Livv
Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 29 mars 2018, n° 16/04511

PAU

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darracq

Conseillers :

Mme Morillon, Mme Janson

Avocat :

Selarl CDB Avocats

T. com. Pau, du 6 déc. 2016

6 décembre 2016

Faits et procédure

M. A, M. B, et M. C ont créé en 2007 la société Midi Pyrénées Antico, société à responsabilité limitée au capital de 10 000 € dont 20 % a été libéré à sa constitution. A la suite d'une cession de parts intervenue le 28 septembre 2012, MM. A et B en sont devenus les seuls associés.

La société Midi Pyrénées Antico a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 décembre 2013.

Après avoir exigé en vain des deux associés le paiement du capital social non libéré, la société X, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Midi Pyrénées Antico, les a assignés en paiement par acte du 18 avril 2016 devant le tribunal de commerce de Pau.

Par jugement du 6 décembre 2016, le tribunal a :

- « constaté que la compensation entre les comptes courant associés et la créance de libération de capital social est intervenue de plein droit avant la date d'ouverture de la procédure collective, et même si elle n'a pas été constatée par une écriture comptable dans le grand livre de la société »,

- débouté la société X ès qualités de l'ensemble de ses demandes,

- condamné cette dernière à payer à chacun des défendeurs la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté MM. A et B du surplus de leurs demandes,

- condamné la société X ès qualités aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 29 décembre 2016, la Selarl Egide anciennement dénommée la Selarl X a interjeté appel de cette décision.

Le procureur général, à qui le dossier de la procédure a été régulièrement communiqué, a indiqué s'en rapporter par mention au dossier du 6 novembre 2017.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 17 janvier 2018, la clôture de l'instruction de l'affaire a été déclarée.

Prétentions des parties

Selon dernières conclusions du 31 mars 2017, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Egide anciennement dénommée société X, en sa qualité de liquidateur de la société Midi Pyrénées Antico, demande à la cour de :

Vu l'article L.624-20 du code de commerce,

- voir dire qu'il a été mal jugé, bien appelé,

- condamner MM. A et B à régler chacun la somme de 4000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2014,

- les condamner aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions du 31 mai 2017, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, MM. A et B demandent à la cour de :

Vu les articles 1289, 1190 et 1191 du code civil,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- débouter la société Egide ès qualités de toutes demandes,

- la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl CDB, avocats, ainsi qu'au paiement de la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Aux termes de l'article L. 624-20 du code de commerce, le jugement d'ouverture rend immédiatement exigible le montant non libéré du capital social.

En application de cette disposition, et au vu du grand livre général de la société Midi Pyrénées Antico, le liquidateur a mis en demeure MM. A et B, par lettres simples puis par courriers recommandés avec accusé de réception du 21 juillet 2014, de payer chacun la somme de 4 000 € au titre du capital social non libéré.

Les associés ont répondu par l'intermédiaire de leur conseil qu'un virement de 9 000 € avait été fait à ce titre le 17 août 2012 ; que si, suite à une erreur matérielle, cette somme avait été inscrite sur leur compte courant et non en libération du capital, cependant cette somme avait bien été apportée dans la société et qu'une compensation de plein droit s'était opérée ; qu'ils étaient disposés à effectuer une déclaration de créance rectificative au titre de leurs comptes courants en la réduisant du montant du capital effectivement libéré.

Le jugement déféré a débouté le liquidateur de sa demande en paiement en considérant qu'une compensation légale avait effectivement eu lieu.

Au soutien de sa demande de réformation de cette décision, la société Egide ès qualités fait valoir qu'en application d'une jurisprudence constante, les créances en compte courant des associés, qui sont nées du prêt consenti à celle-ci, ne sont pas connexes avec les dettes des associés au titre de la libération du capital social, qui dérivent du contrat de société ; que du fait de cette absence de connexité, il ne peut pas y avoir de compensation après l'ouverture de la procédure collective. Elle ajoute que le virement allégué de 9 000 € du 17 août 2012 ne peut opérer compensation dès lors qu'il n'est pas établi que ce paiement ait été affecté à la libération du capital social.

MM. A et B ne contestent pas que la compensation ne puisse plus avoir lieu après l'ouverture de la procédure collective, s'agissant de dettes non connexes. Ils soutiennent cependant qu'une compensation s'est opérée de plein droit suite au virement de 9 000 € qu'ils ont effectué le 17 août 2012.

Aux termes des articles 1290 et 1291 du code civil (anciens), applicables en la cause, la compensation s'opère de droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives. La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.

Il résulte de ces dispositions que pour pouvoir se compenser, les deux dettes doivent être certaines, liquides, et exigibles.

Les statuts de la société Midi Pyrénées Antico, établis le 22 juin 2007, précisaient que le capital social avait été libéré à hauteur de 2 000 €, et que la libération du surplus à hauteur de 8 000 € interviendrait sur décision du gérant.

La dette des associés au titre de la fraction non libérée du capital social était donc, à cette date, certaine et liquide, mais non exigible.

Or il ne résulte d'aucun élément du dossier que les cogérants, MM. A et B, aient pris la décision en août 2012 de libérer le surplus du capital social.

Il ressort au contraire des statuts mis à jour le 28 septembre 2012, suite à la cession de parts sociales intervenue, qu'à cette date le capital social n'était toujours pas libéré dans son intégralité, puisque l'article 7 des statuts, relatif au capital de la société, stipule : « le capital social est fixé à la somme de 10 000 € ; il est divisé en 100 parts sociales de 100 € libérées à concurrence de 20 %, souscrites en totalité par les associés et attribuées dans la proportion de leurs apports et aux termes d'une cession de parts en date du 28 septembre 2012, savoir M. B 50 parts, et M. A 50 parts. »

Le virement de 9 000 € effectué par les cogérants le 17 août 2012 n'était donc pas destiné à régler la fraction non libérée du capital social, contrairement à ce qui est soutenu, étant observé au surplus qu'il n'est versé aux débats aucune pièce, telle qu'une attestation de l'expert comptable de la société, établissant l'existence d'une erreur quant à l'affectation des fonds, qui auraient été inscrits à tort en compte courant d'associé.

La compensation légale dont se prévalent MM. A et B n'a donc pas pu avoir lieu.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de condamner ces derniers au paiement de la somme de 4000 € chacun au titre de la libération du capital social, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2014.

Les intimés, partie perdante, seront également condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Condamne MM. A et B à payer chacun la somme de 4000 € à la société Egide ès qualités, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2014.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. A et B à payer chacun à la société Egide ès qualités la somme de 800 €,

Les condamne aux dépens de première instance et d'appel,

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.