Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 18 février 2015, n° 14-10.604

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Rapporteur :

M. Pronier

Avocat général :

Mme Guilguet-Pauthe

Avocats :

Me Foussard, SCP Jean-Philippe Caston, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Montpellier, du 14 nov. 2013

14 novembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2013), que, devenue propriétaire d'anciennes cliniques, la société Foncière Saint-Charles a entrepris de transformer les locaux en appartements et locaux commerciaux ; que les acquéreurs de lots se sont constitués en l'Association foncière urbaine libre Espace Saint-Charles (l'AFUL), laquelle se substituant à la société Foncière Saint-Charles comme maître d'ouvrage pour les contrats et marchés, a confié les travaux de réhabilitation à la société Montpelliéraine de rénovation (la société MDR), qui a sous-traité l'intégralité des travaux à la société SPIE Tondella, aux droits de laquelle se trouve la société SPIE Batignolles Sud-Est (la société SPIE) ; que la société MDR a souscrit deux contrats de cautionnement auprès de la Caisse d'épargne ; qu'une expertise a été confiée à M. X..., qui s'est adjoint les services d'un sapiteur pour chiffrer les travaux exécutés par la société SPIE ; que la société SPIE a assigné la société MDR en annulation du contrat de sous-traitance et paiement de sommes, puis a assigné l'AFUL et la Caisse d'épargne en paiement de sommes ; que la Caisse d'épargne a appelé en garantie les assureurs des intervenants à l'acte de construire ; que les affaires ont été jointes ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° W 14-10. 632 de l'AFUL :

Attendu que l'AFUL fait grief à l'arrêt de dire fondée la demande de la société SPIE en paiement des travaux réalisés calculés selon la méthode issue des prix pratiqués, de fixer le montant du juste coût des travaux à la somme de 1 741 793, 77 euros et de dire que l'AFUL sera tenue in solidum avec la société MDR au paiement de cette somme, alors, selon le moyen :

1°/ que l'entrepreneur principal, tenu, à peine de nullité du contrat de sous-traitance, de garantir le paiement de toutes les sommes dues au sous-traitant par l'obtention à son profit d'une caution personnelle et solidaire d'un établissement qualifié, peut valablement fournir cette garantie, spontanément ou après mise en demeure du maître de l'ouvrage, tant que le sous-traitant n'a pas manifesté sa volonté de se prévaloir de la sanction prévue à l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société SPIE Tondella a attendu le 9 septembre 2004 pour exciper de la nullité du sous-traité pour violation de l'article 14 de la loi de 1975 en renvoyant à la caution les deux garanties qu'elle avait précédemment reçues les 4 avril et 12 juillet 2004 ; qu'en imputant à faute à l'AFUL Saint-Charles de ne pas avoir mis l'entrepreneur principal en demeure de fournir la caution requise par la loi, tout en constatant que le sous-traitant n'avait excipé de la nullité du contrat de sous-traitance que plusieurs mois après que la garantie lui ait été fournie, ce dont il résultait que, la régularisation du sous-traité étant intervenue en temps utile, l'obligation du maître de l'ouvrage était devenue sans objet, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°/ que le maître de l'ouvrage qui n'a pas consenti de délégation de paiement au profit du sous-traitant, n'est tenu d'exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie lui avoir fourni une caution personnelle et solidaire de la part d'un établissement qualifié qu'après avoir, d'une part, accepté le sous-traitant et, d'autre part, agréé les conditions de paiement stipulées au contrat de sous-traitance ; qu'en imputant à faute à l'AFUL Saint-Charles de ne pas avoir mis l'entrepreneur principal en demeure de fournir la caution requise par la loi alors qu'aucune délégation de paiement n'avait été mise en place et qu'elle avait su que le sous-traitant intervenait sur le chantier pour l'avoir personnellement accepté et agréé, sans autrement caractériser que le maître de l'ouvrage avait par ailleurs agréé les conditions de paiement stipulées au contrat de sous-traitance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

3°/ que lorsque les conditions de l'opposabilité du contrat de sous-traitance ne sont pas encore remplies et que le maître de l'ouvrage qui a connaissance de l'existence du sous-traitant, s'abstient de mettre en demeure l'entrepreneur principal de régulariser cette situation, le sous-traitant ne peut réclamer au maître de l'ouvrage plus que ce qui lui aurait été dû par l'entrepreneur principal ; que dans sa mise en demeure du 27 mai 2004, la société SPIE Tondella réclamait à l'AFUL Saint-Charles, au titre de l'action directe en paiement du sous-traitant, un solde de marché de 938 887, 79 euros ; qu'en décidant que l'AFUL Saint-Charles sera tenue du juste coût des travaux soit la somme de 1 741 793, 77 euros et non pas des seules sommes qui auraient été dues à la société SPIE si elle avait pu bénéficier de l'action directe, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'AFUL avait été informée par la société MDR de ce qu'elle sous-traiterait les travaux à la société SPIE et qu'elle avait autorisé cette sous-traitance et l'avait agréée et exactement relevé qu'aucune délégation de paiement n'ayant été mise en place, l'AFUL devait exiger de la société MDR qu'elle justifie avoir fourni à ce sous-traitant la caution garantissant le paiement de toutes les sommes dues en application du sous-traité et qu'en s'abstenant de mettre en demeure la société MDR de fournir cette caution, l'AFUL n'avait pas satisfait à ses obligations et avait ainsi commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, la cour d'appel, qui en a déduit, à bon droit, que la société SPIE était fondée à lui demander le paiement de dommages-intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés, a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société MDR, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que l'expert X..., ingénieur spécialisé en structures, avait recouru aux services de M. Y..., économiste de la construction, pour chiffrer le juste coût des travaux exécutés par la société SPIE, après avoir recueilli l'accord de toutes les parties, qu'il avait gardé la maîtrise des opérations d'expertise en reprenant les conclusions de son sapiteur et en annexant à son rapport celui de M. Y..., après que ce dernier ait diffusé un pré-rapport et répondu aux dires, notamment celui de la société MDR du 30 novembre 2007, qui relevait de sa compétence, que M. Y... avait examiné les critiques faites à son pré-rapport et y avait répondu point par point en pages 8 à 16 de son rapport, que la société MDR se limitait à reprendre les assertions de son dire du 17 décembre 2007 en affirmant que l'expertise n'y avait pas répondu, alors que réponse y avait été apportée sur huit pages du rapport de M. Y..., auquel M. X... faisait expressément référence dans son rapport définitif pour le reprendre à son compte et que la société MDR, n'établissant aucune violation du principe de la contradiction par M. X... ou M. Y... quant à l'estimation de ses travaux, serait déboutée de sa demande en nullité du rapport en ce qu'il détermine l'estimation du coût de ses travaux au chapitre 4, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° R 14-10. 604 de la société SPIE :

Attendu que la société SPIE fait grief à l'arrêt de prononcer la mise hors de cause de la Caisse d'épargne, alors, selon le moyen, que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses écritures d'appel, la société SPIE Batignolles Sud-Est faisait valoir que, contrairement aux allégations de la Caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon, elle n'avait pas rejeté l'acte de cautionnement qui était toujours en sa possession ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société SPIE avait refusé les actes de cautionnement, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que la société SPIE avait perdu tout droit d'exiger le paiement des sommes dues auprès de la Caisse d'épargne ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.