CA Bourges, ch. civ., 30 juin 2016, n° 15/01027
BOURGES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Costant
Conseillers :
M. De Romans, M. Perinetti
EXPOSÉ :
Par acte du 23 février 2015, Monsieur et Madame P. ont fait assigner Madame L. devant le tribunal d'instance de Châteauroux aux fins d'obtention de la condamnation de celle-ci à leur verser les sommes de 8.548,65 € à titre de dommages-intérêts et 1.500 € au titre des frais irrépétibles, faisant valoir qu'ils avaient sollicité cette dernière - exerçant sous l'enseigne commerciale CHAUFF ECO PLUS - pour la fourniture et la pose d'un insert à leur domicile à Issoudun (36).
Ils précisaient avoir constaté des dysfonctionnements de l'insert et sollicitaient, au vu d'une expertise amiable ayant conclu à la non-conformité de l'installation aux règles de l'art, la somme précitée correspondant à 6.855,39 € au titre des travaux de reprise de l'installation et 1.693,26 € s'agissant de la remise en état des pièces noircies par la fumée s'échappant de l'insert.
Par jugement rendu le 22 mai 2015, le tribunal d'instance de Châteauroux a déclaré Madame L. responsable des préjudices subis par Monsieur et Madame P. en raison de la non-conformité aux règles de l'art de la fourniture et pose de l'insert de cheminée à leur domicile et a condamné cette dernière à leur verser la somme de 8.548,65 €, outre une indemnité de 400 € au titre des frais irrépétibles.
Madame L. a interjeté appel de cette décision et demande à la cour de réformer la décision entreprise et de :
- débouter Monsieur et Madame P. de leur demande relative aux dommages-intérêts pour défectuosité intrinsèque de l'appareil insert,
- en conséquence, limiter leur indemnisation relative à la non-conformité de la pose de l'insert aux règles de l'art à la somme de 300 €,
- débouter Monsieur et Madame P. de leur demande relative au devis de Monsieur B. pour un montant de 1.693,26 €,
- lui octroyer, dans tous les cas, un délai de 24 mois pour régler le montant des condamnations mises à sa charge.
Madame L. estime que la possible défectuosité intrinsèque de l'appareil est étrangère aux principes de la responsabilité contractuelle du poseur, l'article 1147 du Code civil permettant l'obtention de dommages-intérêts en raison du retard ou de la mauvaise exécution d'une prestation de service, mais en aucun cas le remboursement du bien posé.
Elle fait observer que l'action résultant d'un défaut de conformité se prescrit par 2 ans à compter de la délivrance du bien conformément à l'article L 211-12 du code de la consommation et que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice, de sorte que toute demande formulée de ces chefs serait prescrite.
Elle fait observer que les intimés ne lui ont jamais adressé de courrier lui demandant le nom de son fournisseur.
Elle estime en tout état de cause que le coût réel de la remise en état ne saurait excéder 300 € (perçage d'un trou dans le mur, pose d'une grille pour l'arrivée d'air et pièces détachées).
Monsieur et Madame P., intimés, concluent quant à eux à la confirmation de décision entreprise et à la condamnation de Madame L. à leur verser une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.
Ils soutiennent en effet et principalement le fondement de leur action est l'article 1147 du Code civil, s'agissant d'un contrat d'entreprise comportant une obligation de faire et non pas d'un contrat de vente.
Ils estiment qu'il ne s'agit pas d'un contrat de construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil puisque Madame L. n'a pas créé de conduit maçonné ni de sortie en toiture.
Ils estiment que leur action sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun n'est pas prescrite puisque les désordres sont apparus au printemps 2011 et que l'assignation devant le tribunal d'instance de Châteauroux a été délivrée le 23 février 2015, de sorte que les dispositions de l'article 2224 du Code civil ont été respectées.
Les intimés estiment que l'expertise amiable du 4 septembre 2014 fait apparaître divers désordres au niveau de la pose ou de l'installation et du fonctionnement intrinsèque de l'insert, permettant de considérer que l'obligation de résultat pesant sur Madame L. n'a pas été respectée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mai 2016.
