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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 octobre 2017, n° 13/14795

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

CMN Constructions Mecaniques De Normandie (SA)

Défendeur :

DCNS Naval Group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, Mme Comte

T. com. Paris, du 5 juill. 2013 et 22 fé…

5 juillet 2013

FAITS ET PROCÉDURE

La société Constructions Mécaniques de Normandie, ci-après, la société CMN, est spécialisée dans le domaine de la construction navale, notamment de bâtiments militaires et de plaisance.

La SA Direction des Construction Navales, devenue la DCNS, est spécialisée dans la conception, la construction et les opérations d'entretien et de modernisation des navires militaires et de leurs équipements, à destination de la marine nationale et des marines étrangères.

Le 5 juin 2002, la société DCN International a conclu un contrat avec la Marine Malaise pour la livraison de deux sous-marins de type « SCORPENE ».

Par convention du 25 juin 2004, les sociétés DCNS et CMN ont conclu un accord cadre dans le domaine de la construction navale ayant pour objet de confier à la société CMN des travaux de fabrication de structures légères et de carlingages et notamment tout ou partie de l'achèvement de la section avant des deux sous-marins SCORPENE vendus à la Malaisie.

Le 14 mars 2005, dans le cadre de leur accord de partenariat, les sociétés DCNS et CMN ont signé un contrat par lequel la société DCNS a confié à la société CMN l'exécution de travaux d'intégration sur le sous-marin SCORPENE n°1 et sur la partie avant du second sous-marin.

Le prix contractuel des prestations confiées à la société CMN s'est élevé à la somme de 13.580.000 euros.

En janvier 2009, la Marine Malaise a pris possession du premier sous-marin. L'arrivée en Malaisie du second était prévue courant 2010. Les travaux de la société CMN ont été achevés en juin 2007 et en février 2008. Les travaux n'ont pas été réceptionnés en raison d'une mésentente entre les sociétés CMN et DCNS sur le montant final du prix du contrat.

Par acte du 8 mars 2010, la société CMN a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société DCNS, en réparation de son préjudice.

Par jugement du 5 juillet 2013, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société DCNS à verser à la société CMN une provision de 200.000 euros TTC,

- nommé Monsieur Pierre L., [...], expert judiciaire auprès de la cour d'appel de Paris, avec mission de :

* se faire communiquer tous les documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

* entendre tous sachants dans la mesure où il l'estimera utile,

* donner son avis sur les modalités d'application de la formule d'ajustement du prix contractuel des quantitatifs de l'article 6.1 du contrat de sous-traitance,

* donner son avis sur les modalités de valorisation des quantitatifs initiaux et finaux devant être utilisés dans ladite formule,

* donner une valeur dudit ajustement en fonction des modalités d'application et de valorisation qu'il considère comme les plus adaptées,

* mener de façon strictement contradictoire ses opérations d'expertise, en particulier en faisant connaître aux parties, oralement ou par écrit, l'état de ses avis et opinions aux parties à chaque étape de sa mission puis un document de synthèse en vue de recueillir les dernières observations des parties avant une date ultime qu'il fixera, avant le dépôt de son rapport,

* rappeler aux parties, lors de l'envoi de ce document de synthèse qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de cette date ultime, ainsi que la date à laquelle il doit déposer son rapport,

- fixé à 3.000 euros le montant de la provision à consigner par la société DCNS avant le 5 août 2013 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (art. 271 du code de procédure civile) et l'instance poursuivie,

- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de deux mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge du contrôle des mesures d'instruction ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où découlera la date de dépôt de son rapport, et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date de dépôt du rapport, lequel juge rendra une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire, dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile ainsi que le délai prévu pour le dépôt du rapport,

- dit que lors de cette première réunion l'expert fixera un délai pour les appels, éventuels, en intervention forcée, lesquels appels devront être contradictoires, outre des appelés en intervention forcée, de toutes les parties dans la cause,

- dit que, si les parties ne viennent pas à composition entre elles, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe dans un délai de 3 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus et, dans l'attente de ce dépôt, inscrit la cause au rôle des mesures d'instruction,

- dit que le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction suivra l'exécution de la présente expertise,

- débouté la société CMN de ses autres demandes,

- débouté la société DCNS de sa demande reconventionnelle de réparation de préjudices,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- réservé les dépens.

La société CMN a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 18 juillet 2013.

Monsieur Pierre L. a déposé son rapport d'expertise judiciaire le 13 janvier 2015.

Par jugement du 22 février 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société CMN à payer à la société DCNS la somme de 45.550 euros HT,

- condamné la société CMN à payer à la société DCNS la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus,

- débouté la société DCNS de ses demandes autres, plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société CMN aux dépens, ce compris 33.180 euros de frais d'expertise, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 216,36 euros dont 35,62 euros de TVA.

La société CMN a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 1er mars 2016.

La jonction entre les deux instances a été ordonnée le 6 septembre 2016.

La procédure devant la cour a été clôturée le 27 juin 2017.

LA COUR

Vu les conclusions du 19 juin 2017 par lesquelles la société CMN, appelante, invite la cour, au visa des articles 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, 1134, 1135, 1147, 1153 et suivants, 1793 et 1794 du code civil, 32-1, 48, 143, 144, 232, 700 et 916 du code de procédure civile, à :

Sur la demande d'injonction de communication de pièces,

- enjoindre à la société DCNS de produire aux débats la copie intégrale des documents suivants :

* le contrat de construction des deux sous-marins SCORPENE signé entre le Gouvernement Malais et les sociétés DCN International, IZAR, et PERIMEKAR, du 5 juin 2002 et entré en vigueur le 25 octobre 2002,

* la convention de groupement entre DCN International, IZAR et PERIMEKAR,

* l'accord de consortium signé le 5 juin 2002 entre DCN International et IZAR et son avenant n°1 du 26 juin 2003,

* le contrat de sous-traitance de rang 1 signé entre DCN International ou ARMARIS et le SCN-DCN ou DCNS pour la sous-traitance des prestations de constructions confiées à DCN International puis ARMARIS par le contrat Malais,

* l'accord-cadre organisant la mise en place de la société ARMARIS ainsi que ses relations avec ses actionnaires signé le 3 avril 2002 entre l'Etat, DCN International, DCN Développement, Thalès et Thalès Naval société anonyme (SA),

* l'accord-industriel et commercial précisant les conditions d'activité de la société ARMARIS, les mécanismes de coopération entre les parties et les règles relatives à la propriété industrielle signé le 3 avril 2002 entre l'Etat, DCN International, DCN Développement, Thalès et Thalès Naval société anonyme (SA),

dans un délai d'un mois à compter de l'injonction qui lui en sera faite, sous astreinte à fixer,

- tirer toute conséquence de droit d'un manquement injustifié de la société DCNS à s'exécuter,

A titre principal,

¤ prononcer la nullité du contrat de sous-traitance n° M 04.15.828 du 14 mars 2005, faute pour la société DCNS d'avoir remis à la société CMN la caution personnelle et solidaire prévue à l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

