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Décisions

Cass. com., 11 janvier 2005, n° 01-11.414

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Aix-en-Provence, 8e ch. com. B, du 23 fé…

23 février 2001

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que la société à responsabilité limitée X... et fils, fabricant de broderies à façon, avait pour gérant et associé M. Jean-Pierre X... ; que dans le cadre de la restructuration du capital social et de la prise de contrôle de la société par le groupe financier Sopex , M. X... a cédé pour le franc symbolique à la société Sopex sa créance en compte courant et renoncé à ses fonctions de gérant ; que par un protocole d'accord en date du 8 juillet 1993, M. X... a cédé à la société X... et fils, pour un certain montant, un métier à broder, dont il était propriétaire et qu'il louait auparavant à cette société, mais qu'il a provisoirement, jusqu'à ce que le résultat de la société soit bénéficiaire, renoncé à percevoir le paiement du prix ; que cet acte, comportait, par ailleurs, une disposition stipulant des garanties d'actif et de passif à la charge de M. X... ;

qu'en application de cette dernière disposition, la société X... et fils a assigné M. X... en paiement d'une certaine somme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société X... et fils, au titre de la garantie de passif la somme de 688 227,13 francs, alors selon le moyen, qu'il résulte de l'article 1111 du Code civil que la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité encore qu'elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite ; que la violence au sens de ce texte peut résulter de la contrainte économique ; que dans ses conclusions M. X... avait fait valoir qu'il avait donné sous contrainte son consentement aux opérations liées au transfert de contrôle de sa société à la société Sopex et notamment à la convention du 8 juillet 1993 comportant, outre la cession d'un métier à broder, la clause de garantie d'actif et de passif litigieuse, en raison de la menace de ruine de sa société et de la dépendance économique totale dans laquelle il se trouvait de ce fait au regard de la société Sopex de sorte que son consentement s'était ainsi trouvé vicié par la violence ; qu'il avait exposé que la société Cholet, filiale de la société Sopex, était le principal client de la société X... et fils qui réalisait avec elle 60 % de son chiffre d'affaires par la vente d'écussons dont le prix était négocié chaque année ; que M. X... avait encore rappelé, sans être contredit que les difficultés rencontrées par sa société avaient trouvé leur origine dans la décision unilatérale de la société Cholet de réduire d'un tiers le prix des écussons qu'elle achetait à la société X... et fils, décision que cette dernière n'avait pas été en mesure de refuser ; qu'il avait ajouté qu'en raison des difficultés financières que cette baisse unilatérale des tarifs avait provoquées, il s'était trouvé dans un état de dépendance complète envers la société Sopex et que son consentement à l'acte du 8 juillet 1993, conclu le jour même de la cession du contrôle de la société X... et fils à la société Sopex s'était trouvé vicié par la contrainte économique constitutive de violence ; que pour écarter ce moyen la cour d'appel s'est borner à affirmer que le seul fait que M. X... n'ait pas été en position de force en la négociation ne permet pas en soi d'impliquer qu'il aurait été trompé ou qu'il aurait accepté une clause léonine ; qu'en statuant par ces seuls motifs impropres à écarter le vice de violence, sans avoir recherché si le consentement de M. X... n'avait pas été vicié par la situation de contrainte économique dans laquelle il se trouvait en raison de la menace de ruine de la société X... et fils provoquée par la décision unilatérale des établissements Cholet, filiale de la société Sopex, de baisser d'un tiers ses prix d'achat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1111 du Code civil ;

