la cour d'appel a violé l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, ensemble les articles 3 du code civil et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que l'application de la loi française du 31 décembre 1975 à la situation litigieuse suppose de caractériser l'existence d'un lien de rattachement de l'opération avec la France au regard de l'objectif de protection des sous-traitants poursuivi par l'article 13-1 et qu'à cette condition, le sous-traitant étranger ayant contracté avec une société française bénéficie de la même protection que le sous-traitant français, l'arrêt retient que ni la circonstance que le recours à la société Urmet ait permis à la société de droit français CS Telecom, dont le siège social est situé à Paris, de remplir ses obligations et de recevoir en contrepartie le paiement de ses factures, ni le fait que le financement de cette société soit assuré par des banques françaises ne suffisent à caractériser l'existence d'un tel lien dès lors que le financement de l'entrepreneur principal et la satisfaction de ses objectifs économiques ne répondent pas au but de cet article ; qu'il retient encore que la situation, sur le territoire français, du siège social de l'entreprise principale, ne constitue pas un critère suffisant ; qu'il retient enfin que l'Italie est, au premier chef, le pays bénéficiaire économique de l'opération de sous-traitance, les terminaux ayant été fabriqués sur le territoire italien par les ingénieurs d'Urmet et installés sur les réseaux italiens de la société Telecom Italia ; que, de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'en l'absence de tout autre critère de rattachement à la France qui soit en lien avec l'objectif poursuivi, tels que le lieu d'établissement du sous-traitant, mais également le lieu d'exécution de la prestation ou la destination finale des produits sous traités, lesquels sont tous rattachés à l'Italie, la condition du lien de rattachement à la France, exigée pour faire, conformément à l'article 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, une application immédiate à l'opération litigieuse des dispositions de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, et, pour les mêmes motifs, de l'article 12 de la même loi, n'est pas remplie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.