CA Lyon, 8e ch., 30 novembre 2020, n° 18/03612
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ministère Des Habous Et Affaires Islamiques (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Stella
Conseillers :
Mme Masson-Bessou, Mme Faivre
Avocats :
Selarl Active Avocats, SCP DPG
L'association Centre Socio-Culturel Marocain de Saint-Étienne (CSCM) a fait éditer une mosquée située [...].
Une demande de permis de construire a été déposée par Kamal Ibn A. architecte, le 31 octobre 2002, lequel a été délivré par la mairie de Saint-Étienne le 10 mars 2003.
Les travaux ont débuté le 29 juin 2004 suivant déclaration d'ouverture de chantier.
Au cours de l'année 2007, le CSCM s'est adressé au Royaume du Maroc afin de 'nancer les travaux de revêtement traditionnel. Le montant des travaux était évalué à 979 668,79 € soit une somme de 11 millions de dirhams.
Divers appels d'offres ont été lancés au Maroc.
Les travaux relatifs au revêtement ont été con'és à la société marocaine Abhat suivant marché n°12/BH/2007 signé par les parties le 29 mars 2007.
Un contrat d'architecte ayant uniquement pour objet le revêtement traditionnel de la mosquée de Saint-Étienne a été conclu le 3 mai 2007 avec Monsieur I. A. et l'Etat marocain, représenté par son ministère des Habous et des Affaires Islamiques. Les honoraires de Monsieur I. A. ont été 'xés à la somme de 35 255,51 € soit 396 000 dhs.
Le maître d'ouvrage, le Royaume du Maroc, était également assisté dans sa mission par la société 2A Ingeneering, représentée par Monsieur D., en qualité de coordinateur des travaux.
Le 21 juin 2007, Monsieur I. A. a déposé auprès de la mairie de Saint-Étienne une demande de permis de construire modi’catif qui avait pour objet le revêtement en pierre taillée ou sculptée des deux façades principales et du minaret de la mosquée. Le permis a été accordé par la mairie le 31 janvier 2008.
Le marché de la société Abhat a été résilié fin 2008 par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques suite à l'abandon de chantier de ladite société. Le 30 octobre 2008, un procès-verbal contradictoire a alors été signé en présence des parties au contrat constatant les travaux réalisés et ceux restant à faire.
Un nouvel appel d'offre a été lancé au Maroc. Le 31 décembre 2008, un contrat a alors été conclu avec la société marocaine Sotcob.
Un avenant n°46/DM/BH/2008 en date du 12 janvier 2009 a prorogé le délai d'exécution dudit marché de 3 mois.
Le 3 novembre 2009, un avenant au contrat d'architecte a été conclu portant augmentation de la rémunération de Monsieur I. A..
Le 21 octobre 2011, le marché de la société Sotcob relatif au revêtement traditionnel a été résilié par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques à la suite de l'abandon de chantier de la société courant de l'été 2010 et de la découverte de nombreux désordres.
Le 25 novembre 2011, un procès-verbal de constatations contradictoires des ouvrages exécutés par la société Sotcob a été établi par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques en présence de Monsieur I. A., de l'entreprise Sotcob, de Monsieur M., représentant du CSCM, et de Monsieur D., représentant de la société 2A lngeneering.
Ce procès-verbal a mentionné de nombreuses réserves aux torts de la société Sotcob.
Le 25 janvier 2012, un procès-verbal de réception définitive du revêtement traditionnel de la grande Mosquée de Saint-Étienne a été établi par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques mais non signé par Monsieur I. A. et par l'entreprise Sotcob.
Ce procès-verbal n'a pas fait état de réserves à l'encontre de la société Sotcob.
Une décision de mise en demeure de prendre d'urgence toutes les mesures nécessaires à la mise en conformité des travaux, datée du 26 décembre 2012, a été envoyée par courriel à Monsieur I. A. le 12 février 2013 puis par lettre recommandée reçue le 6 avril de la même année par ce dernier.
Le 28 juin 2013, le Royaume du Maroc a signifié par acte d'huissier la décision de mise en demeure datée du 26 décembre 2012 à Monsieur I. A..
Le 23 septembre 2013, Monsieur I. A. a fait procéder à l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier faisant état de non-conformités au regard des plans du permis de construire du 31 janvier 2008.
Par procès-verbal de constat d'huissier du 26 septembre 2013 établi à la demande du Royaume du Maroc, maître M. a constaté la présence de plusieurs désordres sur la façade de l'entrée principale et la façade sud-ouest ainsi qu'à l'intérieur de la grande Mosquée.
Suivant courrier recommandé en date du 10 octobre 2013, le Royaume du Maroc a mis en demeure Monsieur I. A. de faire intervenir, à ses frais, diverses entreprises pour remédier aux désordres constatés dans un délai de 15 jours.
Ce courrier est resté sans réponse.
