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Décisions

Cass. com., 10 juin 2020, n° 18-16.441

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Rapporteur :

Mme Darbois

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Avocat général :

M. Debacq

Paris, pôle 5 ch. 2, du 2 mars 2018

2 mars 2018

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 18-16.441 et G 18-20.733 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2018), le 5 avril 2011, MM. L. alias Z., Fabrice A. alias F., Jason A. alias M. et S. alias N. (les artistes), membres de l'ensemble musical S'Crew, ont signé un contrat d'artistes avec une structure dénommée Yonéa et Will L'Barge, alias, respectivement, de MM. F. et M., lesquels ont fondé ultérieurement la société Y & W, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 13 septembre 2011. M. Z. alias M. était également membre du groupe S'Crew mais l'a quitté début 2012.

3. Les artistes ont constitué, le 21 février 2013, leur propre société de production, la société Seine Zoo, qui a conclu avec la société Universal Music France (la société Universal Music) des contrats de licence d'exploitation portant sur les enregistrements de M. S. et du groupe S'Crew.

4. Ayant constaté que des morceaux de musiques enregistrés en 2011 par le groupe étaient mis en ligne sur le site YouTube en 2013, en vue de faire la promotion d'un album à paraître sous licence Universal Music, la société Y & W a assigné les artistes en contrefaçon de ses droits de producteur ainsi que la société Seine Zoo et la société Universal Music en concurrence déloyale, en présence de M. Z.. La société d'édition musicale et de production phonographique Because Music, invoquant un contrat conclu le 17 novembre 2011 avec la société Y & W, portant notamment sur des titres du groupe S'Crew, est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, du pourvoi n T 18-16.441 et le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, du pourvoi n G 18-20.733, rédigés en des termes identiques, réunis, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur ces moyens, pris en leurs première, deuxième et sixième branches, rédigés en des termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Y & W et Because Music font grief à l'arrêt de dire que les artistes et M. S. ne sont pas engagés vis-à-vis de la société Y & W aux termes des contrats signés le 5 avril 2011 et que la société Y & W ne justifie pas de sa qualité de producteur sur quelque titre que ce soit du groupe S'Crew ou de M. S., de débouter la société Y & W de l'intégralité de ses demandes et d'interdire, sous astreinte, aux sociétés Y & W et Because Music d'exploiter directement ou indirectement différents titres musicaux alors :

« 1°/ que la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation peut résulter, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés, sauf clause contraire des statuts ; qu'en retenant en l'espèce que, faute d'avoir fait l'objet d'une reprise lors de la constitution de la société, par les statuts ou par acte séparé concomitant, les contrats d'artiste du 5 avril 2011 n'avaient pu être valablement repris par la société Y & W, en dépit de la délibération prise en ce sens, à la majorité des associés, par l'assemblée générale extraordinaire du 1 mars 2016, la cour d'appel a violé l'article 6 du décret n 78-704 du 3 juillet 1978, ensemble les articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce ;

2°/ qu'est rétroactive la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation résultant, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés ; qu'en retenant en l'espèce qu'en toute hypothèse, la reprise par la société Y & W des contrats d'artiste du 5 avril 2011, résultant de la décision prise à la majorité des associés postérieurement à son immatriculation, « n'aurait pu avoir d'effet que pour l'avenir », « dès lors qu'aucune rétroactivité n'était stipulée », la cour d'appel a violé l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, ensemble les articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce ;

3°/ qu'une société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits par les personnes ayant agi en son nom avant son immatriculation ; qu'en jugeant que la société Y & W n'avait pu valablement reprendre les contrats du 5 avril 2011, dès lors que ceux-ci avaient été conclus par une société en formation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, après avoir constaté que la société Y & W n'avait été inscrite au registre du commerce et des sociétés que le 13 septembre 2011, l'arrêt retient qu'elle n'avait pas la personnalité morale au jour des contrats litigieux, de sorte qu'elle n'avait pas la capacité de contracter. Il relève ensuite qu'il n'est ni mentionné aux contrats, ni allégué ultérieurement que les deux personnes physiques signataires, MM. F. et M. ont agi « au nom » ou « pour le compte » de la société Y & W en formation. La cour d'appel en a exactement déduit que l'assemblée générale extraordinaire de la société Y & W du 1 mars 2016 n'avait pas pu régulariser un contrat conclu par une société sans personnalité morale.

8. En second lieu, la cour d'appel ayant retenu que les contrats litigieux avaient été conclus par une société dépourvue de personnalité morale, les griefs des première et deuxième branches, qui reposent sur le postulat erroné que les contrats ont été conclus au nom ou pour le compte de la société, sont inopérants.

9. Par conséquent, le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.