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Décisions

Cass. com., 10 janvier 2018, n° 16-23.790

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Lyon, du 30 juin 2016

30 juin 2016

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et sixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 juin 2016), que par contrats du 2 février 2007, la société Chazey-Bons-Préfa (la société Chazey), qui a pour activité la fabrication de pièces de béton à partir de moules spécialement dimensionnés, a acquis auprès de la société Cegid, en vue de la gestion des « volets fournisseurs-commercial-production », un dispositif informatique composé de licences d'utilisation du progiciel Cegid PMI et d'un « module configurateur », pour lequel elle a également souscrit un contrat de location dit « Full service » d'une durée initiale de 36 mois ; qu'en raison de difficultés de mise en oeuvre, les parties ont organisé une expertise amiable ; qu'une expertise judiciaire a ensuite été ordonnée ; que la société Chazey a assigné la société Cegid en responsabilité ;

Attendu que la société Chazey fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de remboursement de frais d'installation de la société Chazey, de limiter à certains montants la condamnation prononcée à l'encontre de la société Cegid au profit de la société Chazey à titre de perte de loyers, de perte de marge brute, de frais de formation inutile et de rejeter ses autres demandes d'indemnisation alors, selon le moyen :

1°/ que le fournisseur professionnel d'un progiciel n'exécute pleinement son obligation de délivrance qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ; que s'il peut bénéficier d'un délai raisonnable pour délivrer une chose complexe, il ne saurait en toute hypothèse retarder la délivrance jusqu'à une réclamation formelle de son client ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Chazey avait souscrit, le 2 février 2007, un bon de commande d'un progiciel ainsi qu'un « contrat de location » ayant pour objet diverses prestations auprès de la société Cegid sur la base d'une « proposition de partenariat » (en date du 24 janvier 2007) laquelle désignait précisément les caractéristiques attendues du logiciel : « offre de prix, devis excel, commandes, expédition et factures clients, demandes de prix, commandes, réception et factures, fournisseurs, force de vente, stocks/traçabilité, données techniques, plan directeur/prévisions, calcul des besoins/planification, ordonnancement/lancement, suivi de production, gestion d'affaire, gestion qualité, générateur d'état Wdetat » ; que la cour d'appel a admis que la référence aux « devis Excel » attestait que la société Chazey avait exprimé ses besoins pendant l'avant-vente, y compris l'utilisation de tableaux Excel dans le progiciel ; qu'en affirmant que l'inexécution par la société Cegid de son obligation de délivrance d'un progiciel intégrant les fichiers Excel était due en partie à une absence d'expression claire des besoins spécifiques de la société Chazey avant le début 2009, pour en déduire que la société Chazey ne pouvait prétendre à un remboursement des loyers qu'à partir du mois de mars 2009 et qu'elle était responsable pour moitié de chacun des préjudices subis, lorsque l'exécution de l'obligation faite au preneur de délivrer le logiciel n'était pas subordonnée à la formalisation d'une quelconque « doléance » de l'acquéreur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'article 1604 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le vendeur professionnel d'un matériel informatique est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil envers un client dépourvu de compétence spécifique en la matière ; que si le client est tenu de collaborer à la réussite de l'installation du matériel, il revient au fournisseur de lui demander au préalable les informations nécessaires au moment de la commande et lors de son exécution ; qu'en l'espèce, la société Chazey soulignait, en s'appuyant sur les constatations de l'expert, que plusieurs rendez-vous avaient été organisés, avant la souscription du bon de commande, entre les deux sociétés à son siège social au cours desquels elle avait clairement exprimé son souhait d'obtenir l'installation d'un logiciel permettant de gérer les volets « fournisseur », « commercial » et surtout « production » en y intégrant les devis Excel ; qu'en reprochant à la société Chazey d'avoir manqué à son obligation de collaboration, faute d'avoir spécifié au moment de sa commande ses besoins spécifiques et les particularités de son fonctionnement interne, lorsqu'il ne résultait nullement de ses constatations que la société Cegid aurait sollicité des explications complémentaires pour favoriser l'implantation du logiciel ou adapter si nécessaire son offre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ qu'au titre de son obligation de collaboration, l'acquéreur d'un progiciel ne saurait être tenu d'accepter de payer une somme supplémentaire pour remédier à des difficultés d'installation qui sont exclusivement imputables aux manquements du fournisseur de ce produit ; qu'en reprochant à la société Chazey sa prétendue « résistance » à « comprendre » les contraintes inhérentes à l'informatisation et à « financer à nouveau » la mise en oeuvre du module suivant la proposition du fournisseur en date du 9 mars 2009, lorsqu'il ne résultait pas de ses constatations que la société Chazey aurait manqué à son obligation de collaboration, les difficultés d'implantation de la fonctionnalité litigieuse étant au contraire imputables au seul fournisseur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les parties étaient convenues de la fourniture d'un progiciel standard à paramétrer, destiné à permettre notamment la gestion de la production de la société Chazey, que la seule pièce relative aux contacts précontractuels est la proposition de partenariat faite par la société Cegid le 24 janvier 2007, que cette proposition ne contient aucune référence à l'expression de besoins par la société cliente, ni même une précision sur l'objectif poursuivi par elle dans l'adoption du progiciel proposé par la société prestataire, et que la société Chazey n'a pas rédigé de cahier des charges, mais a exprimé ses besoins pendant l'avant-vente, y compris celui de l'utilisation de tableaux « excel » , l'arrêt retient, d'un côté, que si la société Cegid est débitrice, en sa qualité de professionnelle de l'informatique, d'une obligation de conseil initial concernant le choix de la solution informatique à mettre en oeuvre, il appartient néanmoins à cette cliente de lui fournir, dans le cadre de sa propre obligation de collaboration, les spécificités de fonctionnement de son entreprise, de l'autre, que, selon l'expert judiciaire, les difficultés d'adéquation du progiciel aux besoins de la société Chazey concernaient le module production, et particulièrement la reprise des méthodes antérieures, que les opérations expertales ont mis à jour une propension nette de la part de cette société à ne pas vouloir changer de processus de gestion de la production, que la première correspondance recommandée visant l'absence de mise en oeuvre d'un des modules a été envoyée le 4 février 2010, cependant que la société Chazey soutient que le module non déployé devait être opérationnel avant la fin de l'année 2007 ; qu'il en déduit que l'échec est notamment consécutif à une absence d'expression claire des besoins spécifiques de la société Chazey mais ajoute que la société Cegid ne pouvait laisser en attente ce module sans alerter sa cliente sur les difficultés qui allaient finalement la conduire à proposer une évolution contractuelle plus de deux années après le début de ses interventions, et conclut que la résistance opposée par la société appelante à comprendre les contraintes inhérentes à l'informatisation doit être prise en compte pour déterminer les responsabilités respectives ; que de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir, s'agissant de la vente d'un produit complexe, que la mise au point effective n'avait pas été réalisée en raison de manquements du vendeur à son obligation d'information et de conseil, mais aussi de manquements imputables à la société Chazey, a pu décider que l'inexécution partielle par la société Cegid de son obligation de délivrance ne pouvait lui être imputée totalement et qu'il convenait de retenir un partage par moitié de la responsabilité contractuelle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et septième branches, ni sur le second moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.