Par acte d'huissier du 7 mars 2014, le Royaume Maroc et le CSCM de Saint-Étienne ont assigné Monsieur I. A. devant le tribunal de grande instance de Saint-Étienne sur le fondement des articles 1134,1147,1382 et 1184 du Code civil ainsi que des articles 122 et 123 du Code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées le 5 septembre 2017, le Royaume du Maroc et Le CSCM de Saint-Étienne ont demandé au tribunal de :
-Dire et juger recevables et bien fondées leurs demandes,
-Dire et juger que l'Association CSCM de Saint-Étienne a un intérêt à agir à l'encontre de Monsieur I. A.,
-Dire et juger que Kamal Ibn A. a manqué à ses obligations contractuelles,
-Dire et juger que le contrat d'architecte est résilié aux torts exclusifs de Monsieur I. A.,
-Le condamner à leur payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,
-Le condamner à verser au Royaume du Maroc la somme de 112 211,12 € correspondant au coût du revêtement en zellige réglé à la société Sotcob lequel doit être changé,
-Rejeter les demandes de Kamal Ibn A.,
-Le condamner à leur verser la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Le condamner aux entiers dépens de l'instance, distraction faite au pro't de Maître Stéphanie P., Avocat sur son affirmation de droit.
Suivant conclusions notifiées le 7 novembre 2017, Kamal Ibn A. a demandé au tribunal de :
-Dire et juger que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de leurs affirmations,
-Les débouter de l'ensemble de leurs demandes.
A titre reconventionnel,
-Juger que les demandeurs principaux ont manqué à leurs obligations,
-Condamner les demandeurs principaux, in solidum, à lui payer la somme de 71 408 € du chef des factures impayées, produisant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
-Les condamner également in solidum à lui payer la somme de 80 000 € réparant son préjudice moral,
-Les condamner in solidum à lui payer la somme de 100 000 € réparant la rupture abusive des relations initiées dans le cadre du projet de CSCM,
-Les condamner à assumer l'entièreté des dépens, distraits au profit de Maître M., Avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,
-Les condamner à lui payer la somme de 15 000 € au titre des frais non compris dans les dépens au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-Ordonner la publication de la décision à intervenir.
Par jugement contradictoire en premier ressort en date du 4 avril 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Étienne a :
-Rejeté les demandes du Royame du Maroc, représenté par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques, et du CSCM de Saint-Étienne ;
-Rejeté les demandes du CSCM ;
-Condamné le Royaume du Maroc, représenté par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques à payer la somme de 48 550,04 € à Monsieur I. A. ;
-Rejeté les autres demandes de Monsieur I. A. ;
-Condamné le Royaume du Maroc, représenté par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques, et le CSCM de Saint-Étienne au paiement de la somme de 12 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné le Royaume du Maroc, représenté par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques et le CSCM aux entiers dépens de l'instance au titre de l'article 699 du Code de procédure civile ;
-Rejeté la demande de publication de la décision.
I Sur les demandes principales du Royaume Maroc
Le Royaume du Maroc fait valoir que Monsieur I. A., qui disposait d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, a commis diverses fautes dans le cadre de l'exécution de son contrat justifiant sa résolution à ses torts exclusifs.
1 - Sur la mission de Monsieur I. A.
Le Royaume du Maroc affirme que Kamal Ibn A. avait une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, laquelle comprenait :
la phase de conception et d'étude;
la phase de passation des marchés et des travaux;
la phase de suivi des travaux;
la phase de réception.
ll explique qu'au titre de l'article 2 du contrat d'architecte n°006/2007, Monsieur I. A. avait une mission d'étude et de réalisation des plans de conduite de travaux ; que l'article 8 du même contrat indique clairement que 'l'architecte restera responsable de toute erreur de ses projets' ; que dans le cadre des appels d'offre, il devait, à la demande de l'administration, vérifier les soumissions et les pièces qui les accompagnent et que par ailleurs les demandes de permis de construire versées aux débats mentionnent que les plans étaient réalisés par Monsieur I. A.. Le défendeur soutient que la réalisation de dessins de détail des plans du chantier ne signifie en rien qu'il devait assumer la conception du lot revêtement ; ses dessins ne constituent qu'une suite et ne peuvent engager son auteur qu'en cas de désordre découlant d'eux exclusivement ; que par ailleurs les choix des matériaux et des entreprises ont eu lieu bien avant qu'il se soit vu confier la mission, tout comme les plans qui avaient été dessinés au Maroc au sein des services concernés.
Il ajoute que l'article 2 du contrat d'architecte prévoit que l'architecte ne pourra commencer le suivi des travaux qu'après avoir reçu un ordre écrit de l'administration, qui ne se trouvera engagée définitivement vis-à-vis de lui que pour les travaux dont il aura prescrit par écrit des projets ou la mise en chantier ; qu'ainsi cet article s'inscrit dans l'objet du contrat tel que défini à l'article 1 et qu'il concerne uniquement l'engagement de l'administration à l'égard de l'architecte, à savoir l'exécution de ses obligations comprenant le paiement des honoraires imposant le suivi d'une procédure administrative spécifique.
Monsieur I. A. relève également que conformément à l'article 2 de son contrat, il n'avait pas pour mission d'intervenir dans la passation du marché ; qu'en effet il devait seulement, à la demande de l'administration, vérifier les soumissions et les pièces qui accompagnent les appels d'offres ; qu'en tout état de cause les demandeurs ne produisent aucune demande du maître de l'ouvrage en ce sens ; que de plus, le contrat d'architecte a été conclu alors que le marché avec la société Abhat était déjà passé ; qu'en tout état de cause le maître d'ouvrage ne produit aucun document afférent à une consultation des entreprises conduisant à la passation des marchés ; qu'en effet, les entreprises Sotcob et Abhat ont été sélectionnées au Maroc et en l'absence de Monsieur I. A..