¤ condamner la société DCNS à lui payer une somme égale au montant total de tous les travaux qui lui étaient confiés dans le cadre de la construction des sous-marins SCORPENE pour la Malaisie, à titre de restitution par équivalent en conséquence de la nullité prononcée, avec intérêts à la date d'achèvement des prestations et capitalisation desdits intérêts,

¤ nommer tel expert qu'il lui plaira aux fins de déterminer le montant total de la restitution devant lui revenir selon la mission suivante :

- déterminer le montant total des travaux confiés à la société CMN dans le cadre de la construction des sous-marins SCORPENE pour la Malaisie et à cet effet :

* procéder à tout constat et recueillir toute information, se faire communiquer tout document utile à décrire les travaux effectués soit par la société CMN soit par ses sous-traitants,

* chiffrer tous les travaux effectués indépendamment des dispositions contractuelles annulées en les valorisant à la date de leur exécution,

* déterminer la part des travaux dont la charge a été supportée par la société CMN,

- dire que l'expert pourra recueillir l'avis de toute personne informée et qu'il pourra, au besoin, s'adjoindre tout spécialiste de son choix,

- dire que, avant tout dépôt de son rapport, l'expert communiquera aux parties un pré-rapport et sollicitera leurs observations éventuelles dans un délai qu'il fixera,

- dire que l'expert devra déposer son rapport dans les 4 mois suivant l'acceptation de sa mission,

- dire que la société CMN conservera à titre de paiement partiel à valoir sur cette restitution, les sommes payées par la société DCNS au titre de l'exécution desdits travaux,

¤ à défaut de nomination d'un expert pour fixer le montant final des travaux,

* condamner la société DCNS au paiement d'une somme de 6.387.924 € H.T. (plus la TVA) sauf à parfaire, avec intérêts à compter de la date de fin de travaux et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

* annuler le jugement du 22 février 2016,

* condamner la société DCNS à lui rembourser les sommes réglées à la société DCNS en exécution dudit jugement avec intérêts à compter de la date de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

A titre subsidiaire,

¤ réformer les jugements des 5 juillet 2013 et 22 février 2016 et statuant à nouveau,

¤ condamner la société DCNS à lui payer le coût total des prestations supplémentaires qu'elle a réalisées dans le cadre de la construction des sous-marins SCORPENE et restées non réglées à ce jour, soit une somme de 6.387.924 € sauf à parfaire, avec intérêts à compter de la date de fin de travaux et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

¤ nommer, si elle le juge utile compte tenu des faits particuliers de l'espèce, tel expert qu'il lui plaira aux fins de fixer le montant total des prestations supplémentaires effectuées par elle selon la mission suivante :

* déterminer le montant total des travaux supplémentaires confiés à la société CMN dans le cadre de la construction des sous-marins SCORPENE pour la Malaisie et à cet effet :

- procéder à tout constat et recueillir toute information, se faire communiquer tout document utile à décrire la totalité des travaux effectués soit par la société CMN soit par ses sous-traitants,

- donner son avis sur la partie de ces travaux initialement compris dans le périmètre initial du contrat de sous-traitance,

- chiffrer tous les travaux effectués en supplément des prestations initiales, en les valorisant à la date de leur exécution,

- donner toute information utile afin de permettre au tribunal de se prononcer sur le montant des travaux supplémentaires effectués par la société' CMN,

* dire que l'expert pourra recueillir l'avis de toute personne informée et qu'il pourra, au besoin, s'adjoindre tout spécialiste de son choix,

* dire que, avant tout dépôt de son rapport, l'expert communiquera aux parties un pré-rapport et sollicitera leurs observations éventuelles dans un délai qu'il fixera,

* dire que l'expert devra déposer son rapport dans les 4 mois suivant l'acceptation de sa mission,

¤ annuler le jugement du 22 février 2016 et condamner la société DCNS à lui rembourser des sommes réglées en exécution dudit jugement avec intérêts à compter de la date de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

A titre très subsidiaire,

¤ fixer à la somme de 22.214.149 € hors taxes (plus TVA) le montant final du prix du contrat de sous-traitance après ajustement, y inclus les avenants et les travaux supplémentaires,

¤ condamner la société DCNS à lui payer la somme de 6.305.929 € hors taxes plus la TVA avec intérêts à la date d'achèvement des travaux et capitalisation des intérêts au-delà d'une année,

¤ condamner la société DCNS à lui rembourser des sommes réglées en exécution du jugement du 22 février 2016 avec intérêts à compter de la date de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

¤ condamner la société DCNS à une amende civile de 3.000 € en application des dispositions de l'article 32-1 du code civil,

¤ condamner la société DCNS à lui payer une somme de 100.000 € au titre des dommages-intérêts à titre d'indemnisation du préjudice subi par elle du fait de son comportement abusif dans la présente instance,

¤ dire les demandes reconventionnelles de la société DCNS, irrecevables et non fondées,

¤ rejeter les conclusions d'appel à titre incident de la société DCNS,

¤ débouter la société DCNS de toutes ses demandes fins et conclusions à ce titre,

¤ débouter la société DCNS de ses demandes reconventionnelles nouvelles et de tous autres moyens, fins et conclusions,

¤ condamner la société DCNS à lui payer une somme de 220.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;

Elle fait valoir que :

- par ordonnance du 13 mai 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté sa demande tendant à enjoindre à la société DCNS de produire aux débats la copie intégrale de certains documents entrant dans la structure juridique de l'opération de construction des sous-marins,

- l'interprétation des documents produits par la société DCNS est erronée, le document « Certificate of physical handover » relatif au SCORPENE n°2, produit à la procédure, témoignant de la volonté de dissimulation de la société DCNS, au motif qu'elle aurait choisi de dissimuler la véritable structure contractuelle et ainsi cacher qu'elle n'est pas maître d'ouvrage mais seulement sous-traitant de la société Armaris,

- le critère de propriété du sous-marin n'est pas pertinent pour déterminer qui est le maître d'ouvrage,

- le contrat de sous-traitance est nul sur le fondement de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1974 relative à la sous-traitance, au motif que la société DCNS n'aurait pas fourni la caution personnelle et solidaire prévue par ces dispositions à peine de nullité, qui ne sont pas d'ordre public,

- dans cette opération de construction, le maître d'ouvrage est le gouvernement malais, la maîtrise d'œuvre de l'ensemble a été confiée à la société Armaris au sein du consortium, et la société DCNS est sous-traitante de la société Armaris,

- le contrat par lequel la société Armaris sous-traite à la société DCNS sa part des prestations du projet SCORPENE est un contrat d'entreprise, comme l'est d'ailleurs le contrat par lequel la société DCNS lui sous-traite elle-même une grande partie de ses propres prestations,

- la loi du 31 décembre 1975 a vocation à s'appliquer,

- la nature même du contrat de sous-traitant empêche de le qualifier de marché à forfait,

- le bouleversement de l'économie du contrat auquel ont conduit les nombreux suppléments de travaux requis et acceptés par la société DCNS l'autorise à en exiger le paiement au-delà du prix initialement fixé,

- le montant de 200.000 euros, suggéré par le rapport de Monsieur B., n'était qu'une base de négociation et ne pouvait être retenu comme valeur d'ajustement du prix du contrat de sous-traitance,

