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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 15 janvier 2014, n° 13/05822

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bien Fonds (SARL)

Défendeur :

Raimo Glacier (SARL) (ès qual.), Mandataire MJA (Sté) (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Blum, Mme Reghi

Avocat :

Selarl Des Deux Palais

TGI Paris, du 14 mars 2013, n° 13/00785

14 mars 2013

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure :

Par acte notarié du 18 mars 2008, la sarl Bien Fonds a consenti à la sarl Raimo Glacier un bail commercial portant sur des locaux situés [...] pour l'exploitation d'un commerce de « salon de thé, glacier, restaurant » (article 8.1.1 du bail), étant précisé que les locaux loués sont à destination de « salon de thé, glacier, restaurant, laboratoire de fabrication de glaces et crèmes glacées et produits annexes et vente au détail, demi-gros, gros » (page 15 du bail).

La sarl Raimo Glacier a fait procéder après la prise à bail avec l'accord du bailleur à des travaux de transformation, visant notamment à modifier et réunir les locaux constitués à l'origine de trois boutiques et notamment au déplacement de la cuisine.

Dès la fi n de l'année 2011, la sarl Raimo Glacier a fait part de la nécessité de modifier la gaine de ventilation de la cuisine et par courrier du 3 janvier 2012, la société Raimo Glacier a sollicité l'autorisation de réaliser une aspiration forcée de l'air vicié par le biais d'une tourelle d'extraction placée au sommet d'une cheminée, soit par un conduit extérieur fixé sur la façade de la cour intérieur de l'immeuble, soit par le conduit existant, ce dernier devant alors être tubé. Cette demande a été, à la demande de la sarl Bien Fonds, inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée des copropriétaires qui s'est déroulée le 27 septembre 2012.

Cette résolution a été rejetée à l'unanimité des copropriétaires présents et représentés parmi lesquels la sarl Bien Fonds qui s'était fait représenter à l'assemblée.

Un litige s'est instauré entre certains occupants de l'immeuble et la sarl Raimo Glacier en raison des nuisances que cette dernière aurait occasionnés, nuisances notamment sonores et olfactives dénoncées à la préfecture de police.

Le 9 octobre 2012, le bureau des actions contre les nuisances de la préfecture de police, saisi d'une plainte relative à des nuisances olfactives provenant de l'établissement Raimo, a invité alors la sarl Raimo Glacier à faire notamment procéder dans un délai de trois mois à des travaux permettant une arrivée d'air frais en cuisine et une évacuation de l'air vicié par un conduit débouchant à plus de 8 mètres de tout ouvrant ou prise d'air neuf. Était joint à la lettre d'injonction le rapport établi par l'inspecteur de salubrité, lequel avait procédé à une enquête sur place le 21 septembre 2009 et considéré que l'installation de ventilation de cuisine n'était pas conforme à la réglementation.

Deux autres demandes ont été présentées par la préfecture de police, l'une le 13 avril 2102concernant les nuisances sonores et sollicitant la réalisation d'une étude acoustique, l'autre le 14décembre 2012 concernant diverses mesures de sécurité des établissement de 5ème catégorie recevant du public, à savoir le sens d'ouverture de l'issue de secours, la vérification de l'alarme incendie et la levée des réserves de l'APAVE concernant l'installation électrique, le défaut d'isolement de la réserve, l'absence d'un ferme porte, et l'isolation du conduit de ventilation de la salle de restaurant, la fourniture d'un accord suivant acte authentique autorisant le dégagement du public par le couloir empruntant les parti es communes ; en réponse le 9 janvier 2013, la société Raimo Glaicier indiquait que tous les points étaient réglés à l'exception du point 9 qui était en cours de règlement, et des points 1, 2 et 4 concernant le sens d'ouverture de la porte d'issue de secours donnant sur les parti es communes, l'autorisation d'utiliser les parti es communes pour l'évacuation du public et l'isolement de la réserve ; la société Bien Fonds a accepté de prendre à sa charge ce dernier point.

La sarl Raimo Glacier a fait citer la sarl Bien Fonds à jour fixe, par acte extrajudiciaire en date du 9janvier 2013 aux fi ns de voir prononcer la résiliation du bail.

