Cass. 3e civ., 25 février 2009, n° 07-20.096
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cachelot
Rapporteur :
M. Pronier
Avocat général :
M. Bruntz
Avocats :
Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Le Bret-Desaché
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Generali Belgium assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2007), que la société Saint-Louis sucre a, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Serete Industries, aux droits de laquelle se trouve la société Jacobs Serete, entrepris d'importants travaux de modernisation de son usine ; que, par un marché du 2 août 1995, la société Saint-Louis sucre a confié l'étude, la fabrication, la fourniture et les essais de mise en route de l'installation d'évaporation à la société de droit allemand Wiedermann KG, laquelle a, par un contrat du 27 septembre 1995, sous-traité la fabrication de 3 évaporateurs à la société de droit belge Lodewijckx ; que, non réglée du solde de son marché, la société Lodewijckx a mis en demeure, le 25 novembre 1996, la société Widermann KG de lui payer la somme de 610 979 DM ; que le même jour, la société Lodewijckx s'est prévalue de l'action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage ; que la société Lodewijckx a été déclarée en faillite par un jugement du tribunal de commerce de Turnhout (Belgique) du 16 juillet 1998, qui a désigné curateurs M. X... et M. Y...; que des désordres étant apparus lors de la première campagne d'utilisation, une expertise a été ordonnée ; qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert, deux protocoles transactionnels ont été signés le 11 septembre 2000 par lesquels la société Saint-Louis sucre a réglé avec la société Wiedermann KG et la société Jacobs Serete les conséquences pécuniaires des désordres constatés et réparés en cours d'expertise ; que la société Lodewijckx a assigné la société Wiedemann KG et la société Saint-Louis sucre en paiement des sommes restant dues ; que la société Wiedemann KG a assigné la société Lodewijckz et son assureur pour voir compenser les sommes qu'elle devrait encore avec celles versées à la société Saint-Louis sucre au titre des désordres ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Saint-Louis sucre fait grief à l'arrêt de dire que la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est applicable au contrat liant la société Wiedemann KG à la société Lodejwickx alors, selon le moyen, que la loi de police au sens des articles 3 du code civil et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles s'applique, sans considération de la loi désignée par l'article 3 de cette Convention, si est caractérisé un lien significatif de rattachement à l'Etat qui l'a édictée au regard du but recherché ; que s'agissant de la fourniture par un sous-traitant d'un produit simplement destiné à une installation en France, pour un maître d'ouvrage français lié à l'entrepreneur principal par un contrat soumis au droit français, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du paiement du sous-traitant, ne pouvant s'imposer à titre de loi de police au sens des dispositions combinées de l'article 3 du code civil et des articles 3 et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ; qu'en admettant néanmoins que la société de droit belge Lodewijckx, établie en Belgique, où se trouvaient ses ateliers, exerce contre le maître de l'ouvrage français une action directe en paiement des sommes que lui devait la société de droit allemand Wiedemann KG, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'ensemble des textes susvisés ;
Mais attendu que s'agissant de travaux de modernisation d'un immeuble à usage industriel situé en France, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police au sens des dispositions combinées de l'article 3 du code civil et des articles 3 et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; qu'ayant relevé que si la loi allemande était applicable au contrat de sous-traitance, ce contrat présentait néanmoins un lien étroit avec la France dès lors que le produit fourni était destiné à une installation située en France, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit qu'en application de l'article 7.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, était applicable à ce contrat, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le premier moyen du pourvoi provoqué, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu, sans se contredire, que la lettre de commande du 27 septembre 1995, seule pièce contractuelle signée des deux parties, excluait expressément des prestations incluses dans le prix les frais de montage et de transport et que le fait que ces prestations avaient été initialement envisagées comme étant à la charge de la société Lodewijckx était sans emport en présence d'une mention expresse les excluant dans la commande écrite, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen du pourvoi provoqué, ci-après annexé :
Attendu que la société Wiedemann KG n'ayant pas soutenu que le droit allemand et les stipulations contractuelles mettaient à la charge du débiteur les pénalités de retard, dès lors que celui-ci était caractérisé, sans qu'il soit besoin d'aucune autre condition, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
Attendu que pour condamner la société Saint-Louis sucre, in solidum avec la société Wiedemann KG, à payer la somme de 152.449,02 euros à M. Y..., pris en sa qualité de curateur à la faillite de la société Lodewijckx, l'arrêt retient que par lettre recommandée du 25 novembre 1996 la société Lodewijckx a informé la société Saint-Louis sucre qu'elle exerçait à son encontre l'action directe prévue par le Titre III de la loi du 31 décembre 1975, pour un montant de 610 979 DM ; que cette lettre était accompagnée de la copie de la mise en demeure de payer adressée le même jour par la société Lodewijckx à la société Wiedemann KG, que par deux lettres recommandées du 9 décembre 1996, la société Saint-Louis sucre a, d'une part, répondu à la société Lodewijckx qu'elle "prenait note de son opposition sur les sommes que la société Saint-Louis sucre resterait devoir à la société Wiedemann KG" et qu'elle ne pourrait se substituer à cette dernière "pour la totalité de votre opposition, sachant que les sommes restant dues à Wiedemann KG s'élèvent à ce jour à 1 000 000 francs et constituent des termes de paiement de garantie libérables à la fin des travaux", d'autre part, informé la société Wiedemann KG qu'elle "suspendait les règlements restant à courir, à la suite de l'opposition faite entre nos mains par votre sous-traitant la société Lodewijckx" et qu'il s'évince de ces courriers que la société Saint-Louis sucre, qui n'a discuté ni l'existence de la sous-traitance, ni la matérialité des travaux exécutés, a manifesté son intention non équivoque d'accepter la société Lodejwickx et d'accueillir son action directe, dans la limite des sommes dues à l'entrepreneur principal ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter le sous-traitant et sans relever aucun acte manifestant sans équivoque sa volonté d'agréer les conditions de paiement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Saint-Louis sucre, in solidum avec la société Wiedemann KG, à payer la somme de 152 449,02 euros à M. Y..., pris en sa qualité de curateur à la faillite de la société Lodewijckx, l'arrêt rendu le 27 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.