- les demandes reconventionnelles de la société DCNS sont irrecevables, en ce qu'en qualité de sous-traitant non agréé ni par le maître d'ouvrage, ni par le maître d'œuvre, la société DCNS ne saurait fonder sa demande reconventionnelle à son égard sur les dispositions du contrat de sous-traitance ;

Vu les conclusions du 13 juin 2017 par lesquelles la société DCNS, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1315, 1582 et 1793 anciens du code civil, L.5113-3 du code des transports, 32-1, 246, 699 et 700 du code de procédure civile, et des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, et les débats parlementaires y afférents, de :

Sur la demande principale :

- déclarer inapplicables les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 au contrat litigieux, et en cela infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 05 juillet 2013,

à titre subsidiaire,

- déclarer inapplicables les dispositions du Titre III de loi du 31 décembre 1975, et en cela confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 05 juillet 2013,

- débouter la société CMN de sa demande en nullité formulée sur le fondement de l'absence de fourniture de la caution prévue à l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, et en cela confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 05 juillet 2013,

- si la cour venait à faire application des dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975,

- débouter la société CMN de sa demande en nullité du contrat,

à titre infiniment subsidiaire,

- débouter la société CMN de sa demande de désignation d'un expert judiciaire,

- débouter la société CMN de sa réclamation,

- déduire des sommes qui seraient éventuellement allouées à la société CMN, celles qui devraient revenir à ses sous-traitants, en l'absence d'appel en intervention de ses sous-traitants dans la procédure,

Sur les demandes subsidiaires :

- débouter la société CMN de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le caractère forfaitaire du contrat litigieux,

- débouter la société CMN de l'ensemble de ses demandes de rémunérations complémentaires, et en cela confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 05 juillet 2013,

- condamner la société CMN au remboursement de la somme de 200.000 euros allouée par le tribunal de commerce de Paris, suivant jugements des 05 juillet 2013 et 22 février 2016,

Sur la demande d'ajustement du prix du contrat :

- condamner la société CMN à lui payer les sommes suivantes :

* 735.333 euros HT (980.883 ' 245.550), soit 882.399,60 euros TTC, au titre du trop perçu par la société CMN et ce, en application de l'article 6.1.3 du contrat et des articles 1134 et 1147 du code civil, avec intérêts légaux à compter du 14 septembre 2011 (date à laquelle elle a formulé sa demande de remboursement de trop perçu) à valoir sur la somme de 980.883 euros HT entre le 14 septembre 2011 et le 22 février 2016, ramenée à 735.333 euros HT pour la période postérieure au 22 février 2016 jusqu'au complet paiement des sommes dues, et avec capitalisation des intérêts sur la période, selon la même répartition, à ce titre, infirmer le jugement du 22 février 2016, en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à ce chef de demande à hauteur de 245.550 euros,

* 98.088 euros au titre de son préjudice subi à raison de l'indisponibilité des sommes constitutives de ce trop perçu et ce, depuis le 14 septembre 2011 (soit 10% du principal, soit un intérêt de 1,43% l'an), à ce titre, infirmer le jugement du 22 février 2016, en ce qu'il n'a pas fait droit à ce chef de demande,

en toute hypothèse :

* 100.000 euros TTC au titre des coûts supportés par elle pour mobiliser ses équipes dans le cadre de l'expertise et se substituer à la société CMN pour reconstituer a posteriori le décompte des quantitatifs contractuels, alors que cette mission lui incombait, ainsi que les coûts y afférents et ce, en application de l'article 2.1.2.2 et 2.5.5 du cahier des charges, à ce titre, infirmer le jugement du 22 février 2016, en ce qu'il n'a pas fait droit à ce chef de demande,

Sur sa demande reconventionnelle :

- condamner la société CMN à lui payer, tout ou partie, de la somme de 4.336.160 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis par elle du fait des manquements contractuels de la société CMN dans le cadre de l'exécution du marché, avec intérêts légaux à compter du 03 juin 2008, date de sa première demande (somme à laquelle s'ajoute les sommes à valoir au titre de l'ajustement du prix du contrat et de ses accessoires) sur toutes sommes allouées à ce titre et avec capitalisation des intérêts sur la période, à ce titre, infirmer le jugement du 05 juillet 2013, en ce qu'il n'a pas fait droit à ce chef de demande,

En toute hypothèse,

- condamner la société CMN à acquitter une amende civile de 10.000 euros, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, à raison de ses manœuvres dilatoires,

- condamner la société CMN à lui payer la somme de 150.000 euros, à raison de ses nombreux manquements à la bonne foi et à son obligation de loyauté procédurale et ce, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner la société CMN à lui payer la somme de 209.530 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société CMN aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise ;

Elle explique que :

* la loi de 1975 n'est pas applicable en l'espèce du fait de l'absence de succession de deux contrats d'entreprise à ce niveau de la chaîne contractuelle,

* si cette loi avait été applicable, au motif qu'elle revêt la qualité d'entreprise privée dont le capital est majoritairement détenu par l'Etat, elle relèverait non pas du Titre III contenant l'article 14 invoqué par l'appelante, mais du Titre II dont les dispositions ne requièrent pas la fourniture d'une telle caution,

* la demande de désignation d'un expert judiciaire est infondée puisqu'une telle mesure ne peut avoir pour objet de pallier à la défaillance du demandeur dans l'exigence de la preuve du bien fondé de ses demandes,

* les demandes formulées par la société CMN sont irrecevables tant en application du caractère intangible du forfait, qu'en application du délai de forclusion contractuel,

* les demandes sont formulées au titre d'un contrat dont les clauses seraient incompatibles avec un marché à forfait ou d'un prétendu bouleversement économique du contrat,

* les réclamations de la société CMN sont également infondées, en ce que la société CMN ne rapporte pas la preuve de l'existence du préjudice dont elle se prévaut, comme au titre du décompte des sommes prétendument engagées, décomptye produit tardivement par cette dernière,

* si la cour venait à faire droit à la demande de révision du contrat, elle conteste le recours à l'expertise pour déterminer le quantum de tout éventuel complément de rémunération en faveur de la société CMN,

* les termes du contrat sur la valeur d'ajustement « A » sont clairs,

* en vertu du principe de l'intangibilité des conventions, la valeur d'ajustement retenue doit être celle calculée par l'expert judiciaire,

* le solde devant être retenu est celui défini à l'article 6.1.3 du contrat,

* sa demande reconventionnelle a été formulée dès le 03 juin 2008, en clôture du marché et non pas dans le cadre de la présente instance, cette demande n'étant donc pas nouvelle,

* la réclamation de la société CMN doit être rejetée en raison de la confirmation de l'acte par cette dernière, découlant de l'exécution du contrat et de son acceptation des paiements y afférents,

* les clauses du contrat ne sont pas compatibles avec une qualification de marché à forfait,

* la société CMN ne rapporte pas la preuve du bouleversement économique allégué,

* la société CMN n'a pas présenté ses demandes au titre des travaux complémentaires allégués dans les formes et délais prévus par les articles 2.5.4 et 2.5.5 du cahier des charges,