Par jugement du 14 mars 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- prononcé la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 13/785 et 13/1103,

- prononcé la résiliation du bail consenti par la sarl Bien Fonds à la sarl Raimo Glacier sur les locaux situés [...],

- fixé l'indemnité d'occupation due par la sarl Raimo Glacier à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les charges,

Avant dire droit sur le préjudice subi par la sarl Raimo Glacier désigné en qualité d'expert M. V. avec pour mission de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

Visiter les lieux, les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire

Rechercher, en tentant compte de la nature des activités professionnels autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le montant du préjudice subi du fait de la résiliation du bail du fait,

*d'une perte de fonds valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d'une importance identique , de la réparation du trouble commercial,

*de la possibilité d'un transfert de fonds, sans perte conséquente de la clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et en tout état de cause, le coût d'un tel transfert comprenant: l'acquisition d'un titre locatif ayant les mêmes avantages que l'ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement, et de réinstallation, réparation du trouble commercial d'une perte partielle de clientèle,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la sarl Bien Fonds aux entiers dépens,

La sarl Bien Fonds a relevé appel du jugement, et par ses dernières conclusions du 23 octobre2013, demande à la Cour de :

A titre principal, déclarer la société Raimo Glacier, Me C. et la société mandataire MJA irrecevable pour défaut d'un intérêt né, actuel et légitime à agir par application des articles 31 et 122 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, vu l'article 1134 du Code civil,

Vu la clarté des clauses de non-recours contre le bailleur insérées dans le bail du 18 mars 2008rédigé par Raimo Glacier et l'autorisation clairement donnée au locataire avant le rendez-vous de signature de commander et d'effectuer sous sa responsabilité exclusive l'ensemble des travaux, y compris ceux concernant l'extracteur et les gaines de la cuisine, correspondant aux besoins qu'elle avait définis dans le cadre de son activité limitée de restauration,

Vu l'absence de reproche par la société Raimo Glacier d'une absence de délivrance des locaux permettant d'exercer l'activité de restauration jusqu'à l'assignation du 20 décembre 2012 compte tenu de l'absence de faute de la société Bien Fonds sur ce point,

Vu l'absence de faute dolosive du bailleur permettant d'écarter les clauses exonératoires de responsabilité,

Débouter la société Raimo Glacier, Me C. et la société mandataire MJA de l'ensemble de leurs demandes, par application des clauses exonératoires de responsabilité du bailleur prévues dans le bail du 18 mars 2008,

A titre très subsidiaire sur le fond, vu les articles 1134 du Code Civil, 5 et 455 du code de procédure civile,

Vu le mail de Raimo Glacier du 5 février 2008 dont Bien Fonds a eu connaissance le 14 octobre2013 par un ti ers et le jugement de redressement judiciaire du 10 octobre 2013 qui ne mentionne pas la faute du bailleur comme cause des difficultés de Raimo Glacier,

Débouter la société Raimo Glacier, Me C. et la société Mandataire MJA de leur demande de résolution judiciaire du bail du 18 mars 2008 en l'absence de faute du bailleur comme l'exige l'article 1741 du Code civil et encore moins de manquement grave de sa part, comme l'exige l'article 1184 du même code,

Donner acte à la société Bien Fonds qu'elle renonce à son appel en garanti e contre le Syndicat des copropriétaires puisque l'autorisation a été accordée à l'unanimité par assemblée du 16 mai 2013,

Débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes formées contre Bien Fonds,

Vu les articles 1147, 1148, 1150 et 1151 du Code civil,

Vu les éléments nouveaux, notamment la reprise de l'exploitation par la société Raimo Glacier le 6avril 2013 et l'autorisation donnée à l'unanimité par le syndicat des copropriétaires du [...] par Assemblée du 16 mai 2013,

Vu le refus de la société Raimo Glacier d'effectuer les travaux malgré l'obtention de l'autorisation,

Débouter la société Raimo Glacier, Me C. et la société mandataire MJA de l'ensemble de leurs demandes, fi ns et conclusions, faute de rapporter la preuve d'un préjudice indemnisable et d'un lien de causalité avec une faute contractuelle du bailleur,

Vu l'article 146 alinéa 2 de du Code de procédure civile et l'absence de communication par Raimo Glacier de ses bilans et grands Livres de 2008 à ce jour,

Débouter la société Raimo Glacier, Me C. et la société mandataire MJA, de leur demande d'expertise, celle-ci n'ayant pas pour objet de suppléer la carence de Raimo Glacier dans l'administration de la preuve du préjudice allégué,

Donner acte à la société Bien Fonds, qu'elle se réserve la faculté de solliciter la résolution du bail aux torts de la société Raimo n Glacier si celle-ci ne reprend pas le paiement des loyers,

Condamner la société Raimo Glacier au paiement de la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et fixer cette somme au passif de ladite société à titre chirographaire, conformément à la déclaration de créance adressée le 18 octobre 2013,

Condamner la société Raimo Glacier au paiement d'une somme de 15 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux·enti ers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

La sarl Raimo Glacier par ses dernières conclusions en date du 18 octobre 2013 demande à la Cour de :

Accueillir Me C. et Me L. es qualités en leur intervention volontaire,

Confirmer le jugement rendu le 14 mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de Paris.

