Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-20.482
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Petit
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Mobil-Homes Investissements (la société), ayant M. X... pour gérant et pour associés, à égalité, ce dernier et M. Y..., proposait l'acquisition de "mobile homes" qui devaient être mis en location sur des terrains de camping ; que dans sa publicité, la société promettait un revenu minimum de 2 500 euros par an et indiquait que pendant la première année de fonctionnement, si l'investisseur n'était pas satisfait, il serait remboursé en totalité de son investissement ; que M. Z... et Mme A... ont, les 13 octobre et 12 décembre 2003, signé un bon de commande d'un "mobile home" dans des termes reprenant ceux des documents publicitaires ; que la société a été dissoute sans avoir tenu ses engagements ; que M. Z... et Mme A... ont fait assigner MM. Y... et X... et demandé leur condamnation au paiement de diverses sommes ; qu'ils ont en outre fait assigner la société Les Sources, exploitant le terrain de camping sur lequel les "mobile homes" avaient été installés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. X..., à payer à M. Z... et à Mme A... la somme de 26 900 euros et celle de 4 000 euros en réparation de leur préjudice alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit préciser, pour toutes les parties dont il retient la responsabilité, la nature et le fondement de cette responsabilité ; qu'en condamnant M. Y... à verser des dommages-intérêts à M. Z... et Mme A..., sans préciser si M. Y... engageait sa responsabilité en qualité d'associé, de gérant de fait ou de salarié ayant excédé les limites de sa mission, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'à l'égard des tiers, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est pas responsable des fautes commises dans la gestion de la société, à moins que, ayant eu la qualité de gérant de fait, il ait personnellement commis ces fautes ; qu'en retenant la responsabilité de M. Y... au titre des fautes commises dans la gestion de la société Mobil-Homes Investissements à l'égard de M. Z... et Mme A..., et en le condamnant in solidum avec M. X..., gérant de droit, à les indemniser de leur préjudice par des motifs d'où ne résulte pas que M. Y... aurait eu qualité de gérant de fait de la société Mobil-Homes Investissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-22, alinéa 1er, du code de commerce et 1382 du code civil ;
3°/ que la décision prise par les associés de dissoudre de manière anticipée une société n'a pour effet ni de rendre caducs ses engagements ni d'éteindre les créances détenues par les tiers sur la société ; que ceux-ci peuvent toujours agir à l'encontre de la société ou, le cas échéant, rechercher la responsabilité du liquidateur pour les fautes commises par celui-ci dans la réalisation des opérations de liquidation ; que, dès lors, le seul fait pour un associé de voter la dissolution anticipée de la société ne peut constituer une faute propre à préjudicier pas aux intérêts des créanciers celle-ci ; qu'en retenant la responsabilité de M. Y... au motif qu'il avait décidé la dissolution de la société Mobil-Homes Investissements ce qui, selon elle, aurait « effacé » les créances appelants et rendu « caducs » les engagements de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 1844-7 et L. 1844-8 du code civil et les articles L. 237-2 et L. 237-24 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société n'a été aux mains de M. X... qu'un instrument lui permettant d'encaisser les fonds des clients investisseurs, par des procédés frauduleux, en refusant d'exécuter les obligations de garantie contractées au travers de cette société et en faisant obstacle frauduleusement à toute poursuite de la part de ses clients, l'arrêt ajoute que la collusion entre MM. X... et Y... est complète ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que la société ne constituait qu'une fausse apparence destinée à masquer les agissements de MM. X... et Y..., et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autre recherche, a pu retenir que ce dernier avait commis des fautes l'obligeant à réparer le préjudice qu'elles avaient causé et a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que M. Z... et Mme A... demandaient, en sus de la nullité des contrats de vente des mobil-homes, l'octroi à chacun d'eux d'une somme de 26 900 au titre de « remboursement » du prix payé à la société Mobil-Homes Investissements pour l'achat des mobil-homes, comme conséquence de la nullité des contrats de vente également demandée, outre l'octroi d'une somme de 5 000 chacun « en réparation du préjudice subi » ; qu'après avoir déclaré irrecevables la demande en nullité des contrats de vente, la cour d'appel leur a octroyé une somme de 26 900 chacun « au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de leur investissement » qu'en modifiant ainsi l'objet et la cause des demandes, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que M. Z... et Mme A... ayant précisé dans leurs écritures d'appel qu'ils demandaient la condamnation de M. Y... à leur payer la somme de 26 900 euros au titre de l'article 1382 du code civil, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que pour condamner M. Y... à payer à M. Z... et à Mme A... la somme de 26 900 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que sans les manoeuvres dont ils ont été victimes, ces derniers n'auraient pas investi en pure perte à hauteur de la somme de 26 900 euros chacun ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les "mobile homes" avaient été donnés en location et qu'elle condamnait la société "Les Sources" à payer à M. Z... et à Mme A... les loyers qu'elle avait perçus, pour leur compte, au titre de ces locations, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le principe susvisé ;
Et sur la quatrième branche du moyen :
Vu le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que l'arrêt condamne M. Y... à payer à M. Z... et à Mme A... une indemnité de 4 000 euros au titre de la privation, depuis 2003, des sommes versées et de la perte du gain escompté au cours de la première année de location ;
Attendu qu'en statuant ainsi, tout en condamnant la société Les Sources à payer à M. Z... et à Mme A... le montant des loyers encaissés par celle-là en qualité de gérante des affaires de ceux-ci pendant les six premières années de location, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à M. Z... et à Mme A... la somme de 26 900 euros et celle de 4 000 euros, à titre de dommages-intérêts ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.