* la société CMN ne démontre pas qu'elle a régularisé une demande de réclamation dans les formes et délais prévus par le contrat et à étayer la preuve des préjudices y afférents,

* la valeur d'ajustement s'établit à la somme de (-2 552 359,78) euros, conformément aux calculs opérés par l'expert L., au terme de son rapport du 13 janvier 2015, cette somme s'imputant au solde à établir entre les parties, conformément aux stipulations de l'article 6.1.3,

* elle a d'ores et déjà réglé la somme de 12.008.523 euros HT au titre du marché (hors travaux complémentaires), conformément au décompte présenté par elle et non contesté par la société CMN,

* le prix final du contrat ressortant à la somme de 11.027.640,22 euros HT, la société CMN a bénéficié d'un trop perçu de 980.883 euros HT (soit 1 177 059,60 euros TTC),

* elle est bien fondée à lui réclamer cette somme trop perçue,

* la société CMN, en application du jugement du 22 février 2016, a versé la somme de 245.550 euros au titre de l'ajustement du prix du contrat et ce, par compensation avec la somme de 200.000 euros qui lui a été allouée par le tribunal de commerce suivant le même jugement;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la demande de la société CMN de rejet des conclusions de la société DCNS

La société CMN sollicite le rejet des conclusions de la société DCNS au motif qu'elles ne répondent pas à son argumentation et n'apportent aucune contradiction pertinente à ses démonstrations.

Ces motifs ne peuvent constituer un motif de rejet des écritures d'une partie à un procès.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

Sur la demande de nullité du jugement

La société CMN sollicite la nullité du jugement en critiquant l'appréciation qu'il a faite du litige. Il apparaît donc que ces griefs ne peuvent faire encourir la nullité du jugement mais uniquement son infirmation, à supposer les griefs bien-fondés.

Sur la demande de communication de pièces par la SAS CMN

La société CMN sollicite la production de différents contrats signés entre les intervenants liés à l'exécution du contrat signé entre le Gouvernement malais, les sociétés DCN International, IZAR, et PERIMEKAR, le 5 juin 2002. Elle soutient que ces contrats sont essentiels à l'issue du litige, afin principalement de déterminer que l'Etat malais est maître d'ouvrage de l'opération de construction des deux sous-marins militaires, objets du contrat, ou qu'en tout état de cause, la société DCNS ne revêt pas cette qualité, et qu'ainsi la société DCNS est elle-même sous-traitante. Elle indique que ces éléments permettront de déterminer que la loi du 31 décembre 1975 s'applique au contrat qu'elle a signé avec la société DCNS le 14 mars 2005.

La société DCNS s'oppose à cette communication de documents, au motif qu'ils ne sont pas utiles pour trancher le litige, en ce que les pièces communiquées, notamment l'extrait du contrat principal conclu avec la marine malaise, en son article 15-5, et le certificat de livraison du 4 novembre 2009 signé par la marine malaise, la SA DCNS et la société Navantia, ainsi que les dispositions du contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005 et du code des transports, suffisent à établir la qualité de maître d'ouvrage et la nature du contrat signé le 5 juin 2002.

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

La production forcée de pièces ne peut se justifier que si elle est en lien avec le procès et peut avoir une utilité pour la solution du litige.

Il ne peut être reproché à la société DCNS de ne pas communiquer spontanément ces documents, alors que ces contrats portent sur un domaine très sensible, à savoir l'industrie de l'armement, et concernent des liens contractuels liant des personnes morales non concernées par la présente procédure.

En outre, le régime juridique liant les parties et la qualité de maître d'ouvrage dans cette opération se déduit du contrat lui-même mais aussi des dispositions légales régissant la sous-traitance et la construction navale. Par ailleurs, les contrats, dont il est demandé la production, ne sont pas visés par le contrat litigieux. Il n'est donc pas établi qu'ils puissent apporter des éléments supplémentaires à ceux déjà connus des parties, à savoir leurs liens contractuels et les règles juridiques en la matière.

Ainsi, ces pièces apparaissent sans utilité avec l'issue du litige.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de communication des contrats suivants :

- le contrat de construction des deux sous-marins SCORPENE signé entre le Gouvernement malais et les sociétés DCN International, IZAR, et PERIMEKAR, du 5 juin 2002 et entré en vigueur le 25 octobre 2002,

- la convention de groupement entre DCN International, IZAR et PERIMEKAR,

- l'accord de consortium signé le 5 juin 2002 entre DCN International et IZAR et son avenant n°1 du 26 juin 2003,

- le contrat de sous-traitance de rang 1 signé entre DCN International ou ARMARIS et le SCN-DCN ou DCNS pour la sous-traitance des prestations de constructions confiées à DCN International puis ARMARIS par le contrat malais,

- l'accord-cadre organisant la mise en place de la société ARMARIS ainsi que ses relations avec ses actionnaires signé le 3 avril 2002 entre l'Etat, DCN International, DCN Développement, Thalès et Thalès Naval société anonyme (SA),

- l'accord-industriel et commercial précisant les conditions d'activité de la société ARMARIS, les mécanismes de coopération entre les parties et les règles relatives à la propriété industrielle signé le 3 avril 2002 entre l'Etat, DCN International, DCN Développement, Thalès et Thalès Naval société anonyme (SA),

formulée par la SAS CMN.

Le jugement du 5 juillet 2013 sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes au fond de la SAS CMN

La société CMN sollicite à titre principal la nullité du contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005 conclu avec la société DCNS, au motif qu'il s'agit d'un contrat de sous-traitance soumis à l'application des dispositions du Titre III de la loi du 31 décembre 1975 et que la société DCNS n'a pas respecté son obligation légale préalable imposée par l'article 14 de ladite loi, à savoir lui remettre une caution personnelle et solidaire.

Les parties s'opposent sur l'applicabilité de la loi du 31 décembre 1975 au contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005 les liant, mais aussi sur l'application aux parties de l'article 14 de ladite loi.

La société CMN soutient que la loi du 31 décembre 1975 s'applique audit contrat, la société DCNS étant elle-même sous-traitante de la société Armaris, maître d'œuvre, et qu'elle ne l'a pas déléguée en qualité de sous-traitant à la société Armaris. Elle explique que la condition de la succession de deux contrats d'entreprise est réunie et que les dispositions du Titre II ne peuvent s'appliquer en l'espèce, au motif qu'elle ne pouvait bénéficier du paiement direct à l'égard de l'Etat malais, que la société DCNS est elle-même sous-traitante de la société Armaris, et que l'article 6 de ladite loi renvoie aux dispositions de l'article 14 dans l'hypothèse de sous-traitance en cascade.

La société DCNS considère que la loi du 31 décembre 1975 n'est pas applicable en l'espèce du fait de l'absence de succession de deux contrats d'entreprise à ce niveau de la chaîne contractuelle et qu'elle, en sa qualité d'entreprise privée dont le capital est majoritairement détenu par l'Etat, relèverait en toutes hypothèses non pas du Titre III contenant l'article 14, mais du Titre II, dont les dispositions sont exclusives de celles du Titre III et ne requièrent pas la fourniture d'une telle caution.