En conséquence,

Prononcer la résiliation du bail consenti par la sarl Bien Fonds à la sarl Raimo Glacier sur les locaux situés [...],

Désigner tel expert avec pour mission de :

- se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

- visiter les lieux, les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé,

- rechercher en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et l'état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le montant du préjudice subi du fait de la résiliation du bail du fait :

- d'une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d'importance identique, de la réparation du trouble commercial,

- de la possibilité d'un transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et, en tout état de cause, le coût d'un tel transfert comprenant : acquisition d'un titre locatif ayant les mêmes avantages que l'ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial,

- d'une perte partielle de clientèle.

Infirmer la décision des premiers juges en fixant la date de résiliation du bail commercial au 18 mars 2008 et en fixant à compter de cette date une indemnité d'occupation égale à la valeur locative,

Dire que la société Bien Fonds sera tenue de restituer la différence entre les loyers perçus et l'indemnité d'occupation telle qu'elle sera établie par l'expert.

Avant dire droit,

Désigner tel expert qui aura pour mission d'évaluer ladite indemnité,

Dire que la Société Raimo Glacier n'est redevable d'aucun loyer ou indemnité d'occupation depuis le 9 janvier 2013,

Condamner par provision la Société Bien Fonds à payer à la Société Raimo Glacier une somme de 600 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamner la société Bien Fonds à payer à la Société Raimo Glacier une somme de 20 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Bien Fonds en tous les dépens,

Débouter la société Bien Fonds de ses demandes reconventionnelles,

Débouter le Syndicat des copropriétaires du [...] de l'intégralité de sa demande.

SUR CE

Sur l'intérêt à agir de la société Raimo Glacier :

La société Bien Fonds fait valoir qu'en vertu de l'article 31 du code de procédure civile, le justiciable doit justifier d'un intérêt légitime pour agir et ne peut invoquer sa propre turpitude, qu'en l'espèce, le preneur est à l'origine de la situation qu'il dénonce, puisque c'est lui qui a commandé et fait effectuer les travaux, y compris ceux de sa cuisine en fonction des besoins qu'il a lui-même définis en 2008, à savoir, une restauration « type snack » sans cuisson sur place, en accessoire à la vente de glaces du salon de thé, que si la demande soumise à l'assemblée générale a été rejetée à l'unanimité, c'est parce que le vague devis de 2 548 € de la société Air Ventilation du6 décembre 2011 fourni par la locataire n'était pas conforme à la réglementation, que l'intérêt à agir doit être personnel, né, actuel et légitime, qu'un intérêt éventuel ne peut être pris en considération, celui-ci devant exister au moment où la demande en justice est formée, qu'en l'espèce, au jour de la demande, il n'existait aucune interdiction d'exploiter et aucune poursuite pénale n'avait été notifiée au preneur, que le preneur n'avait pas besoin de saisir un Tribunal pour « voir déterminer les obligations du bailleur à son égard » puisqu'il reconnaissait le 3 janvier 2012 à propos de l'extracteur de la cuisine que « ce sujet a été mal traité lors des travaux », ce qui exonérait le bailleur de toute obligation à cet égard, que c'est de manière purement hypothétique que le Tribunal a indiqué que le preneur « se voit exposé à terme à devoir cesser son activité et indemniser les occupants de l'immeuble » puisque la Préfecture avait confirmé au preneur qu'il pouvait, dans l'att ente des travaux, poursuivre son exploitation dans la limite de 50 personnes reçues simultanément.

Or à la date à laquelle la société Raimo Glacier a agi en justice pour voir prononcer la résiliation du bail, il existait un litige avec la copropriété au sujet des nuisances notamment olfactives et l'assemblée générale de la copropriété lui avait refusé les travaux de ventilation qu'il lui était par ailleurs enjoint d'effectuer par l'inspecteur de la salubrité dépendant de la préfecture de police de sorte que la société Raimo Glacier avait un intérêt né à agir pour voir dire quelles étaient les obligations du bailleur à son égard concernant la conformité des locaux aux normes applicables, et voir tirer toute conséquence de ses manquements à cet égard ; cet intérêt est toujours actuel dès lors que, sauf l'autorisation donnée par l'assemblée générale de la copropriété à la locataire d'effectuer les travaux de ventilation, la société bailleresse continue de soutenir que cette obligation ne lui incombe pas.

