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Décisions

Cass. com., 24 mars 1998, n° 96-11.366

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Poullain

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Peignot et Garreau, SCP Vier et Barthélémy, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Paris, 16e ch. B, du 9 nov. 1995

9 novembre 1995

Sur le moyen unique du pourvoi n° 96-11.366, pris en ses trois branches et sur le moyen unique du pourvoi 96-11.706, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Paris, 9 novembre 1995), que M. Z..., M. Y... et les sociétés Hersand et Delaunay ont signé les statuts de la société à responsabilité limitée Lubna le 11 septembre 1990; que M. Z... y était désigné comme gérant et que l'article 30 l'habilitait à souscrire, dès ce jour, pour le compte de la société en formation, les actes et engagements entrant dans l'objet statutaire et conformes à l'intérêt social; que, le 12 septembre 1990, M. Z..., déclarant agir au nom de la société Lubna en formation, a pris à bail des locaux de la SCI Les Prés sergents; que la société Lubna a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 20 septembre 1990 et qu'elle a été mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par un jugement du 28 octobre 1992; que la SCI Les Prés sergents a assigné MM. Z... et Y... ainsi que les sociétés Delaunay et Hersand en demandant leur condamnation solidaire au paiement de loyers impayés et au remboursement de taxes d'enlèvement des ordures ménagères ;

Attendu que M. Y... et les sociétés Delaunay et Hersand ainsi que M. Z... font grief à l'arrêt d'avoir condamné solidairement MM. Z... et Y... ainsi que les société Delaunay et Hersand au paiement de loyers demeurés impayés en vertu du bail de septembre 1990 ainsi qu'au remboursement des taxes d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 1991 et 1992, alors, selon le pourvoi des premiers, d'une part, que l'article 26, alinéas 1 et 2, du décret du 23 mars 1967 est relatif à la reprise des actes accomplis pour le compte de la société en formation avant la signature des statuts; qu'en l'espèce, le bail a été signé par M. Z... au nom de la société Lubna en formation le lendemain de la signature des statuts, ce qui n'est pas contesté par l'arrêt; qu'ainsi, en considérant néanmoins que la reprise du bail par la société immatriculée devait intervenir en respect de la procédure énoncée à l'article 26, alinéas 1 et 2, du décret du 23 mars 1967, la cour d'appel a violé les dispositions par fausse application; alors, d'autre part, que l'immatriculation d'une société au registre du commerce et des sociétés emporte reprise automatique des actes effectués par un associé ayant, dans les statuts, reçu mandat de prendre des engagements à son compte; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le mandat donné à M. Z... dans les statuts englobait l'autorisation de contracter un bail pour la société en formation; qu'en considérant néanmoins que la reprise de cet acte ne s'était pas effectuée automatiquement par l'immatriculation de la société Lubna, la cour d'appel a violé, par  refus d'application, l'article 1134 du Code civil et l'article 27, alinéa 3, du décret du 23 mars 1967; alors, de plus, que la reprise des engagements accomplis au nom d'une société en formation peut implicitement résulter de leur exécution, après immatriculation de la société ; qu'ainsi, en déclarant que les actes passés antérieurement à l'immatriculation devaient être repris expressément par la société, une fois qu'elle était immatriculée, pour qu'elle soit engagée en tant que personne morale, la cour d'appel a violé l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 et l'article 1843 du Code civil; et alors que, selon le pourvoi déposé par M. Z..., d'une part, que l'article 30 des statuts de la société Lubna conférait au gérant tout pouvoir afin de passer et souscrire dès le jour de la signature des statuts les actes et engagements les plus étendus conformes à l'intérêt social et prévoyait que toutes les opérations et les engagements en résultant seraient réputés avoir été faits et souscrits dès l'origine par la société qui les reprendra à son compte par le seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés; que la cour d'appel a constaté que le mandat qui lui était donné englobait nécessairement l'autorisation de contracter un bail pour la société en formation; qu'il résultait donc de cette constatation de fait qu'il avait souscrit un engagement entrant dans l'objet social au sens de la clause statutaire de reprise automatique à compter de l'immatriculation de la société Lubna au registre du commerce; qu'en le condamnant cependant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé ensemble l'article 1134 du Code civil et l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966; et alors, enfin, qu'il avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que la Société Lubna avait rempli ses obligations pendant plus d'un an en réglant les loyers et charges jusqu'en novembre 1991, ce qui démontrait qu'elle avait repris implicitement les engagements souscrits par lui; qu'il s'agissait là d'un moyen pertinent de nature à influer sur la solution du litige puisqu'il tendait à établir que la société Lubna avait repris l'engagement qu'il avait souscrit; qu'en omettant de répondre à ces conclusions d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et par suite a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas imposé que la reprise des actes conclus après la signature des statuts ait lieu selon la modalité visée au moyen, mais a simplement constaté qu'une telle reprise n'avait pas eu lieu et donc n'était pas de nature à justifier la substitution de la société aux contractants d'origine; que la critique de la première branche du pourvoi n° N 96-11.366 manque en fait ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que le mandat donné par les signataires des statuts à M. Z... était général et manquait de précision, ce dont il résultait qu'il ne répondait pas aux exigences de l'article 26 du décret du 23 mars 1967 qui exige pour qu'ils soient repris par la société du seul fait de son immatriculation que les engagements pris antérieurement en son nom soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat; qu'au vu de cette constatation la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés à la première branche du pourvoi n° H 96-11.706 et à la deuxième branche du pourvoi n° N 96-11.366 ;

Attendu, enfin, qu'aux termes de l'alinéa 4 de l'article 6 du décret du 3 juillet 1978 : "la reprise des engagements souscrits par une société en formation ne peut résulter, après l'immatriculation de la société, que d'une décision prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés"; qu'il suit de là que des conclusions soutenant que la société avait, par le paiement des loyers, repris les engagements contractés en son nom lorsqu'elle était en formation étaient inopérantes et que l'arrêt ne saurait être critiqué ou pour n'y avoir pas répondu ou pour les avoir écartées; d'où il suit que les moyens uniques de l'un et l'autre pourvoi ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois n°s N 96-11.366 et H 96-11.706.