CA Nîmes, 4e ch. com., 3 mars 2016, n° 15/00249
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Oph de la ville d’Avignon
Défendeur :
Berkane (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Filhouse
Conseillers :
Mme Hairon, Mme Rochette
Avocat :
Lexavoue Nimes (Selarl)
Suivant acte passé le 28 mars 2008, devant maître Roger A., notaire à Chateaurenard (13), Karim La cédé à l'e.u.r.l. « Berkane » un fonds de commerce de communications, cabines téléphoniques, fax, photocopie et internet, comprenant notamment le droit au bail commercial consenti , selon acte reçu les 31 janvier et 1er février 2005 par maître Patrick M., notaire à Avignon, par l'Office Public dans un local situé dans la [...] et destiné « à l'exploitation d'une téléboutique, proposant un service de téléphonie à la clientèle, permettant notamment de passer des appels téléphoniques tant vers l'international, qu'en France, ou encore vers des portables », le bailleur acceptant « que le preneur installe un distributeur automatique de boissons non alcoolisées. Tout autre vente de produits alimentaires étant strictement interdite ».
À la suite de plaintes émanant d'autres résidents, pour cause de nuisances occasionnées par son activité, l'Office Public mettait la S.A.R.L. « Berkane » en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2012, d'avoir à se mettre en conformité avec les stipulations restrictives de destination du local insérées au bail, ainsi que celles lui imposant des horaires d'ouverture et d'exploiter son activité dans le respect du voisinage.
Au vu d'un constat d'huissier du 3 mars 2013, l'Office Public délivrait à sa locataire, par LRAR du 15avril 2013, une nouvelle mise en demeure d'avoir à se conformer aux stipulations du bail.
Suivant acte extrajudiciaire du 1er octobre 2013, la S.A.R.L. « Berkane » faisait notifier à l'Office Public une demande de renouvellement du bail commercial venant à terme au 31 janvier 2014.
Par exploit du 16 décembre 2013, l'Office Public a fait assigner la S.A.R.L. « Berkane » en résiliation judiciaire du bail commercial devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon, qui par jugement du1er décembre 2014 a débouté l'Office Public de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
L'Office Public a relevé appel de ce jugement pour voir :
prononcer la résiliation du bail initial, subsidiairement celle du bail renouvelé, pour non-respect de ses obligations contractuelles, antérieurement et postérieurement au renouvellement du bail ;
ordonner l'expulsion de la S.A.R.L. « Berkane » et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique la S.A.R.L. « Berkane » ;
condamner la S.A.R.L. « Berkane » au paiement d'une indemnité d'éviction égale au montant du loyer augmenté des charges locatives, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
ordonner la capitalisation des intérêts ;
débouter la S.A.R.L. « Berkane » de ses demandes et la condamner aux dépens ainsi qu'à lui verser 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
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La S.A.R.L. « Berkane », qui a constitué avocat, n'a pas conclu en défense.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité de l'appel que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
* * *
Attendu que pour débouter l'Office Public de sa demande de résiliation judiciaire du bail commercial, le premier juge a relevé :
qu'à défaut d'avoir notifié au preneur son refus de renouvellement du bail dans les formes de l'arti cleL145-10ducodedecommerce
l'assignation en résiliation du bail ne valant pas l’article L.14510 du code de commerce, l’assignation en résiliation du bail ne valant pas réponse régulière au sens de ce texte, l'Office Public était réputé avoir accepté le principe du renouvellement ;
qu'à la suite de la mise en demeure du 15 avril 2013, faisant injonction à la S.A.R.L. « Berkane »de se conformer aux dispositions du bail, l'Office Public ne faisait pas la démonstration d'une violation des obligations du preneur après cette date, de sorte que la régularisation dans le mois de la mise en demeure paraissait acquise ;
Attendu qu'en l'état des pièces soumises à son examen (cf. bordereau récapitulatif de communication des pièces de la demanderesse notifié le 13 janvier 2014) le premier juge, qui constaté l'acceptation du principe du renouvellement du bail et l'absence de mise en jeu préalable de la clause résolutoire insérée au bail, a fait une exacte application de la règle de droit en relevant qu’il n'était pas justifié de manquements répétés des obligations du preneur de nature à justifier la résolution judiciaire du bail, dès lors que le courriel du capitaine de police (alors produit en pièce n°7) ne caractérisait pas des faits nécessairement imputables à la locataire ;
