Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, n° 01-14.698
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2001), que Mme X..., maître de l'ouvrage, a chargé M. Y..., entrepreneur exerçant sous l'enseigne Polyalpan, assuré par la compagnie Union des assurances de Paris (UAP) aux droits de laquelle vient la société Axa assurances, du ravalement d'un immeuble suivant un système composé de panneaux isolants et de briquettes, dont il a sous-traité la pose à la société Sodibat, assurée par la compagnie la Concorde, aux droits de laquelle vient la compagnie Générali France (compagnie Générali) ; que des désordres étant apparus, Mme X... a assigné en réparation M. Y..., la société Sodibat et leurs assureurs ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1 ) que le désordre futur est de nature à rendre impropre à sa destination l'immeuble, dès lors qu'il est établi que ce désordre interviendra de manière certaine et dans un délai prévisible ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel, qui retient les conclusions de l'expert établissant la réalisation certaine des désordres dans un délai plus ou moins long et écarte la nature décennale des désordres et partant exclut les dommages du champ d'application de l'assurance-construction obligatoire, aux motifs que la rétention n'équivaut pas à la pénétration ou infiltration d'eau dans les pièces à hauteur desquelles se situe ce phénomène en façade et que l'impropriété même à venir de l'immeuble n'est pas démontrée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1792 du Code civil ;
2 ) que la détermination de la cause des désordres est sans incidence sur le droit à réparation des victimes invoquant l'article 1792 du Code civil ; qu'en l'état des constatations de l'arrêt selon lesquelles les désordres interviendront de manière certaine dans le délai prévisible, la cour d'appel ne pouvait écarter la responsabilité de l'entrepreneur principal, en retenant que la défectuosité du produit d'étanchéité à l'origine des désordres a été invoquée au cours d'une réunion d'expertise non contradictoire, la mise en jeu de la garantie décennale d'un constructeur n'exigeant pas la recherche de la cause des désordres ; qu'en écartant la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ;
3 ) que lorsque le bénéfice de l'assurance est invoqué par la victime des dommages qui est un tiers, il incombe à l'assureur de démontrer l'absence de garantie ; que l'incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve doivent être nécessairement retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve ; que dès lors, en écartant la garantie de la compagnie d'assurance du sous-traitant, du fait de l'incertitude quant à l'antériorité de l'ouverture du chantier par rapport à la date d'effet de la police d'assurances garantie décennale souscrite par celui-ci, alors que ce doute devait nécessairement profiter au maître de l'ouvrage, agissant par la voie de l'action directe contre l'assureur du maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que rétention n'équivallait pas à pénétration ou infiltration d'eau dans les pièces à hauteur desquelles se situait le phénomène en façade et constaté que l'impropriété, même à venir à plus ou moins long terme, de l'immeuble à sa destination n'était pas démontrée, la cour d'appel a exactement retenu que, faute de gravité suffisante, les désordres allégués consistant en des traces de taches sur la façade ne relevaient pas de la garantie décennale et a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant concernant la date d'exécution des travaux du sous-traitant, qu'eu égard à l'article 3, alinéa 5, du titre I du contrat d'assurance responsabilité décennale souscrit par la société Sodibat, la garantie de la compagnie Générali n'était pas acquise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article 1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X... dirigée contre M. Y..., l'arrêt retient qu'outre le fait que la survenance du risque d'infiltration n'est pas établie, l'expert ne précise nulle part que ce défaut de conception est imputable à M. Y..., qu'il ne donne aucune précision sur la nature du produit d'étanchéité utilisé et son inadaptation à la parfaite réalisation du revêtement mural et que de simples déclarations non contradictoires ne peuvent valoir preuve de la défectuosité du produit et du lien de causalité entre son emploi et les désordres constatés ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait caractérisé la faute commise par la société Sodibat, sous-traitant de M. Y..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme X... dirigée contre M. Y..., l'arrêt rendu le 11 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.