Cass. 3e civ., 12 novembre 2015, n° 14-21.227
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
Me le Prado, SCP Marc Lévis
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 mai 2014), que, le 25 juin 2005, MM. X..., Y..., Z... et A... ont constitué la société civile immobilière Le Petit Breuil (la SCI) qui a, par acte notarié du 19 juillet 2005, acquis un bien immobilier donné à bail à M. X... ; que la société Crédit immobilier de France financière Rhône-Alpes-Auvergne (le CIF) a consenti un prêt à la SCI avec la caution solidaire des quatre associés ; que, M. X... ayant cessé de payer le loyer, la SCI n'a plus versé les mensualités du prêt et le CIF a obtenu des cautions, MM. Z... et A..., le paiement des sommes dues ; que ceux-ci, reprochant au CIF divers manquements à ses obligations contractuelles, l'ont assigné en indemnisation et M. Z... a assigné MM. Y... et X... en cours d'instance ;
Attendu que MM. Z... et A... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond sont tenus d'analyser, même sommairement, les pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, MM. A... et Z... versaient aux débats l'extrait Kbis du registre du commerce de la SCI Le Petit Breuil, qui mentionnait que l'immatriculation de cette société avait été effectuée le 28 juillet 2005 ; que dès lors en affirmant qu'au vu des mentions de l'acte notarié du 19 juillet 2005, la SCI Le Petit Breuil était déjà immatriculée au jour du prêt et de l'engagement de caution, sans s'expliquer sur les mentions du Kbis dont MM. A... et Z... se prévalaient et qu'ils versaient aux débats, dont il résultait clairement que la SCI Le Petit Breuil n'avait été immatriculée que le 28 juillet 2005, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, dans leurs conclusions d'appel, le CIF, d'une part, et M. X... et M. Y..., d'autre part, ne contestaient nullement le fait, invoqué par MM. A... et Z..., en s'appuyant sur l'extrait Kbis, que la SCI Le Petit Breuil avait été immatriculée le 28 juillet 2005 ; que dès lors, en affirmant qu'au vu des mentions de l'acte notarié du 19 juillet 2005, la SCI Le Petit Breuil était déjà immatriculée au jour du prêt et de l'engagement de caution, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en affirmant d'office et sans susciter les observations préalables des parties, qu'au vu des mentions de l'acte notarié du19 juillet 2005, la SCI Le Petit Breuil était déjà immatriculée au jour du prêt et de l'engagement de caution, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que dans leurs conclusions d'appel, le CIF, d'une part, et MM. X... et Y..., d'autre part, ne faisaient nullement valoir qu'ils auraient satisfait aux exigences des articles 1843 du code civil et 6 du décret du 3 juillet 1978, et ne se prévalaient notamment nullement de l'existence d'un mandat régulièrement donné à M. X..., résultant de la clause des statuts prévoyant qu'« en attendant l'accomplissement de la formalité d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, les associés comparants donnaient mandat exprès à M. X... de réaliser immédiatement pour le compte de la société les actes et engagements suivants jugés urgents dans l'intérêt social, savoir réaliser les actes et engagements rentrant dans le cadre de l'objet social et notamment effectuer toutes démarches pour l'obtention de tous emprunts et que conformément à l'article 6 de la loi du 3 juillet 1978, les actes et engagements seraient repris par la société par le seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et seraient réputés avoir été contractés par elle dès l'origine » ; que dès lors en se fondant sur cette clause pour estimer que MM. A... et Z... ne pouvaient faire valoir que les engagements contractés le 19 juillet 2005 avant l'immatriculation de la société étaient sans effet à l'égard de la SCI Le Petit Breuil, et donc à leur égard en leur qualité de caution de l'emprunt contracté le 19 juillet 2005, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et a derechef violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ qu'en statuant ainsi d'office, sans susciter les observations préalables des parties, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