Le Royaume du Maroc explique toutefois que l'architecte était l'interlocuteur de la commune de Saint-Étienne ; que le marché de la société Sotcob mentionne expressément que le contrat est dressé et signé par l'architecte ; que les comptes-rendus de chantier présentent Monsieur I. A. comme le maître d'oeuvre d'exécution ; que les factures indiquent des missions de direction de l'exécution des contrats de travaux et qu'enfin aux termes de sa lettre du 15 septembre 2008, Monsieur I. A. a demandé des honoraires supplémentaires pour sa mission d'étude et de direction de l'exécution des travaux de l'entreprise Abhat.
ll résulte de l'examen du dossier que Monsieur I. A. a conclu un contrat d'architecte avec le Royaume du Maroc le 3 mai 2007 concernant le revêtement traditionnel de la Mosquée de Saint-Étienne ; que l'article 1 de ce contrat précise que Monsieur I. A. est chargé du suivi des travaux ; que le rapport final de chantier en date du 27 janvier 2008 précise de nouveau cette mission ; que par ailleurs les factures de l'architecte font état d'une mission d'étude et de direction de l'exécution des contrats de travaux qui ne peuvent s'assimiler à une mission de conception. De plus, le lot de réalisation du revêtement a été confié le 28 mars 2007 à l'entreprise Abhat par le directeur de la Mosquée et les représentants du Royaume du Maroc, soit précédemment à la conclusion du contrat d'architecte, ainsi Monsieur I. A. n'a pu intervenir pour la consultation des entreprises et la passation dudit marché.
Suite à la résiliation du contrat de la société Abhat, un second marché de travaux a été conclu avec la société Sotcob le 31 décembre 2008, reprenant les mêmes termes que celui précédemment établi avec la société Abhat, notamment le cahier des prescriptions techniques. Ce marché a été signé par le Royaume du Maroc, le directeur de la Mosquée, la société Sotcob et Monsieur I. A.. Suivant l'article 12 du contrat d'architecte, après appel d'offre, concours ou procédure négociée en vue de la passation d'un marché, l'architecte devra, à la demande de l'administration vérifier les soumissions et les pièces qui les accompagnent.
Or, il n'est pas rapporté la preuve que le Royaume du Maroc aurait demandé à Monsieur I. A. de véri'er les pièces du marché de la société Sotcob et dès lors, qu'il aurait participé aux différents appels d'offre.
Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux présents débats que Monsieur I. A. a déposé une demande de permis de construire modificative le 21 juin 2007 à laquelle il a joint des plans de façade ; que ces plans de façade sont identiques à ceux établis le 22 décembre 2006, soit précédemment à la conclusion du contrat de l'architecte ; qu'ainsi Monsieur I. A. n'est pas intervenu dans la réalisation de ces plans correspondant à une mission de conception.
En tout état de cause, il est indiqué dans les comptes-rendus de chantier du 5 et 26 mars 2009, que Monsieur M. a ramené du Maroc les plans (propositions) concernant les pierres taillées et détail des portes façades principales et façade Ouest, les plans des pierres taillées et le détail des portes étant établis par Monsieur Cherkaoui D., consultant en architecture traditionnelle et ingénierie au Maroc.
De plus, Monsieur I. A. souligne que le chantier était initialement prévu pour 6 mois et que c'est sur cette base que le contrat d'architecte a été conclu ; que compte tenu des difficultés rencontrées, engendrant une durée supplémentaire de travaux dont le suivi était plus complexe, il a été convenu de prévoir des honoraires supplémentaires. Monsieur I. A. fait également observer le faible montant de sa rémunération, soit 3% du montant des travaux effectués, qui ne peut donc correspondre à une mission complète de maîtrise d'oeuvre.
Le Royaume du Maroc soutient qu'il a été prévu une augmentation de 1% pour la mission des études complémentaires de Monsieur I. A. et non en raison d'une prolongation de la durée d'intervention de l'architecte ; qu'en tout état de cause le code des marchés de l'Etat marocain limite les honoraires des architectes pour une mission complète à un maximum de 5 % des montants des marchés, ce qui explique le faible montant de la rémunération de Monsieur I. A..
Il convient cependant d'indiquer que les demandeurs ne produisent aucun élément permettant de confirmer la faible rémunération d'un architecte au regard du code des marchés au Maroc.
Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que, conformément au contrat d'architecte du 3 mai 2007, Monsieur I. A. ne disposait que d'une mission limitée au suivi du chantier.
2- Sur la responsabilité de Monsieur I. A.
Le Royaume du Maroc sollicite la résolution du contrat d'architecte de Monsieur I. A. à ses torts ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 €.
L'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2016, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas ou l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Il appartient au juge saisi d'une telle demande d'apprécier si la gravité des manquements allégués est telle que la résolution doit être prononcée.
L'article 1146 du Code civil dispose que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante.
Monsieur I. A. relève que le document intitulé 'mise en demeure' est antidaté. En effet bien qu'il soit daté du 26 décembre 2012, adressé le 28 du même mois, les demandeurs ne produisent aucune preuve de la date d'envoi ni de réception dudit courrier qui n'est en fait qu'une réaction à sa propre mise en demeure en date du 25 janvier 2013 à l'encontre du directeur de la Mosquée, Abdelaziz D., concernant la non-conformité de travaux aux règles de l'art ensuite de nombreux courriers demandant au maître d'ouvrage d'intervenir auprès de la société Sotcob.