Sur le fond :

Deux points opposent essentiellement les parti es : la réalisation de la ventilation mécanique de la cuisine et l'autorisation d'utiliser les parti es communes comme issues de secours ;

La société Raimo Glacier fait valoir qu'il appartenait à la bailleresse de permettre à sa locataire d'exploiter l'activité contractuellement prévue, qu'elle invoque vainement diverses clauses du bail pour échapper à son obligation de délivrance qui est de l'essence même du contrat de bail, que le fait pour le preneur d'accepter les locaux en l'état ne permet pas au bailleur de se dégager du respect de cette obligation, comme le fait de prévoir que le preneur fera son affaire personnelle du maintien en conformité des locaux et du respect des recommandations et injonctions des différentes administrations qui est de portée générale ;

La société Bien fonds rappelle que c'est un associé de la société Raimo Glacier M G. qui a proposé au Groupe Auffray dont elle est une filiale, d'acheter les murs commerciaux de l'immeuble [...] mis en vente par la sci Raimo, la société Raimo Glacier souhaitant acheter le fonds pour y développer une activité de glacier, salon de thé et restauration légère, et y effectuer des travaux de rénovation qu'elle a autorisés, que ces travaux comprenaient des travaux de démolition des installations de la cuisine existante et notamment les hottes d'extraction et gaines de ventilation, que la société Raimo Glacier a d'abord fait le choix d'un tubage du conduit et d'une tourelle extérieure qui a été refusé par le copropriété comme non conforme, qu'elle a fait ensuite procéder à un devis d'un conduit extérieur qui a été accepté par la copropriété, qu'elle doit seule supporter la réalisation de ces travaux correspondant à ses besoins limités en matière de restauration, qu'elle n'a d'ailleurs jamais demandé la réalisation de ces travaux au bailleur jusqu'au 20 décembre 2012, que les clauses du bail prévoient que le bailleur est déchargé de toute obligation de délivrance, le preneur prenant les locaux en état, reconnaissant qu'ils sont conformes à la destination prévue au bail et s'engageant à faire son affaire personnelle pendant toute la durée du bail du maintien de la conformité au regard de toutes réglementations administratives de manière que le bailleur ne soit pas inquiété, à se conformer à toutes les réglementations et injonctions émanant des commissions d'hygiène et de sécurité, à supporter toutes les charges relatives aux équipements de l'immeuble tels la ventilation, les installations électriques, anti-incendie, à souscrire auprès d'organismes agréés, des contrats annuels de vérif cation des installations électriques, des extincteurs et se conformer à leurs prescriptions ; elle soutient que les travaux commandés par la société Raimo comportaient d'ailleurs des gaines de ventilation et des hottes d'extraction, que le grief d'absence de délivrance n'était pas expressément invoqué par la société Raimo Glacier et que le premier juge est allé au-delà de ce qui lui était demandé, qu'il est établi que la société Raimo Glacier connaissait le défaut de conformité, avant de signer le bail, comme le prouve l'échange de courrier avec la société Bien Fonds, que la seule obligation du bailleur est de relayer auprès du syndic la demande de travaux de la locataire, ce qu'elle a fait tant pour la première demande de travaux que pour la seconde ;

Il résulte de l'échange des courriers entre les parti es que la société Raimo Glacier était parfaitement informée de la nécessité de se mettre en conformité avec la réglementation relative à l'exploitation d'un salon de thé, glacier, restaurant rappelant dans un courriel adressé le 5 février2008 à la société Bien fonds la nécessité que la copropriété se prononce favorablement sur la poursuite de l'exploitation en place depuis plus de 50 ans en salon de thé, glacier et restaurant(souligné et en caractères gras dans le texte) et qu'elle adhère par avance aux nécessaires transformations en vue de la mise aux normes (désenfumage, reprise des conduits d'évacuation ..)Elle a présenté un projet de travaux de rénovation qui a été accepté par la bailleresse.