Sur l'applicabilité de la loi du 31 décembre 1975 au contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005

Il n'est pas contesté par les parties la qualification de contrat d'entreprise du contrat liant la société DCNS à la société CMN, une partie des travaux à réaliser par la société DCNS étant confiée à la société CMN. Elles s'opposent sur la qualité de maître d'ouvrage de la société DCNS et sur la qualification de contrat d'entreprise du contrat du 5 juin 2002 avec l'Etat malais.

Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975, « au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

L'article L. 5113-3 du code des transports dispose que « sauf convention contraire, le transfert de propriété n'intervient qu'à la date de la recette du navire, après essais ».

Il est de principe que le maître d'ouvrage est le client pour le compte de qui le navire est construit, même si le transfert de propriété n'a lieu qu'au moment de la recette du navire.

La qualification de contrat d'entreprise, au sens de l'article précité, doit être retenue lorsque les éléments commandés ne sont pas compatibles avec une production en série. Par ailleurs, le contrat de construction de navire se distingue du contrat de vente.

A titre liminaire, il convient de relever que la construction juridique de ce type de marché est particulièrement complexe, au regard de la nature militaire des navires objets du contrat, et de l'autorisation indispensable de l'Etat français pour signer le contrat comme pour livrer les navires.

Il ressort toutefois des éléments contractuels connus et non contestés que le contrat du 5 juin 2002, concernant la livraison à l'Etat malais de deux sous-marins, a été signé entre celui-ci, la société DCNI, la société ISAR et la société PERIMEKAR. Ainsi, la société DCNS n'est pas partie au contrat principal. En outre, elle ne vient pas aux droits d'une des parties contractantes.

Il y a lieu de conclure de ces éléments de fait que la société DCNS revêt la qualité de sous-traitante dans la construction des seules parties avant de chaque sous-marin, n'ayant pas directement signé avec le client final et n'ayant pas en charge la réalisation des sous-marins dans leur entier.

En outre, l'opération de construction et de livraison, avec transfert de propriété, de deux sous-marins militaires, ne peut aucunement être qualifiée de vente, en ce que les spécifications techniques des deux sous-marins ont été définies préalablement par l'Etat malais, tel qu'il ressort des explications non contestées des parties, ceux-ci ne correspondant pas à ceux vendus préalablement à l'Etat chilien.

Dans ces conditions le contrat signé le 5 juin 2002 revêt la qualification juridique de contrat d'entreprise avec un maître d'ouvrage, qui est un Etat étranger.

En conséquence, les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance s'appliquent au contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005.

Il y a lieu d'infirmer le jugement du 5 juillet 2013 sur ce point.

Sur l'obligation de délivrance d'une caution

Il est constant que la société DCNS est une société majoritairement détenue par l'Etat et sa qualité d'entreprise publique n'est pas contestée.

Le titre II, relatif au paiement direct, s'applique aux marchés passés par l'État, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics, comme la société DCNS.

L'article 6, relevant des dispositions du Titre II de ladite loi dispose que « le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l'article 14».

L'obligation de délivrance de la caution par la société, qui recourt à la sous-traitance, n'est donc pas imposée aux contrats relevant du Titre II.

Le titre III, relatif à l'action directe, s'applique, selon l'art. 11, à tous les contrats de sous-traitance qui n'entrent pas dans le champ d'application du titre II. Il en résulte que les champs d'application des titres II et III sont exclusifs l'un de l'autre.

Aux termes de l'article 14, relevant des dispositions du Titre III, « à peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant. »

Ainsi, le sous-traitant, ayant lui-même recours à la sous-traitance, est entrepreneur principal au sens de ladite loi, et est, dès lors, tenu de fournir une garantie de paiement à son propre sous-traitant. Cette obligation s'impose également dans les marchés du titre II en cas de sous-traitance en cascade. Toutefois, le marché souscrit entre l'entrepreneur principal, au sens de ladite loi, qui est une entreprise publique, étant détenu majoritairement par l'Etat, avec le sous-traitant relève uniquement des dispositions de l'article 6 al.1 et non pas de l'exception énoncée à l'article 6 al. 5, celle-ci visant les contrats de sous-traitance en cascade régis par les dispositions du Titre III, à savoir aux contrats de sous-traitance qui ne sont pas passés par l'État, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics, en qualité d'entreprise principale.

Dans ces conditions, le contrat de sous-traitance signé entre la société DCNS, entreprise principale au sens de ladite loi, et la société CMN, entreprise sous-traitance, n'est pas soumis à l'obligation de caution, le contrat les liant étant soumis aux dispositions de l'article 6 al. 1 uniquement.

Ainsi, le contrat de sous-traitance M 04 15 828 du 14 mars 2005 conclu entre la société DCMN et la société CMN n'encourt pas la nullité.

Il y a lieu de confirmer du 5 juillet 2013 le jugement sur ce point.

Sur la nature du contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005

Les parties s'opposent sur la qualification de marché à forfait du contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005 qu'elles ont signé et sur l'existence du bouleversement de l'économie dudit contrat dans le cadre de son exécution.

La société CMN soutient que le marché qu'elle a conclu avec la société DCNS n'est pas un marché à forfait, en raison de l'imprécision des prestations au moment de la signature du contrat et de la détermination du prix, de sa philosophie, et de son économie. Elle explique qu'en tout état de cause, les prestations complémentaires, qu'elle a réalisées, ont bouleversé l'économie du contrat et qu'en conséquence les surcoûts doivent lui être payés par la société DCNS.

La société DCNS conteste la remise en cause de la qualification du marché. Elle relève que l'équilibre du contrat avait prévu la compensation de l'aléa par la clause d'ajustement de prix et que la société CMN est forclose à solliciter le paiement de prestations supplémentaires hors marchés, en vertu des dispositions contractuelles de l'article 2.5.4, pour ne pas avoir demandé pendant les délais contractuels le paiement de ces sommes supplémentaires.

Sur le caractère forfaitaire du marché

L'existence d'un marché à forfait est soumise à trois conditions : une construction, un forfait, et un plan arrêté et convenu entre les parties.

Un contrat de sous-traitance, revêtant la qualification de marché à forfait, peut être valablement signé, ces deux notions régimes juridiques n'étant pas incompatibles.

Plus précisément, il ne peut y avoir forfait que si le prix constitue un engagement irrévocable des parties. En outre, le prix doit revêtir un caractère global. Ainsi, il ne peut y avoir de prix définitifs lorsque le volume, la nature et les modalités des travaux n'ont pas été déterminés avec précision.

Les termes de l'accord cadre du 23 juin 2004 sont sans incidence sur la qualification forfaitaire ou non du contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005 dont il est question.

Le contrat litigieux stipule en préambule que « en sa qualité de professionnel, le prestataire [la société CMN] déclare connaître parfaitement, pour en avoir pris connaissance dans le contrat, dans le cahier des charges et d'une manière générale lors des réunions de préparation de l'offre, toutes les contraintes et exigences techniques et administratives, ainsi que les obligations relatives à l'objet du contrat et déclare les accepter sans exception ni réserve ».