Le Royaume du Maroc soutient que Monsieur I. A. ne prouve pas la date de réception de son courrier du 25 janvier 2013 ; que la mise en demeure du 26 décembre 2012 a été enregistrée sur le registre du bureau d'ordre du ministère des Habous et des Affaires Islamiques sous le numéro 44700 en date du 28 décembre, comme le confirme l'attestation du directeur des affaires administratives et de la coopération.
Il ajoute que cette mise en demeure a été renvoyée via le CSCM et par huissier de justice car Monsieur I. A. avait changé d'adresse sans en informer le maître d'ouvrage et éteint son fax ; que par ailleurs l'architecte n'a pas contesté ladite mise en demeure qui lui était pourtant adressée et signifiée par voie d'huissier.
Monsieur I. A. fait valoir que le registre portant le numéro 44700 est produit en langue arabe, ce qui ne permet pas au défendeur d'en apprécier les termes et qu'il doit donc être écarté des débats ; qu'en tout état de cause, ce document a fait l'objet d'une étude par un traducteur assermenté à Villeurbanne et qu'il est complètement illisible selon ce dernier.
L'architecte ajoute que sur le fond, il y a une contradiction entre la prétendue mise en demeure antidatée du 26 décembre 2012 et le courrier du 26 janvier 2012 établi par le CSCM intitulé "ATTESTATION DE RECONNAISSANCE", lequel se déclare satisfait des prestations de l'architecte et précise qu'aucune poursuite judiciaire ne sera engagée à son encontre ; que cette mise en demeure est encore contradictoire avec le procès-verbal de réception définitive établi par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques le 25 janvier 2012, aux termes duquel 'un hommage particulier est rendu à l'architecte du projet, Kamal Ibn A. pour la qualité de son travail' ; qu'enfin elle est contredite par la déclaration du Roi Mohammed VI du 17 janvier 2012 se déclarant satisfait des travaux réalisés.
Il fait également observer que le CSCM, sur demande du ministère, a été invité à signer un document aux termes duquel il s'avérerait en réalité que c'est lui qui aurait sommé la société Sotcob d'arrêter le chantier ; que ce document prévoyait par ailleurs qu'aucune pénalité de retard ne serait imputée à ladite société et que cette société serait autorisée à reprendre le chantier ; que le CSCM a contesté ce document, par courrier du 20 juin 2011, aux motifs qu'il est totalement contraire aux termes de leurs réunions et de leurs échanges en date du 16 juin 2011 ; qu'il révèle une attitude visant à favoriser une entreprise incompétente et défaillante au détriment du CSCM et de la communauté de Saint-Étienne.
En l'espèce, Monsieur I. A. ne conteste pas avoir reçu, par courriel du 12 février 2013 et par courrier du 25 mars de la même année, la mise en demeure du Royaume du Maroc en date du 26 décembre 2012 lui demandant de prendre d'urgence toutes les mesures nécessaires à la mise en conformité des travaux. Cette mise en demeure lui a ensuite été signifiée par acte d'huissier le 28 juin 2013.
Par ailleurs, Monsieur I. A. ne prouve pas que cette mise en demeure n'est qu'une réponse à son propre courrier du 25 janvier 2013, dont la réception par le Royaume du Maroc n'est en tout état de cause pas établie.
Ainsi et conformément aux dispositions de l'article 1146 du Code civil, Monsieur I. A. a bien été destinataire d'une mise en demeure faisant état de ses manquements contractuels quant à la préparation des dossiers, quant au suivi des travaux et quant à l'obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage permettant en conséquence de faire courir les dommages et intérêts.
En tout état de cause, au soutien de sa demande de résolution judiciaire du contrat d'architecte et de sa demande d'indemnisation, le Royaume du Maroc doit démontrer la faute de Monsieur I. A. et justifier de son préjudice en lien de causalité avec cette faute.
Sur le permis de construire
Le Royaume du Maroc déclare que l'architecte n'a pas respecté le permis de construire modificatif en date du 31 janvier 2008 ; qu'en effet la corniche et une partie de la décoration présente au-dessus de la frise n'étaient pas prévues ;
que c'est pour cette raison que les services d'urbanisme de la mairie de Saint-Étienne ont refusé de délivrer le certificat de conformité ; qu'en tout état de cause même si l'architecte n'était pas alerté sur les problèmes de non-conformité, les travaux se sont poursuivis alors même qu'il aurait dû les stopper.
Il précise avoir indiqué, par courrier et en réponse au courrier du 14 novembre 2012 de Monsieur I. A., que l'architecte est dans l'obligation d'arrêter en amont tout travail non conforme.
Monsieur I. A. fait valoir que les dessins de façades, tels que déposés dans le cadre de la demande de permis de construire modi'catif de 2007, ont été modifiés par les services du ministères des Habous et des Affaires Islamiques sans son accord et son concours ; qu'il a, sans attendre et dès la production des plans non conformes au permis de construire, soit au début de l'année 2009, émis les plus vives réserves ; qu'il a alerté à de nombreuses reprises, soit le 14 mars, le 4 septembre, le 12 octobre 2011 ainsi que le 10 avril 2012, le maître d'ouvrage, qui n'a tout simplement pas souhaité donner suite à ses remarques.