SUR QUOI :
Attendu qu'en application de l'article 1147 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ;
Qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que selon devis en date du 22 octobre 2010, Madame L. s'est engagée à fournir et à poser un insert à bois de marque EDILKAMIN modèle LUCE PLUS 54 ; que ce devis chiffre à 1.894,20 € la valeur de l'insert, à 400 € les travaux d'enlèvement de cheminée et à 1.600 € les travaux de «fourniture et pose» de l'insert ;
Qu'il en résulte que le contrat passé entre les parties doit être qualifié de contrat d'entreprise, mettant à la charge de Madame L. une obligation principale de faire, en l'occurrence installer un insert fourni par ses soins au domicile des intimés dans des conditions conformes aux règles de l'art ; qu'il convient d'observer que les intimés n'ont pas fondé l'action sur les dispositions relatives à la garantie des vices cachés, à l'obligation de délivrance, au défaut de conformité du produit en application de l'article L. 211-4 du code de la consommation ou en application de l'article 1386-6 du Code civil sur la responsabilité du fait des produits défectueux ;
Qu'ayant conclu un contrat d'entreprise avec Madame L., les intimés peuvent solliciter, au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du Code civil, l'octroi de dommages-intérêts correspondant au préjudice en lien avec une faute qui aurait été commise par leur contractant dans l'exécution du contrat ;
Qu'en l'espèce, il résulte de l'expertise amiable en date du 4 septembre 2014 que le matériel installé par Madame L. au domicile des époux P. n'est pas conforme aux règles de l'art en l'absence notamment d'arrivée d'air neuf comburant dans la pièce avec des risques pour la sécurité des personnes en raison du monoxyde de carbone, de la présence d'éléments en bois dans la hotte, de la présence d'auréoles noires autour des deux bouches de diffusion d'air chaud dans les pièces à l'étage, d'un défaut de fonctionnement de la commande automatique du volet de fumée ainsi que d'une déformation de la plaque support, d'une absence de rappel automatique de la porte et d'une absence de notice de fonctionnement en français ;
Que les intimés justifient de dommages résultants, d'une part, de performances insuffisantes de l'appareil pour obtenir une température optimale dans leur logement et, d'autre part, de la présence d'auréoles noires autour de toutes les bouches de diffusion d'air chaud dans les pièces de leur logement - ces dommages étant en lien direct avec les manquements contractuels de Madame L. ;
Attendu qu'il apparaît par ailleurs que selon devis établi par l'entreprise SOLIRIS, le coût des travaux de réfection conforme de l'installation s'élève à 6.855,39 € ; que selon devis établi par l'entreprise B., les travaux de peinture rendus nécessaires par le noircissement des plafonds du logement des intimés peuvent être chiffrés à 1.693,26 € ;
Qu'il y aura lieu, dans ces conditions, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Madame L. à verser le total de ces deux sommes - soit 8.548,65 € - à Monsieur et Madame P. dont l'action sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun n'est pas prescrite puisque les désordres sont apparus au printemps 2011 et que l'assignation devant le tribunal d'instance de Châteauroux a été délivrée le 23 février 2015, de sorte que les dispositions de l'article 2224 du Code civil ont été respectées ;
Que Madame L. sollicite par ailleurs le bénéfice de l'article 1244-1 du Code civil afin de lui permettre d'attraire en justice le sous-traitant auquel elle avait eu recours pour la pose de l'insert ; mais attendu que cette demande ne pourra qu'être rejetée, observation étant faite que l'appelante n'a pas estimé utile jusqu'à présent d'user de cette faculté alors même que sa responsabilité était recherchée dans le cadre de l'instance ;
Que l'équité commandera, enfin, d'allouer à Monsieur et Madame P. une indemnité de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 mai 2015 par le tribunal d'instance de Châteauroux ;
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 1244-1 du Code civil ;
- Condamne Madame L. à verser à Monsieur et Madame P. la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'arrêt a été signé par M. COSTANT, Président de Chambre, et par Mme MINOIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.