L'article 6.1 relatif au prix dudit marché indique que « le prix est global et définitif. (') Le prestataire reconnaît que le prix indiqué dans le contrat est un prix juste et s'interdit en conséquence de prétendre ultérieurement à toute augmentation de prix fondée sur la reconnaissance d'une erreur dans l'appréciation de la nature, du périmètre des services à fournir à l'acheteur ou dans le chiffrage ayant donné lieu à la fixation du prix ».

Il prévoit également la valorisation financière des éventuels écarts quantitatifs contractuels par une formule d'ajustement, « compte tenu des évolutions possibles des quantitatifs contractuels décrits au paragraphe 2.1.2.2.2 du cahier des charges ».

Le cahier des charges énonce à l'article 1.2 « Objet du contrat » que le « poste 1 (ferme) Management » est « forfaitaire et défini à partir des éléments du chapitre 4 du CDC », que le « poste 2 (ferme) sous-traitance globale géographique du local C200 hors fosse avant » est forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 3 (ferme) échafaudage » comprend « les travaux d'échafaudages intérieurs et extérieurs des sections 3 et 4 des 2 sous-marins et de la zone de jonction du SM1 », que le « poste 4 (ferme) sous-traitance globale et géographique de la fosse avant du local C200 et de la zone charpente avant » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le poste 5 (ferme) sous-traitance globale et géographique des locaux extérieurs hors zone charpente avant et hors massif » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 6 (ferme) sous-traitance globale et géographique des locaux habilité et techniques » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 7 (ferme) câblage en section 3 (hors BD) et en section 4 » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 8 (ferme) ) sous-traitance globale et géographique du local batterie » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 9 (option) câblage en section 3 BD » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 10 (option) travaux de tuyauterie en section 3 du BD » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 11 (option) travaux de peinture en section 1, section 2 et zone charpente arrière » est « forfaitaire et défini à partir des quantitatifs contractuels donnés en annexe IV », que le « poste 12 (option) travaux à bons de commandes sur barème dans les spécialités des postes 2 à 11 » est notifié « au prestataire sous forme de bons de commande forfaitaires établis à partir de barèmes définis en annexe IV », que le « poste 13 (option) travaux à bons de commande sur devis négociés dans les spécialités des postes 2 à 11 » porte sur des travaux qui « ne peuvent être quantifiés à l'aide d'un barème. Ces prestations sont notifiées au prestataire sous forme de bons de commandes sur devis négociés », et que le « poste 14 (option) réalisation des MERI » est « forfaitaire » et « défini à partir de quantitatifs communiqués au prestataire en cours d'exécution du contrat ».

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les travaux à réaliser étaient connus par la société CMN, qui avait négocié ce contrat avec la société DCNS depuis le 23 juin 2004, date de l'accord-cadre relatif aux échanges entre les deux sociétés notamment sur le projet relatif aux deux sous-marins commandés par l'Etat malais. Les quantitatifs prévisionnels étaient définis, un prix était donné par le prestataire pour chaque quantitatif. Monsieur B., dans son expertise amiable réalisée sur la base d'une lettre de mission du 16 octobre 2007 signée par les deux parties en raison du différend les opposant, relève d'ailleurs qu'il ressort des entretiens avec les parties « qu'il n'y a pas eu rétention d'information à ce stade. Au contraire, la masse de données disponibles, assez considérables, ne semble avoir été que partiellement exploitée. Il est clair qu'à l'époque où s'élaborait l'offre, la liasse d'exécution du SCORPENE Malaisie n'était pas disponible intégralement, et le cahier des charges mentionne explicitement ce point. Néanmoins, la liasse d'exécution SCORPENE chili était disponible, et les différences entre les projets Chili et Malaisie portaient essentiellement sur la zone arrière, qui n'est pas dans le domaine d'intervention de CMN ou de DCN ».

Compte-tenu de l'ampleur de ce type de projet et de ce que les documents finaux relatifs au projet n'étaient pas connus au moment de l'offre, pour assurer un équilibre du contrat au regard des quantitatif réellement utilisés, il est défini une clause d'ajustement. En outre, il convient de relever que la société CMN disposait d'un nombre conséquent d'informations lui permettant de chiffrer son offre et de connaître les enjeux relatifs à son périmètre d'intervention.

Il apparaît donc que les prestations demandées par la société DCNS à la société CMN ont été négociées et définies dans le cahier des charges et que le prix des prestations a été déterminé par la société CMN, à la fois s'agissant des postes à forfait, fermes comme optionnels, et que s'agissant des postes optionnels pour lesquels la quantification n'est pas envisageable, il est prévu un système de bon de commande négocié.

Il résulte de l'ensemble de ces clauses contractuelles que le prix a été clairement défini, en ce que si les quantitatifs ne sont pas tous exactement connus au moment de la signature du contrat, il est défini contractuellement une formule permettant, au regard de données objectives prédéfinies, et notamment un prix forfaitaire fixé sur la base d'un quantitatif à la conclusion du contrat, d'ajuster le prix à la hausse ou à la baisse au regard des quantitatifs réellement utilisés, sur la base du prix forfaitaire élaboré et sur des bases de calculs définies en annexe.

Cette économie du contrat permet de considérer que le prix est déterminé dans le marché.

S'agissant du périmètre des prestations, l'article 12 du contrat énonce que « l'acheteur pourra reprendre à son compte, sous réserve, d'une notification par écrit avec un préavis de un mois par rapport à la date prévisionnelle de reprise, jusqu'à 20% (en valeur) de la réalisation des prestations objets des postes 2 à 11 et 14. Pendant le préavis, le prestataire s'engage à poursuivre ses prestations dans le respect de ses obligations contractuelles. Dans cette hypothèse, le prix des prestations est redéfini par application de la formule prévue au § 6.1 du présent contrat sans que le prestataire ne puisse prétendre à une indemnisation ».

Le volume des travaux est établi avec précision, et si la société DCNS peut réduire jusqu'à 20% en valeur après mise en demeure préalable, les modalités de réduction des prestations sont limitées. Par ailleurs, leur valeur corrélative en terme de prix est préalablement définie. Il apparaît en l'espèce que cette modalité n'a pas été utilisée par la société DCNS qui n'a pas réduit les prestations, le montant de 13.580.000 d'euros fixé au forfait pour la tranche ferme du marché (à savoir correspondant aux postes 1 à 8) n'a pas été remis en cause par la société DCNS. Il convient aussi de relever que des bons de commande auprès de la société CMN, au titre de travaux supplémentaires, ont été émis par la société DCNS pour un montant de 1.700.000 euros environ, et deux avenants d'un montant de 2.000.000 euros environ ont aussi été signés avec la société CMN.

Dès lors, le caractère forfaitaire des postes faisant l'objet du marché est clairement accepté par la société CMN.

La société CMN reproche aussi au marché de prévoir des situations d'évolution quantitatives dans le marché, au paragraphe 2.5 relatif aux traitements des évolutions. Il est prévu un équilibre contractuel entre les parties permettant d'organiser la prise en charge des évolutions dites « mineures » ou « majeures », permettant à la société CMN de facturer avec l'accord de la société DCNS ces évolutions majeures, à savoir celles qui « engendrent un coût de main d'œuvre et matière de valeur supérieure ou égale à 3.000 € ». Ces dispositions, nécessaires à l'équilibre contractuel d'un tel contrat, afin d'envisager les évolutions non prévisibles, ne sont pas incompatibles avec le caractère forfaitaire du contrat litigieux.