Il ajoute que lors d'une réunion de chantier du 24 avril 2012, le maître d'ouvrage a lui-même relevé que les hauteurs n'étaient pas conformes au permis tout en insistant sur la nécessité de réaliser les travaux avant la date officielle de l'inauguration de la Mosquée le 19 juin 2012 ; qu'en tout état de cause, le marché de l'entreprise Sotcob étant résilié, il lui appartenait de faire réaliser ces travaux, ce qu'il n'a pas fait.
Monsieur I. A. précise que le procès-verbal contradictoire établi en présence des parties indique que 'cette tour a été construite sans étude béton armé, sans l'avis favorable de l'organisme de contrôle et l'architecte. L'architecte et l'association CSCM nient leur responsabilité dans la construction de cette tour. L'architecte a indiqué plusieurs fois qu'il ne fallait pas intervenir sur la structure existante conformément au permis modi'catif initial. Cela n'a pas été suivi d'effet par l'entreprise.
L'architecte est responsable du manquement ou de la mauvaise exécution de ses obligations, dans la limite des missions qui lui sont confiées et des obligations inscrites dans le contrat passé avec le maître d'ouvrage.
Monsieur I. A., suivant compte-rendu de chantier du 26 février 2009, soit antérieurement aux travaux de revêtement de façades en pierre traditionnelle, a indiqué : ' Nous avons examiné avec beaucoup d'attention le nouveau dessin des façades sud-ouest, cela ne correspond pas à notre permis de construire modificatif déposé en 06-2007 accordé en 01-2008, à l'exception du minaret, et vu le caractère très typé de ces élévations par rapport à l'architecture locale et au PLU, le projet peut être refusé. De ce point de vue, il faut être prudent, car le non-respect du permis de construire peut avoir comme conséquence une condamnation à démolir, et la non-obtention du certificat de conformité des travaux. Et nous ne pouvons prendre le risque de commencer ces travaux, sans un nouveau permis de construire modificatif et vu les délais d'instruction longs et incompatibles avec votre planning d'intervention, nous vous conseillons de respecter les prescriptions de l'ancien permis de construire modificatif ».
Ce courrier est resté sans réponse de la part du Royaume du Maroc.
Par courriers envoyés en recommandé avec accusé de réception le 4 septembre, le 12 octobre 2011 et le 10 avril 2012, l'architecte a de nouveau alerté le maître d'ouvrage sur la nécessité de respecter le permis de construire modificatif de 2008.
Ainsi, il est démontré en l'espèce que Monsieur I. A., au regard de sa simple mission de suivi du chantier est tenu d'une obligation de moyens envers le maître d'ouvrage; qu'il ne dispose pas de prérogatives au regard de son contrat du 3 mai 2007 lui permettant de contraindre la société Sotcob dans l'exercice de sa propre mission ; qu'ainsi, en alertant à maintes reprises le Royaume du Maroc sur les difficultés liées au non-respect du permis de construire modificatif du 31 janvier 2008, Monsieur I. A. a respecté ses obligations contractuelles et ne peut dès lors voir sa responsabilité engagée.
Sur le suivi de chantier
Le Royaume du Maroc reproche à l'architecte d'avoir validé les situations de la société Sotcob pour après les réfuter, ce qui a généré un litige avec la société Sotcob. Il indique notamment que la situation n°6 préparée par la société Sotcob était basée sur des quantités validées lors d'une réunion contradictoire du 25 novembre 2011, alors même qu'à la lecture de ce constat contradictoire, les quantités n'étaient pas celles prévues au marché ; que pourtant Monsieur I. A. ne les a pas contestées à ce moment-ci.
Le Royaume du Maroc ajoute que l'article 8 du contrat d'architecte stipule que Monsieur I. A. devait porter à la connaissance de l'administration les causes des suppléments et lui demander ses instructions ; qu'il a été mis devant le fait accompli et n'a pas eu d'autre solution que d'accepter ces modifications lors de la réunion du 25 novembre 2011 ; qu'il n'y avait donc aucune raison pour que l'architecte prenne l'initiative de diminuer des quantités qui avaient été validées par tous les participants à cette réunion y compris par lui-même ; de même qu'il n'y avait aucune raison pour Monsieur I. A. de ne pas valider la nouvelle situation n°6 qui lui a été adressée le 6 mars 2013.
Monsieur I. A. fait observer que les demandeurs ne contestent pas le fondement de son opposition à valider la situation présentée par l'entreprise Sotcob mais le fait d'avoir généré un conflit avec cette dernière ; qu'en tout état de cause, il a contesté cette situation parce qu'elle était inexacte et donc, en ce sens, il a respecté son obligation contractuelle.
Il précise qu'il a validé les cinq premières situations présentées par l'entreprise conformément à la réalité des travaux et aux pièces du marché ; que la situation n°5 n'a pas appelé à l'époque de remarque particulière puisque l'entreprise Sotcob se trouvait encore dans le délai contractuel d'exécution de son marché ; qu'au contraire la situation n°6 établie 3 ans après, soit en juin 2012, faisait apparaître une somme restant à devoir à la société Sotcob ; qu'il a refusé, au regard notamment des pénalités devant être appliquées, au titre des manquements de la société Sotcob constatés après l'établissement de la 6ème situation ; qu'il a donc parfaitement assumé sa mission en retenant des moins-values dues aux retards et aux malfaçons constatés et ce, dans l'intérêt exclusif du maître d'ouvrage.
