Cass. mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schmelck
Rapporteur :
M. Roche
Avocat général :
M. Toubas
Avocats :
Me Le Bret, Me Coulet, Me Ryziger
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que la société Grouvel-Arquembourg, à qui la Société des Ateliers de Construction Schwartz Haumont avait, en septembre 1975, sous-traité des travaux de construction d'un ensemble immobilier, a, après la mise en règlement judiciaire de l'entrepreneur principal, exercé contre la Société de Gestion Immobilière, maître de l'ouvrage, l'action directe instituée par la loi du 31 décembre 1975, en vue d'obtenir paiement du solde de ses travaux ; Attendu que le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 1979) d'avoir déclaré cette action recevable, alors qu'ils avaient un droit acquis au maintien de la situation contractuelle, ne comportant pas une telle action, créée antérieurement à l'entrée en vigueur de ladite loi ;
Mais attendu que l'action directe instituée par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 trouve son fondement dans la volonté du législateur et non dans les contrats conclus entre les parties, contrats desquels il n'était résulté pour elles aucun droit acquis ; que, l'article 2 du Code civil ne faisant pas obstacle à l'application immédiate des lois nouvelles, aux situations juridiques établies avant leur promulgation si elles n'ont pas encore été définitivement réalisées, la Cour d'appel a exactement décidé que l'action directe était ouverte au sous-traitant dès l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1975, bien que le contrat de sous-traitance eût été conclu antérieurement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal reprochent à l'arrêt d'avoir décidé que l'exercice de l'action directe du sous-traitant n'était pas subordonné à l'observation par l'entrepreneur principal de l'obligation de faire accepter le sous-traitant par le maître de l'ouvrage et de faire agréer les conditions de paiement du contrat de sous-traitance, alors que l'exercice de l'action directe est subordonné à l'acceptation et à l'agrément du maître de l'ouvrage, qui a le pouvoir de les refuser, et alors que ces conditions ont un caractère substantiel ;
Mais attendu, d'une part, que si, en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975, les sous-traitants n'ont une action directe contre le maître de l'ouvrage que si celui-ci a accepté chaque sous-traitant et agréé les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance, ce texte n'exige pas que l'acceptation et l'agrément soient préalables ou concomitants à la conclusion du contrat de sous-traitance ; que, devant les juges du fond, la Société de Gestion Immobilière, maître de l'ouvrage, s'était bornée à contester l'étendue de ses obligations vis-à-vis du sous-traitant en soutenant qu'elle n'était débitrice d'aucune somme envers l'entrepreneur principal ; qu'à son égard le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, que si le maître de l'ouvrage peut opposer au sous-traitant l'absence de l'acceptation et de l'agrément prévus par la loi, il n'en est de même, ni de l'entrepreneur principal qui a manqué à son obligation de faire accepter le sous-traitant et agréer les conditions de paiement du contrat de sous-traitance, ni des créanciers de cet entrepreneur ; D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il concerne l'assiette de l'action directe, et le troisième moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que la Société de Gestion Immobilière reproche à l'arrêt d'avoir modifié la mission de l'expert commis par le tribunal, alors que l'action directe est limitée au montant du solde, apprécié dans son ensemble, dû par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal du chef du marché principal ; que la société Schwartz Haumont fait grief à l'arrêt d'avoir reconnu au sous-traitant le droit d'obtenir du maître de l'ouvrage paiement des travaux qu'il avait réalisés, bien que ces Travaux aient déjà été payés à l'entrepreneur principal, alors que l'action directe ne porte que sur les sommes dues par le maître de l'ouvrage pour les travaux effectués par le sous-traitant, qu'un tel paiement faisait obstacle à l'action directe, et qu'il appartenait à la Cour d'appel de rechercher si les travaux effectués par le sous-traitant avaient été payés à l'entrepreneur principal ;
Mais attendu que le dispositif de l'arrêt et celui du jugement qu'il confirme partiellement ne contiennent aucun chef de décision relatif à l'assiette de l'action directe, et se bornent, sur ce point, à ordonner une expertise ; que le moyen est irrecevable en l'état, par application des dispositions de l'article 150 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal en ce qu'il concerne la condamnation du maître de l'ouvrage au paiement d'une provision :
Attendu que la Société de Gestion Immobilière fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une provision au sous-traitant, sans relever préalablement l'existence d'une créance de l'entrepreneur principal sur le maître de l'ouvrage ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, pour prétendre n'être pas débitrice de la société Schwartz Haumont, la Société de Gestion Immobilière invoque une créance réparatrice de malfaçon et d'indemnités de retard qui, à la date de réception de la copie de la mise en demeure, n'était déterminée ni dans son principe ni dans son étendue, et que cette société ne justifie pas avoir engagé une action en indemnisation contre la société Schwartz-Haumont ; que la Cour d'appel a pu en déduire qu'il y avait lieu d'allouer au sous-traitant une provision dont elle a souverainement fixé le montant ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette les pourvois formés contre l'arrêt rendu le 21 décembre 1979 par la Cour d'appel de Paris, entre les parties.