En octobre 2011, dans un courriel adressé par la société Glacier Raimo à la société Bien fonds, elleindiquait cependant ' j'ai plus que jamais besoin de faire des travaux d'extraction dans la cuisine 'expliquant en mai 2012 que l'extraction se fait actuellement par un conduit mais est insuffisante, l'extraction en poussée depuis les hottes ne fonctionnant pas correctement en raison du poids des colonnes d'air, que l'extraction ne peut se faire que par l'extérieur en ajoutant un conduit plaqué sur la façade ou par l'intérieur moyennant un tubage du conduit, l'alimentation électrique de la tourelle d'aspiration étant branchée sur le compteur de la société ;

C'est cette dernière proposition qui sera présentée à l'assemblée générale des copropriétaires laquelle a refusé cette mesure à l'unanimité comme n'étant pas conforme, ce qui n'a pas été sérieusement contesté alors par la société Raimo Glacier ; un devis d'une entreprise spécialisée la société Sotec Dual portant sur le réalisation d'un conduit extérieur a alors été demandé par la société Raimo Glacier qui a invité la bailleresse à le présenter rapidement à la copropriété ; celle-ci indiquait le 14 décembre 2012 qu'elle était sans nouvelle du conseil syndical qui avait lui-même pris contact avec une entreprise spécialisée et un bureau d'études mais qu'à défaut de réponse du conseil syndical, elle demanderait la convocation de l'assemblée générale ; le 15 janvier 2013, la société Raimo Glacier présentait un devis rectificatif ; le 16 mai 2013, l'assemblée générale de la copropriété a autorisé la société Raimo Glacier à effectuer les travaux de mise en conformité de l'extracteur de la cuisine de son restaurant, conformément aux devis de la société Sotec Dual et Aerespace, sans frais pour la copropriété et sous le contrôle de l'architecte de la bailleresse, la consultation d'un acousticien étant prévue et pris en charge par la société Bien Fonds.

La bailleresse ne peut cependant tirer de cette connaissance qu'avait la locataire des normes applicables en matière de restauration et de la nécessité pour elle de s'y conformer en ce qu'elle a tenté dans un premier temps de mettre en place une ventilation qui s'est avérée inefficace, l'obligation d'avoir à supporter les frais d'une extraction extérieure ; en effet, d'une part l'autorisation de travaux qui a été donnée initialement ne permettait pas d'intervenir sur les parties communes et l'aspect extérieur de l'immeuble qu'implique l'existence d'une tour extérieure installée dans la cour commune ; d'autre part, les dispositions du bail ne déchargent pas le bailleur de son obligation de délivrance comme l'ont justement apprécié les premiers juges qui en donnant aux prétentions des parti es leur juste qualification n'ont pas excédé leur pouvoir ; en effet, ni la clause selon laquelle le preneur prendra les lieux en état, ni celle trop générale et ne permettant pas de déterminer l'étendue de son engagement selon laquelle le preneur reconnaît que les locaux sont conformes à leur destination ne peuvent valoir décharge du bailleur de son obligation de délivrance ; la clause suivant laquelle le preneur maintiendra les locaux 'en conformité' au regard de toutes les réglementations administratives, se rapportant davantage aux conditions d'exercice de l'activité qu'aux locaux eux-mêmes, à défaut de précision suffi sante ; enfin, la clause selon laquelle le preneur supportera les charges liées aux équipements de l'immeuble et notamment ceux de ventilation ne peut trouver à s'appliquer, s'agissant de déterminer à qui incombe l'installation d'un tel équipement.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que la modification de la disposition des lieux par le preneur ne dispensait pas le bailleur de livrer les équipements nécessaires à l'exercice de l'activité prévue dans le bail.

Il n'est cependant pas démontré que postérieurement à la première décision de refus de l'assemblée générale de la copropriété, la bailleresse n'aurait pas fait toute diligence pour permettre la tenue d'une nouvelle assemblée générale ; la locataire indiquait elle-même le 9 janvier 2013 dans un courrier à la direction des transports de la préfecture de police que la bailleresse lui avait fait savoir qu'elle oeuvrait à la présentation d'un projet à destination du syndic et du conseil syndical afin de réunir une assemblée générale extraordinaire; la société Bien Fonds produit un courrier adressé le 8 mars 2013 au syndic lui demandant de convoquer d'urgence et à ses frais les copropriétaires de l'immeuble ; le seul fait que l'assemblée générale qui a été réunie le 16 mai 2013est en définitive une assemblée générale ordinaire ne contredit pas l'existence de diligences, l'allégation que la coordination des différents intervenants-architecte, syndic, locataire, bailleur – a été selon elle plus longue que prévue n'étant pas sérieusement contredite ;