Attendu que cependant en cause d'appel, l'Office Public a complété les éléments de la preuve des manquements du preneur à ses obligations contractuelles, dont elle a la charge, par le versement d’un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 29 août 2013, duquel il ressort qu'en infraction avec les obligations souscrites par le contrat, qui autorisait seulement l'exploitation d'un distributeur automatique de boissons non alcoolisées, il était offert à la vente, outre de telles boissons, stockées dans plusieurs réfrigérateurs situés face à l'entrée de la boutique, des bonbons pour enfants présentés au comptoir, des glaces à l'eau stockés dans congélateur situé à main gauche, ainsi que du café au moyen d'un percolateur professionnel en service au jour du constat ;
Attendu que ces constatations, établissent suffisamment que dès avant le renouvellement du bail, la S.A.R.L. « Berkane » a continué à exercer dans les locaux mis à sa disposition, une acti vit complémentaire strictement interdite par la convention des parti es, activité qui s'est poursuivie parla suite, un nouveau constat d'huissier, en date du 29 mars 2015, mettant en évidence que la S.A.R.L.« Berkane » continuait à servir en terrasse des consommations à sa clientèle ;
Attendu qu'il est par ailleurs justifié que cette activité interdite par le bail a généré des nuisances sonores en violation avec les stipulations de l'article 8 de la convention des parti es, en raison des conversations de la clientèle installée aux tables et chaises mises à sa disposition sur l'espace public pour consommer les produits mis en vente par la boutique de téléphonie ;
Attendu qu'ainsi, ces manquements graves et répétés aux obligations contractuelles de la société locataire, qui sont désormais démontrés en cause d'appel, justifient la résiliation du bail initial aux torts de cette dernière, résiliation qui rend sans objet l'acceptation du principe du renouvellement du bail en l'absence de réponse faite à la demande de la S.A.R.L. « Berkane » ;
Attendu que faute de justifier, que la S.A.R.L. « Berkane » resterait redevable de loyers et charges locatives, il ne saurait être fait droit à la demande d'astreinte pour obtenir leur règlement ;
Attendu que néanmoins l'Office Public est en droit d'obtenir le versement d'une indemnité d’occupation égale au montant de ce loyer, augmenté des charges locatives auxquelles la S.A.R.L. «Berkane » aurait dû faire face en cas de poursuite du bail ;
Attendu qu'enfin, faute de justifier qu'il lui serait dû des intérêts de capitaux échus pour une année entière au moins, les conditions de leur capitalisation prévues par l'article 1154 du code civil ne sont pas réunies, de sorte que l'Office Public sera débouté de ce chef de demande ;
* * *
Attendu que la S.A.R.L. « Berkane », qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à l'Office Public une somme équitablement arbitrée, eu égard à sa situation économique, à 2.000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'appel en la forme.
Au fond, infirmant le jugement déféré,
Prononce la résiliation du bail signé les 31 janvier et 1er février 2005 entre l'Office Public de l'Habitat de la ville d'Avignon et la S.A.R.L. « Berkane », aux torts de cette dernière pour non-respect de ses obligations contractuelles.
Ordonne l'expulsion de la S.A.R.L. « Berkane » et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique.
Dit que la S.A.R.L. « Berkane » versera à l'Office Public de l'Habitat de la ville d'Avignon, jusqu'à la libération effective des lieux, une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer, augmenté des charges locatives, qui auraient été dues en cas de poursuite du bail.
Déboute l'Office Public de l'Habitat de la ville d'Avignon de ses demandes, sans objet, d'astreinte etde capitalisation d'intérêts de capitaux.
Dit que la S.A.R.L. « Berkane » supportera les dépens de première instance et d'appel et payera l’Office Public de l'Habitat de la ville d'Avignon une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile
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Dit que la s.e.l.a.r.l. d'avocat « Lex avoué Nîmes » pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
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La minute du présent arrêt a été signée par Monsieur FILHOUSE, président, et par Madame Patricia SIOURILAS, greffière présente lors de son prononcé.