Mais attendu que par motifs adoptés l'arrêt relève que M. X... s'est engagé à garantir ses propres écritures comptables dans les livres d'une société qui servait d'écran à ses activités propres d'exploitation du métier à broder ; que par motifs propres il relève encore que cette clause est l'accessoire de l'ensemble des opérations de sauvetage d'une société et plus particulièrement de l'acquisition de parts sociales nouvellement créées ; qu'il retient enfin, que la clause du protocole d'accord, par laquelle M. X... renonce provisoirement à recevoir paiement du prix jusqu'à ce que la société "dégage un résultat bénéficiaire" constitue la loi des parties et est une obligation sous condition suspensive valable, la condition suspensive ne pouvant être qualifiée de potestative, dès lors qu'il n'est ni prétendu ni démontré que sa réalisation dépend du bon vouloir d'une seule partie ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, faisant ressortir que si M. X... avait pu consentir à l'accord litigieux sous la contrainte économique, les clauses critiquées par lui n'étaient pas illégitimes et ne procuraient pas à la société Sopex un avantage excessif, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 ) que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; que la cour d'appel l'a condamné à payer à la société X... et fils la somme de 688 227,13 francs au titre de la garantie de passif souscrite par ce dernier dans l'acte sous seing privé du 8 juillet 1993 sur le seul fondement du rapport non contradictoire de l'expert Y... ; que pour statuer ainsi la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. X... avait été avisé dès juillet 1995 de l'existence d'un passif non comptabilisé, puis de la désignation d'un homme de l'art pour l'établir de façon pertinente et qu'il avait été informé de toutes les diligences faites à cet égard et mis en mesure d'en prendre connaissance et d'en débattre contradictoirement avant toute procédure comme au cours de l'instance ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à établir que M. X... avait été appelé ou représenté aux opérations d'expertise et qu'il avait pu exercer les droits attachés à la qualité de partie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'il est interdit au juge d'asseoir sa décision sur les seules données d'une expertise à laquelle le défendeur n'a été ni appelé ni représenté ; qu'il avait expressément soulevé dans ses conclusions le caractère non contradictoire de l'expertise et souligné le fait qu'il n'était pas en mesure d'en discuter utilement les termes ; que pour le condamner à payer à la société X... et fils la somme de 688 227,13 francs au titre de la garantie de passif souscrite par ce dernier dans l'acte sous seing privé du 8 juillet 1993 sur le seul fondement du rapport non contradictoire de l'expert Y..., la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il avait été informé de toutes les diligences faites, mis en mesure, tant avant toute procédure qu'au cours de l'instance d'en prendre connaissance et d'en débattre contradictoirement ; qu'en statuant par ces seuls motifs, sans faire état d'autres éléments de preuve extérieurs au rapport d'expertise, de nature à établir l'existence, l'origine et le montant du passif mis à sa charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que dans ses conclusions d'appel il avait expressément fait valoir qu'en raison du fait qu'il ne disposait pas de toutes les informations concernant l'origine exacte du passif mis à sa charge par l'expert, il était dans l'impossibilité de pouvoir utilement s'expliquer sur celui-ci ; qu'il avait en particulier indiqué qu'une partie importante du passif provenait d'une décision de la société de procéder à une dépréciation de son stock sans qu'il en connaisse la raison ; qu'il avait également indiqué qu'une autre partie du passif semblait provenir de la négligence de la société X... et fils à poursuivre les instances en cours au jour où la société Sopex en a pris le contrôle ; qu'en statuant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le rapport litigieux contenait des informations suffisantes pour permettre à M. X... d'en discuter utilement les conclusions la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

4 ) qu'une dépréciation de stock ne peut justifier la mise en oeuvre d'une clause de garantie d'actif que si cette dépréciation trouve sa cause dans un événement intervenu pendant la période couverte par la garantie ; que dans ses conclusions d'appel, il avait expressément fait valoir que la cause de la dépréciation des stocks décidée par la société X... et fils et mise à sa charge au titre de la garantie d'actif et de passif du 8 juillet 1993 n'était pas précisée au rapport de sorte que rien n'établissait qu'elle lui était imputable ; que dans son rapport l'expert se borne en effet à relever que des dépréciations de stocks ont été décidées par la société X... et fils le 30 septembre 1993, soit après le 8 juillet 1993, et à affirmer que ces dépréciations étaient justifiées pour un montant total de 244 402 francs sans en préciser la cause ni dire en quoi les dépréciations décidées le 30 septembre 1993, trouvaient leur origine dans un événement intervenu pendant la période couverte par la garantie souscrite par M. X..., la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

5 ) qu'une créance irrécouvrable ne peut être retenue dans le cadre d'une garantie de passif que si ce caractère irrécouvrable est établi et qu'il trouve sa cause dans un événement intervenu pendant la période de garantie ; que dans ses conclusions d'appel, il avait expressément fait valoir que rien dans le rapport de l'expert ne permettait d'affirmer que l'augmentation du passif retenu à sa charge lui était imputable ; qu'en effet dans son rapport l'expert affirme l'existence de 33 créances irrécouvrables pour un montant total de 411 320,50 francs ;

que pour en justifier, il se contente d'affirmer avoir vérifié le caractère irrécouvrable des créances clients ; qu'il se borne à constater que ces créances étaient antérieures au 30 septembre 1992 ; qu'il ne précise pour aucune d'entre elles sur quel élément il s'est fondé pour constater leur caractère irrécouvrable ; qu'il ne joint à son rapport aucune pièce de nature à en justifier ; qu'il ne constate à aucun moment que le caractère irrécouvrable des créances était imputable à un événement intervenu pendant la période de garantie ; qu'en le condamnant à payer à la société X... et fils, au titre de la garantie souscrite le 8 juillet 1993, une somme incluant les créances retenues comme irrécouvrables par l'expert, sur la foi des seules affirmations dénuées de toutes justifications et d'où il ne résulte pas que le caractère irrécouvrable de ces créances était imputable à un événement intervenu pendant la période couverte par la garantie, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article 16 du nouveau Code de procédure civile n'interdit de retenir les documents produits par les parties que si elles n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement ; que l'arrêt relève d'un côté, que M. X... a été informé de toutes les opérations de l'expert comptable concernant le passif non comptabilisé lors de la cession, de l'autre, qu'il a été mis en mesure, tant avant toute procédure, qu'au cours de l'instance, de prendre connaissance du rapport de celui-ci et d'en débattre contradictoirement ;

qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que M. X... ne discute pas le principe de l'existence d'un passif, mais se contente d'en contester le quantum sans apporter aucun élément de preuve, alors qu'en sa qualité d'ancien gérant il peut raisonnablement disposer des moyens de le faire ; que la cour d'appel dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qui n'était pas tenue de suivre M. X... dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision ;

D'ou il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.