Concernant les quantités, l'architecte indique s'être conformé aux termes du marché, selon lesquels les quantités supplémentaires ne peuvent donner lieu à demande de paiement qu'en cas d'accord du maître d'ouvrage ; que le 25 novembre 2011, ce sont des constatations qui ont été réalisées, qui ne peuvent emporter validation de situations qui ne sont pas encore établies à cette date ; qu'en tout état de cause le courrier du 5 septembre 2012 de Monsieur D., soutenant que les quantités ont été validées le 25 novembre 2012, ne peut être pris en compte en raison des liens qu'il entretient avec le maître d'ouvrage.
Il fait valoir qu'il n'était pas utile à l'architecte de contester les quantités de matériaux utilisées par l'entreprise, en raison du simple fait que le contrat de marché excluait tout paiement supplémentaire par le maître d'ouvrage ; qu'ainsi, puisque ce dernier ne risquait pas d'exposer des frais supplémentaires, il n'avait pas à contester les quantités de matériaux utilisées par l'entreprise Sotcob ; que par ailleurs le Royaume du Maroc était informé des dépassements dans les quantités, en raison du fait que l'entreprise Sotcob lui avait fait parvenir des devis d'acquisition et de paiement des matériaux.
Au regard de ces éléments, il convient de constater que le Royaume du Maroc ne justi'e pas en quoi le refus de validation de la situation n°6 de la société Sotcob caractérise un comportement fautif de Monsieur I. A. pouvant entraîner un préjudice à son encontre.
Par ailleurs, il n'est pas démontré que Monsieur I. A. aurait établi lui-même les quantités de matériaux utilisés par la société Sotcob.
En tout état de cause, l'architecte a refusé cette situation constatant des pénalités de retard ainsi que des manquements de la société Sotcob qui ne sont pas contestés par le Royaume du Maroc, alors même que le marché de travaux en son article 45 stipule que les prix sont établis par l'entrepreneur en dirhams et correspondent à des ouvrages en parfait état d'achèvement et de fonctionnement.
Le Royaume du Maroc soutient en tout état de cause que Monsieur I. A., en ne validant pas les échantillons des matériaux utilisés par la société Sotcob qui n'ont pas résisté au gel, engage sa responsabilité conformément au cahier des prescriptions techniques du marché de travaux de la société Sotcob ; qu'il a par ailleurs manqué à son devoir de conseil ; qu'en effet le zellige traditionnel a été posé aux abords de la Mosquée sans être soumis aux essais demandés, que les essais réalisés par le laboratoire Lanae et les contestations de la qualité par Monsieur I. A. sont postérieurs à la pose de la pierre et du zellige.
Monsieur I. A. relève que des essais ont été réalisés préconisant des investigations complémentaires que le maître d'ouvrage a laissées sans suite ; qu'il a parfaitement informé ce dernier de l'absence de résistance des pierres ; qu'en tout état de cause, avant même le commencement des travaux, il a alerté le Royaume du Maroc sur ladite problématique sans que le maître d'ouvrage n'intervienne.
Il précise que les échantillons ont été validés par le maître d'ouvrage lui-même ; que le ministère a dressé un procès-verbal de réunion rédigé en ces termes : 'soumettre les échantillons à l'approbation de l'administration le lundi 19/05/2008 puis commencer la pose sur chantier avant le 10/06/2008" ; qu'ainsi, on ne saurait lui faire quelconque grief concernant les échantillons dès lors que le ministère a souhaité lui-même, par ses services techniques, les valider.
Le cahier des prescriptions techniques du marché de travaux de la société Sotcob stipule que l'entrepreneur devra soumettre à l'agrément du maître d'oeuvre un échantillonnage complet de chaque espèce de matériel ou de fourniture qu'il se propose d'employer ainsi que quatre plaques de revêtement qu'il propose de réaliser. Il est indiqué que les matériaux devront être conformes aux normes marocaines, à plusieurs DTU et au classement UPEC. Toutefois aucune référence n'est faite quant à la résistance au gel que l'échantillonnage doit permettre de véri'er.
Par ailleurs, à la suite de la résiliation du marché de travaux de la société Abhat, l'architecte a, dans son rapport de chantier du 27 octobre 2008, indiqué la nécessité de réaliser, par un bureau de contrôle agréé, des essais afin de déterminer la porosité de la pierre, tester sa compatibilité avec le mortier-colle employé et d'identifier les risques en période de gel ainsi que de tester la mise en oeuvre par essais d'arrachement.
Suivant compte-rendu de chantier du 19 et 20 janvier 2009, Monsieur I. A. a sollicité les résultats d'expérimentations techniques à réaliser par un organisme de contrôle agréé pour la mise en oeuvre de la pierre zellige, afin de les requalifier par un référentiel français.
Les essais ont été réalisés en mars 2009 par l'entreprise Lanae constatant que les ouvrages ne résistaient pas au gel.
Suivant compte-rendu de chantier du 18 mai 2009, Monsieur I. A. a demandé au maître d'ouvrage de transmettre les essais techniques pour la mise en oeuvre de la pierre et zellige.
En mars 2010, de nouveaux essais ont été réalisés constatant qu'un avis technique était requis.
Enfin, par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juin 2010, l'architecte a précisé que le remplacement des pavés en terre cuite cassés avec quelques travaux de réparations pour les défauts visibles n'était pas la solution dans la mesure où ces pavés ne résistaient pas au choc thermique, à l'usure, au gel et à l'utilisation des sels de déverglaçage.
