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Décisions

Cass. 3e civ., 2 juin 2016, n° 15-16.981

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Pronier

Avocat général :

M. Kapella

Avocats :

SCP Boulloche, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet

Cass. 3e civ. n° 15-16.981

1 juin 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 janvier 2015), que la Société d'exploitation du parc des expositions de la ville de Marseille (la société SAFIM), qui a entrepris la construction d'un nouveau hall d'exposition, a confié une mission de maîtrise d'oeuvre concernant notamment la conception architecturale à M. X..., architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), et une mission d'études techniques et de direction des travaux, au bureau d'études EPHTA, aux droits duquel se trouve la société SLH Ingénierie, assuré auprès de la SMABTP ; que la société SAFIM a souscrit un contrat d'assurance dommages ouvrage auprès de la société SAGENA, devenue la société SMA ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves les 3 et 4 novembre 2003 ; qu'en 2005, la société SAFIM a déclaré deux sinistres, le premier concernant la couverture des caniveaux techniques du hall, en raison de l'insuffisance de résistance des dalles en bois recouvrant ces caniveaux à l'occasion du passage d'engins notamment de levage, le second relatif à la résistance de la dalle bétonnée de ce hall ; que l'assureur dommages ouvrage a dénié sa garantie au motif que l'utilisation qui avait été faite de ce hall d'exposition n'était pas conforme aux pièces écrites des marchés ; que la société SAFIM a assigné la SAGENA, M. X... et la société SLH ingénierie ainsi que leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu que M. X..., la MAF, la société SLH ingénierie et la SMABTP font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer à la société SAFIM la somme de 1 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre ne porte pas sur des faits connus ou devant l'être par son cocontractant ; qu'il en va ainsi spécialement si le maître d'ouvrage est un professionnel et si le conseil est fondé sur des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance de l'architecte ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la société SAFIM, professionnelle de locaux destinés à divers événements, a demandé au maître d'oeuvre de réaliser un ouvrage permettant une surcharge au sol supérieure à 500 kg/m², correspondant à la seule norme applicable, que le maître d'ouvrage n'a pas défini un ouvrage à construire devant permettre de faire circuler des charges roulantes lourdes à l'intérieur du hall, qu'il n'a pas informé les concepteurs de son souhait de faire circuler de telles charges et que les désordres sont dus à l'utilisation inadaptée de l'ouvrage par le maître d'ouvrage qui a fait circuler des engins dont le poids excédait ce que l'ouvrage pouvait supporter ; qu'en reprochant néanmoins à l'architecte de n'avoir pas donné au maître d'ouvrage des conseils adaptés portant notamment sur la circulation d'engins à l'intérieur du hall et le déplacement de charges lourdes, bien qu'il n'ait pas été informé que de tels engins devaient circuler, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que, si le maître de l'ouvrage ne justifiait pas avoir informé les concepteurs de son souhait de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall, l'architecte et le bureau d'études auraient dû se préoccuper du mode d'exploitation de l'ouvrage situé dans un parc des expositions, et de la question des charges roulantes, compte tenu notamment de la surface importante de ce hall d'exposition, de la taille et du nombre des portes permettant à des poids lourds d'y accéder, des systèmes d'accrochage en plafond prévus pour supporter une charge d'une tonne avec chariots élévateurs et de l'exposition d'objets lourds à envisager, et qu'il n'était pas établi que les charges dynamiques résultant de la circulation d'engins à l'intérieur du hall pour permettre son exploitation, avaient fait l'objet de préconisations, observations, remarques ou conseils de la part de l'architecte ou du bureau d'études, en dépit des missions qui leur étaient confiées, la cour d'appel a pu décider que l'architecte et le bureau d'études avaient manqué à leur obligation de conseil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X... et la MAF font grief à l'arrêt de juger que, dans leurs rapports entre eux, M. X... et la MAF d'une part, et la société SLH ingénierie, d'autre part, supporteront chacun la moitié des condamnations, alors, selon le moyen, que, dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la Mutuelle des architectes français ont fait valoir que seul le BET, maître d'oeuvre d'exécution, avait la charge de la conception des sols, au stade de laquelle l'épaisseur des dalles avait été modifiée ; qu'en décidant que l'architecte devait, au niveau de la contribution à la dette, supporter une part de responsabilité, sans répondre au moyen invoquant la faute du bureau d'études tenant à la modification de l'épaisseur des dalles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu, répondant aux conclusions, que l'architecte avait commis une faute en n'informant pas le bureau d'études sur l'utilisation concrète du bâtiment à édifier notamment lors des opérations de montage et de démontage des expositions ou autres manifestations, précisions qui lui auraient permis de rédiger un CCTP mieux adapté et de procéder aux calculs appropriés, et que, de même, le bureau d'études était fautif pour ne pas avoir attiré l'attention de l'architecte sur le problème des charges roulantes, alors même que les conventions signées par ces deux professionnels leur imposaient un devoir de collaboration dans l'intérêt même de l'opération à réaliser pour le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a pu décider que, compte tenu de leurs fautes respectives, dans leurs rapports, chaque constructeur supportera la moitié des condamnations ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.