CA Grenoble, ch. com., 23 juin 2016, n° 14/03885
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rolin
Conseillers :
Mme Pages, Mme Esparbès
Avocat :
Selarl Lexavoue Grenoble
Par acte sous-seing-privé du 1er juin 2002, Monsieur Ben Mohamed M., aux droits duquel se trouve Madame Fatma M., a donné à bail commercial à la SA Utah des locaux situés à Saint-Marcellin qui ont été endommagés par un incendie le 3 août 2005 ;
Par acte en date du 10 novembre 2010, Madame Fatma M. a mis en demeure la société Utah de procéder aux travaux de réparation des locaux conformément aux dispositions de l'article L. 145-17 I du code de commerce ;
Sur assignation en date du 25 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Grenoble a, par jugement en date du 12 mai 2014, débouté la bailleresse de sa demande en constatation de la résiliation du bail commercial, des demandes accessoires et en dommages et intérêts, a condamné la locataire à lui payer la somme de 203 € au titre de la taxe foncière et a débouté celle-ci de ses demandes reconventionnelles ;
Madame Fatma M. et la société Utah ont relevé appel de cette décision les 31 juillet 2014 et 17février 2015 ;
La jonction des procédures a été prononcée le 7 mai 2015 ;
Par conclusions du 25 septembre 2015, Madame Fatma M. demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Utah à lui régler la somme de 203 € au titre de la taxe foncière,
- l'infirmier pour le surplus,
- constater que la locataire est tenue d'entretenir les lieux loués et de les maintenir en bon état d'usage,
- constater que la société Utah s'oppose à ce qu'un huissier puisse constater l'état des lieux ce qui constitue en soi un manquement à ses obligations contractuelles,
- constater que des photographies récentes démontrent que le local commercial est particulièrement mal entretenu et que le locataire le laisse progressivement se délabrer,
- constater que si des travaux ont été réalisés en 2012, soit 7 ans suite à l'incendie ayant détérioré les lieux, ces travaux n'ont été que parti els,
- constater qu'en dépit de ses obligations contractuelles, la société Utah ne règle pas la taxe des ordures ménagères pourtant mise à sa charge,
- dire et juger que l'ensemble de ces inexécutions constitue des manquements graves aux obligations contractuelles du preneur,
- ordonner la résolution judiciaire du contrat de bail commercial et l'expulsion de la société Utah,
- dire et juger que la société Utah est redevable d'une indemnité d'occupation suite à la résiliation du bail à compter de la décision à intervenir,
- condamner la société Utah à lui payer les sommes de 390 € au ti tre des taxes d'orduresménagères, 2 000 € à titre de dommages et intérêts et 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Elle fait valoir en substance :
- que la société Utah n'a pas rempli son obligation d'entretenir les lieux loués ainsi que le démontre le procès-verbal de constat établi le 25 mars 2011, quatre mois après la mise en demeure ;
- que les travaux dont se prévaut la locataire n'ont été effectués que 18 mois après et ne sont que partiels ;
- que la locataire lui a interdit l'accès des lieux en violation de l'article 4 du bail, n'a pas réglé la taxe des ordures ménagères manquant ainsi gravement à ses obligations contractuelles ce qui justifie la résolution du bail ;
Par écritures du 26 février 2015, la société Utah conclut à la réformation du jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et à la condamnation de Madame Fatma M. à produire sous astreinte des factures et à lui donner quittance des loyers payés, à sa confirmation pour le surplus et à la condamnation de Madame Fatma M. à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en faisant valoir :
- que l'incendie n'a pas touché la structure de l'immeuble et elle a fait réaliser les travaux de reprise nécessaires ainsi qu'il résulte du constat en date du 6 avril 2012 et par conséquent, il ne peut lui être imputé ni faute, ni préjudice ;
- que la clause résolutoire est d'interprétation stricte et en tout état, la résiliation suppose la constatation d'une faute suffisamment grave pour être prononcée ;
- que depuis 2010, le bailleur ne délivre ni quittances ni factures, documents nécessaires à sa comptabilité ;
La clôture de la procédure a été prononcée le 31 mars 2016';
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que suite à l'incendie survenu le 3 août 2005 dans les lieux loués, M. Ben Mohamed M. a demandé par lettre du 16 novembre 2009 à la locataire de remettre le bâti ment en état et a listé les travaux à réaliser puis par acte en date du 10 novembre 2010, Mme Fatma M. l'a mise en demeure de procéder auxdits travaux';
Que s'il résulte d'un procès-verbal de constat dressé le 25 mars 2011 que les travaux n'étaient toujours pas effectués à cette date, la société Utah produit un constat en date du 6 avril 2012démontrant que les travaux de peinture ont été réalisés, les plaques de fibrociment cassées et les fusibles remplacés et la boîte de dérivation supprimée';
Qu'ainsi, il a été satisfait à la mise en demeure étant relevé qu'il n'est pas démontré que les travaux d'isolation de la toiture sont en lien avec l'incendie dont il est établi par le constat du 10 novembre2010 qu'il a seulement causé des dommages de propreté et alors que la preuve d'une isolation existant antérieurement à la date de l'incendie n'est pas plus rapportée';
Attendu qu'il n'est justifié que du montant de la taxe foncière 2010 soit 203 € et ainsi que l'ajustement indiqué le tribunal, le surplus correspondant au domicile personnel de la bailleresse';
Que la société Utah, qui a l'obligation de laisser pénétrer dans les lieux loués la bailleresse ou toute personne qu'elle déléguera pour en constater l'état, a interdit l'entrée à l'huissier de justice désigné par Mme Fatma M., manquant ainsi à son obligation contractuelle';
Qu'enfin, la bailleresse se prévaut d'un défaut d'entretien des lieux sans en justifier, les photos produites aux débats n'étant pas probantes ;
Attendu que si les infractions sont caractérisées, il demeure que Mme Fatma M. n'a pas entendu mettre en oeuvre la clause résolutoire du contrat de bail laissant ainsi la sanction de la résiliation à l'appréciation du juge au regard de la gravité de la faute commise ;
Que l'impayé de la taxe 2010 et le refus de laisser pénétrer un huissier de justice dans les lieux loués ne sont pas des infractions d'une gravité suffi sante pour prononcer la résiliation du bail alors que les loyers sont régulièrement payés, que la locataire a réclamé une justification du montant de ladite taxe et qu'elle a pu se méprendre sur la portée de son obligation de laisser la bailleresse pénétrer dans les lieux';
Que par conséquent, la demande en résiliation du bail sera rejetée';
Att endu qu'aux termes du bail, la société Utah a l'obligation d'adresser à sa bailleresse le montant de l'échéance du loyer sans nécessité de recevoir préalablement un avis d'échéance de sorte que sa demande de ce chef n'est pas fondée';
Que si par lettres des 10 février 2010 et 13 janvier 2014, elle a sollicité l'envoi de « factures » avant de payer le montant des loyers, elle n'a jamais réclamé de quittance et ne justifie pas de sa demande qui ne comporte ainsi que l'a relevé le tribunal aucune précision quant aux mois pour lesquels la quittance est demandée';
Que le jugement sera confirmé';
Attendu que les parti es, dont les demandes sont partiellement accueillies, n'ont pas agi abusivement en justice et seront déboutées de leur demande en dommages et intérêts de ce chef';
Que l'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile
En faveur de la société Utah ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parti es en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Mme Fatma M. à payer à la SA Utah la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Fatma M. aux dépens.