Il est de principe que dans le cadre d'un marché à forfait, et surtout s'agissant de marchés de construction navale d'une telle ampleur, les travaux complémentaires sur devis, non nécessaires aux prestations faisant l'objet du marché à forfait, sont autorisés.

Il a déjà été relevé ci-dessus que l'évolution des quantitatifs contractuels, prévue à l'article 2.1.2.2.2 du cahier des charges, était compensée par un mécanisme fixé par la formule d'ajustement de l'article 6.1 du contrat.

En conséquence, il y a lieu de qualifier le contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005 signé entre la société DCNS et la société CMN de marché à forfait.

Le jugement du 5 juillet 2013 doit être confirmé sur ce point.

Sur le bouleversement de l'économie du contrat

La société CMN soutient avoir subi un surcoût conséquent causant un bouleversement de l'économie du contrat.

Monsieur B., saisi par les deux parties pour examiner les différends les opposant et analyser le dépassement budgétaire invoqué par la société CMN, a relevé que les différents arguments invoqués par la société CMN ne pouvaient être recevables et étaient injustifiés au regard du contexte contractuel, de la réalité du chantier ou des conditions de la négociation, comme l'ont relevé justement les premiers juges. Il précise également que « les inconvénients de la coactivité et des retards de mise à disposition des structures, qui sont cités à eux deux pour 28% du montant du dépassement budgétaire, résultent de nombreux faits et responsabilités croisées difficiles à démêler. Cette situation est assez commune sur les activités de chantier. »

Il n'est donc pas établi de bouleversement de l'économie générale du contrat. Il n'y a donc pas lieu de faire droit aux demandes en paiement de travaux supplémentaires, n'ayant pas été acceptés par la société DCNS.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du 22 février 2016 en ce qu'il a alloué à la société CMN la somme de 200.000 euros au titre des travaux supplémentaires.

Il convient de rappeler que le présent arrêt infirmatif sur ce point emporte restitution des sommes réglées au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, assorties des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision.

Il n'y a pas lieu de condamner la société CMN à rembourser à la société DCNS la somme de 200.000 euros allouée en première instance, la condamnation étant infirmée.

Statuant à nouveau, il y a lieu de débouter la société CMN de sa demande en paiement de travaux supplémentaires.

Sur l'application de la clause d'ajustement

Les parties s'opposent sur l'interprétation de la clause d'ajustement. Les parties s'accordent sur la valorisation des quantitatifs initiaux et finaux devant être utilisés dans la formule de l'article 6.1, mais sont en désaccord sur le montant ajusté du prix du contrat.

La société CMN soutient que les définitions des valeurs A et F initiales de la formule n'incluent les postes 9 à 11 que dans l'hypothèse où ces postes optionnels seraient devenus contractuels par émission de bons de commande.

La société DCNS affirme que l'ajustement doit prendre en compte les valeurs initiales prévisionnelles des quantitatifs des postes 9 à 11 quand bien même ils n'auraient pas été affermis et n'auraient donné lieu à aucune valeur finale de quantitatif.

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, applicable au contrat litigieux, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

L'article 6.1 du contrat stipule :

Les parties ont convenu d'une formule contractuelle qu'il convient d'appliquer. La cour doit appliquer les clauses du contrat lorsqu'elles sont claires.

Les parties s'accordent sur le montant de 8.802.669,17 euros au titre de BioQif correspondant aux « valorisations des quantitatifs contractuels finaux if, tel qu'ils seront définis au dossier de définition final, au moyen des barèmes io définis en annexe B du présent contrat ».

La société CMN soutient que BioQio doit être calculé sur la base des postes 2 à 8 alors que la société DCNS soutient que ce calcul doit être réalisé sur la base des postes 2 à 11.

La clause rédigée « les valorisations des quantitatifs contractuels initiaux io, tel qu'ils figurent en annexe IV du cahier des charges, au moyen des barèmes io définis en annexe B au présent contrat » est claire et renvoie sans distinction à l'annexe IV. Or, les postes visés en annexe IV sont ceux n°2 à 11. Cette situation est corroborée par la clause 2.1.2.2.1 « nature et valeur des quantitatifs contractuels » qui dispose notamment que « les valeurs prévisionnelles des quantitatifs contractuels sont données en annexe IV.

En conséquence, il y a lui de retenir, au titre de la valorisation des quantitatifs contractuels initiaux io, la somme de 11.353.090,62 euros.

Ainsi, le pourcentage d'ajustement à retenir doit être fixé à -22,465%.

La société CMN considère que la notion Finitial doit être calculée sur la base des postes 2 à 8 alors que la société DCNS lui oppose que les postes 2 à 11 doivent être pris en compte pour le calcul de ce montant.

Le contrat définit très clairement cette valeur comme étant « la valeur initiale du montant forfaitaire des postes 2 à 11 ». Dès lors, il convient de prendre en compte la valeur des postes 2 à 11, à savoir le montant total de 11.361.719 euros.

En conséquence, le montant total de l'ajustement s'élève à -2.552.359,78 euros.

Il convient donc de déduire cette somme du montant qui a été effectivement payé par la société DCNS, à savoir 13.580.000 euros, ce sur quoi s'accordent les parties.

Dès lors, le montant total du marché, hors avenant et bons de commandes, suite à l'ajustement, s'élève à la somme de 11.027.640,22 euros.

La société DCNS indique avoir payé au titre du marché à forfait la somme de 12.008.523 euros. La société CMN reconnaît avoir perçu la somme totale de 15.908.220 euros en ce compris les avenants dont le montant n'est pas contesté de 1.904.608 euros et 1.995.089 euros (15.908.220-1.904.608-1.995.089=12.008.523).

Il apparaît donc que la somme de 12.008.523 euros a été versée par la société DCNS à la société CMN au titre des prestations du marché à forfait, hors prestations complémentaires.

La société CMN a, dès lors, bénéficié d'un trop perçu de 980.882,78 euros HT au titre des prestations du marché à forfait, hors prestations complémentaires, soit 1.177.059,60 euros TTC.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du 22 février 2016 en ce qu'il a condamné la société CMN à payer à la société DCNS la somme de 245.550 euros HT au titre de l'ajustement.

Statuant à nouveau, il y a lieu de condamner la société CMN à verser à la société DCNS la somme de 1.177.059,60 euros TTC au titre du trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2011 sur la somme de 780.787 euros et du 13 mai 2015 pour le surplus.

Il n'y a pas lieu à compensation avec la décision de première instance, celle-ci étant infirmée sur ce point.

La capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil (ancien article 1154) est de droit lorsqu'elle est demandée. Elle ne court qu'à compter de la demande qui y en a été faite, devant le tribunal de commerce, soit le 2 septembre 2016.

Il y a lieu de rejeter la demande formée par la société DCNS au titre d'une indemnité d'immobilisation de la somme correspondant au trop-perçu, en ce que ce préjudice est déjà indemnisé intégralement par l'allocation des intérêts au taux légaux ainsi que de la capitalisation de ceux-ci.