6°/ que la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation, telle que prévue par l'article 1843 du code civil, ne peut résulter en application de l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 que de la signature des statuts, lorsque l'état prévu à ce même texte aura été préalablement annexé à ces statuts, ou d'un mandat donné par les associés, avant l'immatriculation de la société, soit à l'un ou plusieurs des associés soit au gérant non associé, et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre ou, enfin, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés ; que le mandat donné par les associés, avant l'immatriculation de la société en vertu des dispositions susvisées doit donc être exprès, spécial et suffisamment précis ; que dès lors en déclarant, pour dire MM. A... et Z... tenus en leur qualité de caution du prêt contracté par la SCI Le Petit Breuil, que les statuts de cette SCI, datés du 25 juin 2005, prévoyaient qu'« en attendant l'accomplissement de la formalité d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, les associés comparants donnaient mandat exprès à M. X... de réaliser immédiatement pour le compte de la société les actes et engagements suivants jugés urgents dans l'intérêt social, savoir réaliser les actes et engagements rentrant dans le cadre de l'objet social et notamment effectuer toutes démarches pour l'obtention de tous emprunts et que conformément à l'article 6 de la loi du 3 juillet 1978, les actes et engagements seraient repris par la société par le seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et seraient réputés avoir été contractés par elle dès l'origine », la cour d'appel, qui s'est bornée à relever l'existence d'un mandat général et indéterminé et qui n'a pas relevé de mandat spécifiquement donné pour conclure les contrats de vente et de prêt du 19 juillet 2005, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé les articles 1843 du code civil et 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;
7°/ que la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi au nom de celle-ci lorsqu'elle était en formation, telle que prévue par l'article 1843 du code civil, ne peut résulter, en application de l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, que de la signature des statuts, lorsque l'état prévu à ce même texte aura été préalablement annexé à ces statuts, ou d'un mandat donné par les associés, avant l'immatriculation de la société, soit à l'un ou plusieurs des associés soit au gérant non associé, et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre ou, enfin, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés ; que dès lors en déclarant, pour dire MM. A... et Z... tenus en leur qualité de caution du prêt contracté par la SCI Le Petit Breuil, que les statuts de cette SCI, datés du 25 juin 2005, prévoyaient qu'« en attendant l'accomplissement de la formalité d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, les associés comparants donnaient mandat exprès à M. X... de réaliser immédiatement pour le compte de la société les actes et engagements suivants jugés urgents dans l'intérêt social, savoir réaliser les actes et engagements rentrant dans le cadre de l'objet social et notamment effectuer toutes démarches pour l'obtention de tous emprunts et que conformément à l'article 6 de la loi du 3 juillet 1978, les actes et engagements seraient repris par la société par le seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et seraient réputés avoir été contractés par elle dès l'origine », et qu'en tout état de cause, le prêt avait reçu exécution de la part de l'emprunteur de sorte que la SCI Le Petit Breuil avait ratifié cet acte qui lui était opposable, sans avoir constaté l'accomplissement de l'une ou l'autre des formalités exigées par les textes susvisés, la cour d'appel a violé les articles 1843 du code civil et 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;
8°/ que MM. A... et Z... contestaient qu'un quelconque règlement ait été réalisé par l'emprunteur, les seuls règlements effectués émanant des cautions, et que le CIF, d'une part, et MM. X... et Y..., d'autre part, à qui incombait la charge d'établir que la SCI Le Petit Breuil aurait, comme ils le prétendaient, ratifié les engagements conclus avant son immatriculation, se bornaient respectivement à affirmer sans plus de précision qu'« il y a vait eu des remboursements » et que l'« acceptation du prêt par la SCI Le Petit Breuil était d'ailleurs confirmée par le paiement de quelques échéances » ; que dès lors en déclarant que le prêt avait reçu « exécution de la part de l'emprunteur », de sorte que la SCI Le Petit Breuil aurait ratifié cet acte qui lui était opposable, sans expliquer de quels éléments s'inféraient les règlements prétendument effectués par la SCI Le Petit Breuil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1842 et 1843 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans violer le principe de la contradiction, que les statuts de la SCI contenaient mandat donné par les associés à M. X... d'effectuer les démarches pour l'obtention de tous emprunts et la reprise des engagements par la société du seul fait de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés et constaté que la SCI avait été immatriculée, la cour d'appel a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que la SCI était tenue à l'égard du CIF par les engagements pris en son nom par M. X... et que MM. Z... et A... étaient engagés en leur qualité de caution de la SCI ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.