La société Sotcob a alors établi un devis, transmis au bureau de contrôle pour validation qui a jugé qu'un avis technique d'expérimentation était nécessaire. Par courrier du 10 avril 2012, Monsieur I. A. en a informé le maître d'ouvrage.
Ainsi, Monsieur I. A. a, dès le début des travaux, informé le maître d'ouvrage de la nécessité de procéder à des essais afin de vérifier la résistance au gel des matériaux utilisés, le maître d'ouvrage a été informé tout au long du chantier du bien-fondé de réaliser un avis technique d'expérimentation auquel il n'a cependant pas donné suite.
Il convient également de relever que l'ensemble des comptes-rendus de chantier ont été transmis au maître d'ouvrage qui était d'ailleurs présent sur le chantier à plusieurs reprises et donc connaissait l'avancement des travaux et des difficultés.
De plus, il est étonnant qu'aucune expertise n'ait été diligentée par le Royaume du Maroc quant aux détériorations constatées par les intervenants sur le chantier.
En tout état de cause, la responsabilité de Monsieur I. A. ne peut être engagée en l'espèce.
Le Royaume du Maroc soutient encore que Monsieur I. A. n'a pas procédé à la réception des travaux, ce qui a empêché le maître d'ouvrage d'émettre des réserves et de faire intervenir à nouveau les entreprises ; que le procès-verbal de constatations contradictoires dressé le 30 octobre 2008 ne vaut pas réception ; qu'en effet il ne s'agit que d'un constat d'avancement des travaux.
Monsieur I. A. déclare qu'en cas d'abandon de chantier, un constat contradictoire est assimilé à (sic) un abandon de chantier ; qu'en tout état de cause le maître d'ouvrage a bien pris possession des lieux, l'ouvrage ayant été inauguré le 19 juin 2012.
Suite à l'abandon de chantier de la société Sotcob, un procès-verbal des constatations contradictoires des ouvrages exécutés a été établi le 25 novembre 2011 faisant état de nombreux désordres imputables à la société Sotcob.
Suivant courrier du 27 décembre 2011, le Royaume du Maroc a attiré l'attention de Monsieur I. A. au regard de ses manquements contractuels dans le suivi de chantier.
Pour autant, le 25 janvier 2012, soit deux mois seulement après le courrier du 27 décembre 2011, le Royaume du Maroc a établi un procès-verbal de réception définitive au terme duquel 'un hommage particulier est rendu à l'architecte du projet, Monsieur Kamal Ibn A.'.
Ce procès-verbal de réception définitive a été établi sans la présence de Monsieur I. A. alors même qu'il relate des constatations de ce dernier. De plus, aucune réserve n'est imputée à la société Sotcob qui a pourtant abandonné le chantier suite à sa mauvaise exécution des travaux.
Dès lors, il existe une véritable contradiction entre la réalité du chantier et le procès-verbal définitif du 25 janvier 2012.
En tout état de cause, ce document, à l'initiative du Royaume du Maroc n'a été ni signé par la société Sotcob ni par Monsieur I. A..
Ainsi, en application de l'article 1792-6 du Code civil, il ne peut s'apparenter à une réception contradictoire de l'ouvrage dans la mesure où Monsieur I. A. a refusé de le signer.
Dans un courrier du 21 mars 2012, le Royaume du Maroc a par ailleurs indiqué à Monsieur I. A. que la réunion du 25 janvier 2012 était préparatoire à l'inauguration de la Mosquée et qu'elle était considérée comme une réception des travaux.
Ainsi, le procès-verbal des constatations contradictoires des ouvrages du 25 novembre 2011 établi avec réserve vaut réception du revêtement traditionnel de la Mosquée de Saint-Étienne. Dès lors, il ne peut être reproché à Monsieur I. A. de ne pas avoir procédé à la réception de l'ouvrage.
Monsieur I. A. fait également observer que, compte tenu de la direction des travaux assurée par les demandeurs, ils ne sauraient lui opposer un quelconque manquement ; qu'en effet le maître d'ouvrage a traité directement concernant la conclusion des marchés et l'émission des ordres de services ; qu'il organisait les réunions de suivi de chantiers ; qu'il procédait ainsi lui-même aux convocations des intervenants et qu'il se présentait aux réunions pour valider les décisions à prendre.
Il ajoute que le ministère des Habous et des Affaires Islamiques participait à la fixation de l'ordre du jour des réunions ; qu'il était en rapport direct avec les équipes externes d'ingénierie ; qu'il assurait la passation des contrats avec les bureaux d'études ; que les plans d'exécution, notamment ceux sur le mode de fixation des arches et des faux plafonds, étaient établis par la société Sotcob, directement en rapport avec le maître de l'ouvrage qui les contrôlait.
L'architecte poursuit en indiquant que les procès-verbaux des réunions ont été établis à plusieurs reprises par l'administration marocaine, sur papier à entête du ministère des Habous et des Affaires Islamiques ; que le maître d'ouvrage procédait à la rédaction des procès-verbaux de constatations contradictoires des ouvrages, faits à Rabat, qu'il a procédé lui-même à la rédaction du procès-verbal de réception définitive du revêtement traditionnel le 25 janvier 2012 et que le CSCM se rapprochait lui-même du Royaume du Maroc.
