Cass. 3e civ., 18 novembre 2009, n° 08-19.355
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Mas
Avocat général :
M. Badie
Avocats :
SCP Delvolvé, SCP de Chaisemartin et Courjon
Attendu selon l'arrêt attaqué (Colmar, 31 janvier 2008) que la société Bilfinger, Berger, Freiburg Gmbh (société Bilfinger) chargée en sous traitance de la réalisation de certains travaux de gros oeuvre d'un hôpital, a confié à la société Remax structures(Remax), selon bon de commande du 3 juin 2003 et avenant du 23 octobre suivant, la préfabrication de divers éléments ; qu'invoquant le non respect des dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous traitance, la société Remax a fait assigner la société Bilfinger en nullité du contrat et de son avenant et en paiement du coût des travaux réalisés ; que la société Bilfinger a contesté l'existence d'un lien de sous-traitance et demandé le paiement de diverses sommes au titre de malfaçons affectant les ouvrages et de préjudice commercial ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Bilfinger fait grief à l'arrêt de constater la nullité du contrat de sous traitance et de son avenant, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel la société Bilfinger se prévalait expressément d'un arrêt de la cour de cassation du 11 mai 2005 ayant censuré l'arrêt d'une cour d'appel qui avait déduit l'existence d'un contrat d'entreprise, en l'occurrence un contrat de sous-traitance, du seul fait qu'une société avait fourni, à la demande de son cocontractant, un travail conforme aux exigences du marché et soutenait qu'il ne suffisait pas de constater que les éléments préfabriqués fournis par la société Remax structures étaient spécifiques au chantier du nouvel hôpital civil de Strasbourg pour revendiquer l'existence d'un contrat d'entreprise, plusieurs éléments du dossier excluant au contraire cette qualification ; qu'en affirmant dés lors qu' "il n'est pas discuté par les parties que c'est la fourniture d'un travail spécifique qui permet d'établir l'existence d'un contrat de sous traitance", la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile;
2°/ que le seul fait pour une société de fournir à une autre société, et à sa demande, un travail spécifique conforme aux exigences du marché de travaux conclu par elle, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un contrat d'entreprise ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Bilfinger se référait expressément à cette jurisprudence et soutenait qu'il ne suffisait pas de constater que les éléments préfabriqués fournis par la société Remax structures étaient spécifiques au chantier du nouvel hôpital civil de Strasbourg pour caractériser l'existence d'un contrat d'entreprise, les éléments du dossier excluant au contraire cette qualification ; qu'elle faisait ainsi valoir qu'il résultait des documents contractuels qu'au moment de la négociation et de la signature des contrats litigieux des 3 juin et 23 octobre 2003, ayant pour objet la "fabrication et fourniture d'éléments préfabriqués, franco chantier, non déchargés", les parties avaient d'un commun accord entendu conclure entre elles un contrat de vente, sans nulle intervention de la société Remax structures sur le chantier de construction du nouvel hôpital civil de Strasbourg pour le déchargement, l'installation ou le montage des éléments livrés ; qu'elle sollicitait qu'il soit procédé à la comparaison des contrats litigieux à ceux, similaires, concomitamment conclus par la société Remax avec d'autres entrepreneurs et dont celle-ci ne contestait pas la qualification de contrats de fourniture, notamment les contrats conclus le 15 avril 2003 avec la société Cari et le 23 janvier 2002 avec la société Imbau, portant eux aussi sur des pièces préfabriquées devant être adaptées aux exigences spécifiques de chaque marché de travaux et pour l'exécution desquels le mécanisme de production de la société Remax structures était identique ; que dés lors, en se fondant sur la seule spécificité du travail fourni par la société Remax structures pour dire caractérisée l'existence d'un contrat de sous-traitance entre les parties, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas des documents contractuels que les parties avaient entendu fonder leurs relations sur un contrat de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1710 et 1787 du code civil, 1er, 14 et 15 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
Mais attendu que saisie de conclusions de la société Bilfinger ayant soutenu que la question était de déterminer, au sens de la jurisprudence existante en la matière, si la livraison des produits préfabriqués avait pu intervenir dans le cadre d'une production courante ou standardisée ou s'il avait fallu adapter l'appareil de production, et ayant constaté que l'offre et la commande d'éléments préfabriqués prévoyaient la prestation et le coût "Bureau d'études" incluant les plans d'ensemble des diverses façades, coupes et détails nécessaires à la fabrication, les listes des panneaux préfabriqués, les plans de fabrication de chaque type de pièces, les notes de calcul nécessaires à l'établissement des plans, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que la multiplicité des données à prendre en compte pour établir les notes de calcul et les plans de fabrication constituaient un travail spécifique nécessitant une adaptation constante aux exigences des plans de fabrication conçus pour la seule exécution des éléments destinés au chantier et qui, sans dénaturation et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir que le contrat liant les parties était un contrat de sous-traitance, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Bilfinger fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société Remax structures à lui payer la somme de 100 201,19 euros au titre du préjudice contractuel subi du fait de la rupture unilatérale du contrat, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, alors selon le moyen :
1°/ que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du dispositif constatant la nullité du contrat de sous-traitance passé le 3 juin 2003 et de son avenant du 23 octobre 2003 entre la société Bilfinger Berger et la société Remax structures, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des dispositions déboutant la société Bilfinger Berger de sa demande en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat imputable à la société Remax structures, qui se trouvent dans sa dépendance nécessaire ;
2°/ que la nullité du contrat de sous-traitance pour manquement aux obligations de garanties édictées par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, simple nullité relative, ne faisait pas obstacle à ce que l'entrepreneur principal puisse réclamer au sous-traité l'indemnisation du préjudice causé par l'inexécution du contrat ; que dès lors, en refusant à la société Bilfinger le droit de demander réparation du préjudice subi du fait de la brusque rupture par le sous-traité du contrat en cours d'exécution, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le sous-traitant, qui n'a pas été agréé, ne peut à la fois se prévaloir du contrat de sous-traitance pour obtenir le paiement des travaux qu'il a exécutés et le rejeter pour échapper à ses obligations contractuelles ; qu'en l'espèce, pour débouter la société de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 100 201,19 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture unilatérale du contrat par le sous-traitant, la cour d'appel a retenu que la nullité du contrat passé entre les parties, qui a un effet rétroactif, faisait obstacle à une telle revendication ; que, cependant, elle a admis le principe d'un droit du sous-traitant à obtenir le paiement des travaux qu'il avait exécutés et désigné un expert afin de vérifier les décomptes de travaux qu'il produisait aux débats ; qu'ainsi, en refusant à la société Bilfinger Berger, en vertu de la nullité du contrat, le droit de se prévaloir des infractions de la société Remax à ses obligations contractuelles, tout en accueillant, en son principe, la demande de cette dernière en paiement des travaux réalisés en exécution du contrat ultérieurement déclaré nul, la cour d'appel a violé l'article 3, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1975, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que le premier moyen étant rejeté, le grief invoqué dans la première branche est devenu sans portée ;
Attendu, d'autre part, que le sous-traitant étant fondé à refuser de poursuivre l'exécution d'un contrat nul, la cour d'appel a exactement retenu que la nullité rétroactive du sous-traité interdisait à l'entrepreneur principal de revendiquer un préjudice du fait de la rupture unilatérale du contrat et qu'en conséquence de cette nullité, le sous-traitant était en droit de solliciter le paiement de la contre valeur des travaux qu'il avait réalisés ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.