Sur l'amende civile

En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

La société CMN ne rapporte pas la preuve de ce que le comportement de la société DCNS dans le cadre de la présente procédure, qui a usé de son droit de se défendre dans cette instance initiée par la société CMN, aurait dégénéré en abus. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dommages et intérêts en raison du comportement abusif de la société DCNS dans le cadre de cette procédure

La société CMN ne démontre pas de faute imputable à la société DCNS qui a usé de son droit de se défendre dans le cadre de cette instance, qu'elle n'a pas initiée, ni d'abus dans l'exercice de son droit de se défendre.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande formulée par la société CMN.

Sur les demandes reconventionnelles de la SA DCNS

Sur l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles

La société CMN conclut à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles formées à son encontre par la société DCNS, au motif, qu'étant sous-traitante, et n'ayant pas été agréée par le maître d'ouvrage, l'entreprise principale ne peut invoquer à son encontre le contrat de sous-traitance les liant.

La société DCNS soutient au contraire que la société CMN n'était pas son sous-traitant et qu'en conséquence les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ne s'appliquent pas en l'espèce.

Il convient de relever que l'irrecevabilité soulevée par la société CMN constitue en réalité une inopposabilité des dispositions du contrat de sous-traitance. Il s'agit d'un moyen de fond et non pas une fin de non-recevoir. Ce moyen sera donc examiné au fond.

Il y a donc lieu de déclarer les demandes reconventionnelles formées par la société DCNS recevables.

Sur la demande au titre des surcoûts supportés dans le cadre de l'expertise judiciaire

La société DCNS ne démontre pas de faute imputable à la société CMN dans le cadre de la procédure d'expertise judiciaire. Il appartenait à chaque partie de participer à cette expertise judiciaire et de produire les documents nécessaires.

Elle ne peut donc solliciter le paiement de dommages et intérêts spécifiques sur ce poste.

Il y a donc lieu de débouter la société DCNS de cette demande de ce chef.

Sur les demandes relatives aux violations contractuelles

La société DCNS reproche à la société CMN des inexécutions contractuelles et demande à ce titre la réparation de son préjudice.

La société CMN invoque, uniquement au titre de sa défense relative aux demandes reconventionnelles de la société DCNS, les dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975.

Aux termes de l'article 3 al. 2 de la loi du 31 décembre 1975, « lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. »

L'absence de la double acceptation exigée par ledit article ne permet pas à l'entrepreneur principal d'invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. En conséquence, l'entrepreneur principal, au sens de ladite loi, ne peut, par conséquent, prétendre que celui-ci a commis des infractions aux stipulations contractuelles ni se prévaloir des clauses du contrat instituant des pénalités de retard.

En l'espèce, la société DCNS reproche à la société CMN :

* des manquements en matière de management et de planification, notamment dans la coordination et le lancement de tâches, au regard de ses obligations contractuelles en matière de planification et de lancement de tâches précisées à l'article 3.1.2 de l'accord de partenariat et en page 10 du plan de management et sanctionnés par l'application de pénalités techniques notamment en cas de non-conformité au plan de management ou au plan de qualité, mais aussi dans le respect des jalons contractuels prévus par le calendrier contractuel des principaux jalons et sanctionnés à l'article 9.1 des conditions générales d'achat, et dans la responsabilité de diverses tâches détaillées dans l'accord de partenariat,

* des manquements techniques, caractérisés par l'établissement par elle de 120 fiches d'anomalies relativement aux prestations de la société CMN, lui causant un préjudice de 150 € par fiche outre les coûts de re-confection, par le défaut de fournitures et d'approvisionnement, notamment d'éléments de liaison et d'intégration, contrairement aux obligations de l'article 2.1.1.1.1 du cahier des charges, par l'absence de fourniture de consommable de soudure contrairement aux obligation de l'article 3.2.1 du cahier des charges, par l'absence de pesée du matériel en violation des dispositions de l'article 2.1.1.1.9 du cahier des charges, par l'absence de fourniture de l'outillage de cinématique de volet d'entrave contrairement aux dispositions de l'article 3.2.1 du cahier des charges, par l'absence de fourniture de l'éclairage de chantier pour les zones sous sa responsabilité, ne respectant pas son obligation de l'article 3.2.1 du cahier des charges, et par le déploiement d'échafaudage de chantier au-delà du calendrier contractuel initial devenu nécessaire de ce fait et par la non réalisation de diverses prestations contractuelles.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les demandes reconventionnelles de la société DCNS portent sur des obligations contractuelles liant la société CMN en vertu des contrats souscrits correspondant à des obligations ressortant de l'ensemble contractuel que constitue le contrat de sous-traitance signé par elles.

Il n'est pas reproché par la société DCNS des vices de construction à la société CMN mais le non-respect d'obligations contractuelles que cette dernière avait accepté en vertu du contrat de sous-traitance et des documents les liant et rentrant dans ce même ensemble contractuel. La société CMN, n'ayant pas été agréée dans les conditions posées par l'article 3 précité, la société DCNS ne peut lui opposer les dispositions contractuelles du contrat de sous-traitance.

Il y a donc lieu de débouter la société DCNS de ses demandes reconventionnelles au titre des violations contractuelles.

Le jugement du 22 février 2016 doit être confirmé sur ce point, en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles formulées par la société DCNS.

Sur l'amende civile

La date de l'introduction de l'instance, le chiffrage de ses demandes ou encore l'exercice de son droit d'appel après n'avoir pas obtenu entière satisfaction en première instance, ne peuvent caractériser la malice ou la mauvaise foi ni une erreur grave équipollente au dol. Il ne peut pas plus lui être reproché le choix du fondement juridique de son action pour justifier un abus dans l'exercice de son action.

La société DCNS ne rapporte donc pas la preuve de ce que l'action de la société CMN aurait dégénéré en abus. Elle n'établit pas que cette action constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol.

Si la société CMN succombe en appel, il n'en demeure pas moins que l'appréciation inexacte qu'elle se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

La société DCNS doit être déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement du 22 février 2016 sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CMN, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société DCNS la somme supplémentaire de 200.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société CMN.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement du 5 juillet 2013, sauf en ce qu'il a dit que les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ne s'appliquent pas au contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005,

CONFIRME le jugement du 22 février 2016, sauf en ce qu'il a condamné la société CMN à payer à la société DCNS la somme de 245.550 euros au titre de l'ajustement et qu'il a condamné la société DCNS à verser à la société CMN la somme de 200.000 euros au titre des travaux supplémentaires,

LES INFIRME sur ces points,

Statuant à nouveau,

DIT que les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance s'appliquent au contrat M 04 15 828 du 14 mars 2005,

CONDAMNE la société CMN à verser à la société DCNS la somme de 1.177.059,60 euros TTC au titre du trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2011 sur la somme de 780.787 euros et du 13 mai 2015 pour le surplus,

DIT que les intérêts dus pour au moins une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2016, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil,

DÉBOUTE la société CMN de ses demandes en paiement de travaux supplémentaires,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société CMN aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société DCNS la somme supplémentaire de 200.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

REJETTE toute autre demande.