Cass. 3e civ., 15 décembre 1993, n° 92-10.689
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Chapron
Avocat général :
M. Baechlin
Avocats :
SCP Boré et Xavier, Me Cossa
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 1991), que, courant 1986, l'Assistance publique de Paris a confié divers travaux à la société Touzet, laquelle a sous-traité l'exécution de murs de soutènement à la société Entreprise sud parisienne de construction (société SPC) ; que des difficultés étant survenues dans la réalisation des travaux et leur paiement, la société SPC a assigné la société Touzet en paiement du solde du prix ;
Attendu que la société SPC fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen 1°) que le contrat de sous-traitance d'un marché de travaux publics ne fait pas naître de lien contractuel entre l'Administration, maître de l'ouvrage et le sous-traitant ; qu'un contrat par lequel le titulaire d'un marché public, entrepreneur principal, " s'efface totalement " pour se substituer une autre personne s'analyse en un contrat de cession, contrat de droit administratif qui doit faire l'objet d'une acceptation spéciale ; d'où il suit qu'en admettant que la société Touzet, qui avait sous-traité une partie du marché public dont elle était titulaire, " s'effaçait totalement " au profit de l'Administration, la cour d'appel a fait produire à ce contrat de sous-traitance les effets d'une cession de contrat et n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; 2°) que l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement par l'Administration qui font naître à son profit un droit au paiement direct ne libèrent pas l'entrepreneur principal de ses obligations envers le sous-traitant ; d'où il suit qu'en déclarant que l'agrément administratif et le paiement direct étaient de nature à priver le sous-traitant de son action en paiement contre l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé la loi du 31 décembre 1975 par fausse interprétation ; 3°) que la délégation parfaite est une opération juridique triangulaire par laquelle une personne, le délégant, donne un ordre à une autre personne, le délégué, de s'engager envers une troisième, le délégataire ; que la délégation parfaite a pour effet de créer entre le délégué et le délégataire un lien de droit nouveau qui résulte de l'engagement pris par le délégué envers le délégataire ; qu'il est exclu qu'une personne privée, l'entreprise principale, puisse donner l'ordre à une personne publique de s'engager envers le sous-traitant ; que, par ailleurs, le paiement direct, mécanisme légal, ne constitue pas un lien de droit nouveau qui résulterait de l'engagement du maître de l'ouvrage délégué, envers le sous-traitant délégataire ; que le paiement direct n'a pas pour effet d'éteindre les obligations incombant à l'entrepreneur principal envers son propre cocontractant ; d'où il suit que la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 2275 et 2276 du Code civil et par, fausse interprétation, la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat stipulait que l'entrepreneur principal était dégagé de toute obligation de paiement vis-à-vis du sous-traitant à concurrence des sommes dont le paiement direct par le maître de l'ouvrage était prévu, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant qu'il s'agissait d'une délégation parfaite par laquelle le créancier avait expressément entendu décharger le débiteur, que cette délégation de créance avait été acceptée par l'Assistance publique et qu'elle était exclusive, pour la société SPC, de la possibilité de demander paiement à la société Touzet ;
Sur le second moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.