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Décisions

Cass. 3e civ., 4 juillet 2001, n° 99-20.667

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Philippot

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

SCP Boré, Xavier et Boré, SCP Monod et Colin

Aix-en-Provence, 1re ch. A, du 10 sept. …

10 septembre 1999

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 1999) statuant sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 13 mars 1996, B n° 70 P), que, par acte du 22 mars 1989, Mme A..., propriétaire d'un immeuble à usage commercial donné à bail à M. Y..., a vendu ce bien à la société civile immobilière du Bousquet (SCI), société en formation représentée par M. X..., le gérant ; que la venderesse en a avisé son locataire le 23 mars 1989 ; que ce même jour, la SCI a délivré un congé avec refus de renouvellement du bail à M. Y... qui de son côté a notifié à Mme A... une demande de renouvellement du bail ; que l'immatriculation de la SCI a eu lieu le 11 avril 1989 ; que le 27 octobre 1989, M. Y... a assigné Mme A..., aux droits de laquelle viennent ses héritiers les consorts A..., la SCI et M. X... pour faire juger l'acte de vente inexistant, valider son offre de renouvellement du bail, constater le renouvellement du bail faute par Mme A... d'avoir fait connaître ses intentions dans le délai de trois mois et dire sans effet le congé délivré par la SCI ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de la vente passée le 22 mars 1989 et de dire que Mme A... a aliéné valablement sa propriété sur l'immeuble à cette date, alors, selon le moyen :

1°) que la vente conclue au profit d'une personne morale dépourvue de la personnalité juridique, agissant par l'intermédiaire de son gérant, est nulle en raison de l'inexistence d'une partie ; qu'en l'espèce, M. Y... soutenait dans ses conclusions d'appel que la vente avait été conclue au profit de la SCI Bousquet, dépourvue de la personnalité juridique, par l'intermédiaire de M. X..., agissant expressément "en sa qualité de gérant de ladite société" soit en qualité de gérant d'une société inexistante et que cette vente était donc nulle ; qu'en énonçant que la demande de M. Y... tendait à faire déclarer la nullité de la vente "comme ayant été passée par une société en formation qui n'avait pas la capacité juridique et hors des cas où un acte peut être passé valablement au nom d'une telle société avec reprise ultérieure et rétroactive de ces engagements comme prévu par l'article 1843 du Code civil", la cour d'appel a édulcoré le moyen formulé par M. Y... et a, par suite, méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2°) que la validité d'une vente conclue au profit d'une société en formation suppose que l'acte a été passé personnellement par un associé ou par le gérant non associé, mandaté par les associés, au nom de la société en formation ; qu'il s'agit d'une règle d'ordre public ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui ne constate pas que l'acte de vente a été passé personnellement par M. X..., associé ou gérant désigné et mandaté par les associés, au nom de la SCI Bousquet en formation, a violé, par fausse application les articles 1843 du Code civil et 6, alinéa 3, du décret du 3 juillet 1978 ;

3°) qu'il ressort de l'acte de vente du 22 mars 1989 que Mme A... vend à la société dénommée société civile immobilière du Bousquet, en cours d'immatriculation (... ), "ce qui est accepté en son nom par M. Alric D..." "en sa qualité de gérant de ladite société, fonction à laquelle il a été nommé aux termes des statuts" ; que cette mention claire et précise établissait que M. X... intervenait en qualité de gérant et n'appelait aucune interprétation ; que, dès lors, en énonçant que "le fait que M. X... n'ait pas été désigné dans l'acte comme associé agissant pour le compte d'une société en formation" résultait d'une simple maladresse de rédaction, la cour d'appel l'a dénaturée et a, par là-même, violé l'article 1134 du Code civil ;

4°) que l'existence de l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'engagement de l'action ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que, le 23 mars 1989, M. Y... avait sollicité le renouvellement du bail auprès de feue Mme A..., venderesse et reçu, en revanche, de la SCI Bousquet, non immatriculée, un congé avec refus de renouvellement ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si M. Y... n'avait pas un intérêt évident, à la date d'introduction de l'instance en nullité de la vente des murs abritant son fonds de commerce, à solliciter l'annulation de la vente pour inexistence de la société acquéreur dès lors qu'il entendait bénéficier du renouvellement du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les pièces produites permettaient de vérifier que M. X..., désigné comme gérant de la société, était l'associé majoritaire de la SCI constituée le 21 mars 1989 et qu'il était spécialement et expressément chargé aux termes des statuts d'acquérir l'immeuble appartenant à Mme A..., qu'étant associé et chargé dans les statuts par ses co-associés de la société en formation d'acquérir l'immeuble, il avait mandat de prendre, pour le compte de la société, cet engagement prévu à l'article 6, alinéa 3, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, et que le fait que M. X... n'était pas désigné dans l'acte comme associé agissant pour le compte d'une société en formation, ce qui était en réalité le cas, résultait d'une simple maladresse de rédaction, la cour d'appel, sans dénaturation et sans modifier l'objet du litige, a pu déduire de ces seuls motifs que la vente était régulière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que le premier moyen étant rejeté, le moyen, tiré d'une cassation par voie de conséquence, est devenu sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.