S'agissant des infractions visées en décembre 2012 par la direction des transports de la préfecture concernant le sens d'ouverture de l'issue de secours donnant sur les parti es communes ou encore l'autorisation d'user de celles-ci pour l'évacuation du public et la nécessité d'isoler la réserve par rapport à la cave, la bailleresse justifie que la nécessité de devoir utiliser les parti es communes pour l'évacuation du public ne procède que de la configuration de la façade telle que conçue et réalisée par la locataire, la direction des transports admettant, sous réserve d'un avis technique, que l'un des pans en verre de la façade puisse servir de sorti e réglementaire ; la bailleresse avait d'ailleurs accepté en janvier 2013 de mandater un architecte pour étudier les problèmes techniques soulevés par les demandes de la préfecture et manifesté son accord à la prise en charge de l'isolation de la réserve ;

Il s'ensuit qu'aucun manquement de la bailleresse n'est caractérisé à cet égard, et qu'autorisation ayant été finalement donnée à la société Raimo Glacier d'effectuer les travaux qui incombaient à la bailleresse, le manquement par celle-ci de son obligation de mise en conformité des locaux ne permet pas de caractériser un moti f d'une gravité suffi sante pour voir résilier le bail dès lors que la société Raimo Glacier qui avait saisi la justi ce dès le mois de décembre 2012 sur assignation à jour fixe pouvait requérir l'exécution forcée par la société bailleresse de ses obligations. La locataire a d'ailleurs repris l'exploitation des locaux après la décision de redressement judiciaire dont aucun élément ne permet d'imputer la responsabilité au comportement de la bailleresse, étant observé que la société Raimo Glacier ne produit aucun élément comptable ou ti ré de la procédure collective relatif à son endettement et ses difficultés fi nancières en général ;

Elle justifie toutefois que le refus opposé par la bailleresse à la prise en charge d'un conduit extérieur d'extraction l'a contrainte à ne plus pouvoir servir de plats cuisinés, contrairement à la destination du fonds telle que prévue dans le bail ; elle ne produit cependant pour toute justification de son réjudice qu'une projection des pertes sur résultat de 2013 consécutive à l'arrêt de l'activité de restauration, établie sur feuille de papier libre, non certifiée par un expert-comptable, ce qui est insuffisant pour justifier des pertes fi nancières alléguées.

Il existe cependant un préjudice résultant du retard apporté à la réalisation de travaux indispensables à la poursuite de l'activité de la société exploitante, étant observé que lors de la première assemblée générale de copropriété, la bailleresse ne s'est pas présentée et s'est contentée d'envoyer un pouvoir en blanc sans instruction parti culière, ce qui ne lui a pas permis de connaître précisément et rapidement les raisons du refus et a retardé encore la résolution de la difficulté relative à l'absence d'extraction conforme de la cuisine ; ce préjudice peut être estimé par la cour sans recours à une expertise longue et coûteuse et sera suffisamment indemnisé par l'octroi d'une somme de 50 000 € ;

La société Raimo Glacier ne démontre aucune impossibilité d'exercer son activité, fut ce réduite à celle de brasserie sans plats chauds ; elle ne peut être dispensée de payer les loyers depuis le 9janvier 2013 d'autant qu'elle ne justifie pas par des documents comptables probants du préjudice financier subi du fait de cette modification de l'exploitation qu'elle allègue.

La société Bien Fonds n'établit pas le caractère abusif de la procédure diligentée par la société Raimo Glacier à son encontre ; sa demande tendant à lui donner acte de ce qu'elle se réserve de solliciter la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ne constitue pas une prétention et est sans portée juridique.

Aucune demande n'est formée contre le syndicat de la copropriété.

La société Bien Fonds supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, paiera à la société Raimo Glacier une somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au syndicat de la copropriété une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit que la société Raimo Glacier, Me C. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société et la société MLA en la personne de Me L. ès qualités de mandataire judiciaire, ont intérêt à agir,

Reformant le jugement déféré,

Déboute la société Raimo Glacier de sa demande de résiliation du bail,

Condamne la société Bien Fonds à lui verser la somme de 50 000 € au titre du préjudice résultant du retard apporté dans la réalisation de la gaine extérieure d'extraction d'air de la cuisine,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Bien Fonds aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Raimo Glacier la somme de 8 000 € et au syndicat de la copropriété la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.