En'n, il souligne que le maître d'ouvrage a demandé à la société 2A Ingeneering, représentée par Monsieur D., d'intervenir en qualité d'assistant à la maîtrise d'ouvrage; qu'elle se rapprochait directement de la société Sotcob pour solliciter les documents de réalisation des travaux, suivre l'avancée des travaux ; que Monsieur D. a lui-même pris attache avec des cabinets d'ingénierie, pour l'établissement d'études techniques des pierres naturelles et plaques de céramique ; que, de plus, l'entreprise Sotcob elle-même indique avoir réalisé les travaux sous la direction de Monsieur D. qui ont été refusés par la suite.
Le Royaume du Maroc fait valoir qu'il n'a participé qu'à 7 réunions de chantier sur les 47 ayant fait l'objet d'un compte-rendu par Monsieur I. A., ce qui démontre que le maître d'ouvrage ne s'est aucunement immiscé dans la gestion du chantier ; que par ailleurs la présence de surveillants mandatés par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques ne dégage pas l'architecte de sa responsabilité dans le suivi du chantier.
Considérant que, comme il a été démontré ci-avant, Monsieur I. A. n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission du suivi de chantier, la reconnaissance d'une immixtion du maître d`ouvrage dans l'exécution des travaux est devenue sans objet.
Ainsi, la demande du Royaume du Maroc tendant à la résolution du contrat d'architecte de Monsieur I. A. doit être rejetée.
Dès lors, les demandes de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 € au titre des désordres sur la façade sud-ouest et la façade de l'entrée principale de la Mosquée, ainsi que la demande de paiement d'une somme de 112 211,12 € correspondant au coût du revêtement en zellige réglé à la société Sotcob ne sont pas fondées.
II Sur les demandes du CSCM à l'encontre de Monsieur I. A.
En application de l'article 122 du Code de procédure civile 'constitue une 'n de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
L'article 123 du même code dispose que 'les 'ns de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.'
Monsieur I. A. fait valoir que, le CSCM était propriétaire de l'assiette du terrain sur laquelle il a décidé de faire édifier une Mosquée ; que dans ce cadre, il a confié les travaux de revêtement au Royaume du Maroc, qui n'était pas propriétaire et qui a conclu les contrats au nom et pour le compte du CSCM ;
qu'il semblerait toutefois que le CSCM ait cédé la Mosquée au Royaume du Maroc comme le laisse supposer un article de presse du journal 'le progrès' intitulé 'la Mosquée de Saint-Étienne devient propriété du Royaume du Maroc' en date du 7 septembre 2012.
Ainsi par l'effet de la cession, le Royaume du Maroc se voit attaché des contrats conclus dans le cadre de l'édification de la Mosquée ; que le CSCM a perdu lesdits droits, ce d'autant que les travaux ont été, même avant la cession, financés par le Royaume du Maroc ; qu'il en ressort que le CSCM n'a pas d'intérêt à agir à l'encontre de Monsieur I. A.. Il sera donc déclaré irrecevable.
Aux termes de leurs conclusions, le CSCM indique avoir un intérêt à agir, en ce qu'il est le propriétaire et l'exploitant de la Mosquée et qu'il a lui-même demandé la réalisation des travaux au Royaume du Maroc.
Il fait également valoir que l'intérêt à agir ne résulte pas uniquement de l'existence ou non d'un contrat ; que les fautes commises par Monsieur I. A. dans l'exécution de la mission qui a pu lui être confiée par le Royaume du Maroc lui causent nécessairement un préjudice.
Monsieur I. A. fait observer que le CSCM ne justifie pas de ses qualités de propriétaire ni d'exploitant, outre qu'il n'explicite aucunement le fondement de ses demandes indemnitaires, dès lors qu'il formule les mêmes demandes que le Royaume du Maroc, seul contractuellement lié à Monsieur I. A. ; que par ailleurs le CSCM ne justifie aucunement de préjudices propres.
Si le tiers au contrat peut solliciter réparation lorsque l'inexécution fautive du contrat lui cause un préjudice et qu'en ce sens la demande du CSCM est recevable, il apparaît que celle-ci n'est pas fondée dès lors qu'aucun manquement contractuel n'a été retenu par le tribunal.
Ainsi, les demandes du CSMC dirigées à l'encontre de Monsieur I. A. sont rejetées.
III- Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur I. A.
Sur les factures impayées
Monsieur I. A. soutient qu'il n'a pas été payé en totalité pour l'accomplissement de sa mission alors même que la réception des ouvrages est intervenue ; qu'ainsi il reste à payer plusieurs échéances à savoir :
- 30 481,00 € TTC, au titre de la réception des deux marchés ;
- 10 709 ,00 € TTC, afférents au suivi du chantier Sotcob ;
- 4 880,00 € TTC afférents aux missions supplémentaires (ameublement de la mosquée en tapis) suivant une fiche technique adressée par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques ;
- 10 038 € TTC au titre de l'avenant contrat 2 (Marché Sotcob) ;
- 15 300 € TTC au titre des indemnités de retard.
SOIT UN TOTAL TTC : 71 408 €
Il précise que concernant les honoraires supplémentaires, il a bien été convenu qu'au regard des diligences particulières et nombreuses attendues de Monsieur I. A. dans le suivi de chantier, faisant suite aux manquements des différents entrepreneurs intervenus, des honoraires supplémentaires ont été convenus.
Le Royaume du Maroc fait observer que le CSCM ne saurait en aucune façon être tenu de régler cette somme dans la mesure où les travaux n'ont pas été commandés par lui ; qu'en tout état de cause Monsieur I. A. n'a pas réceptionné l'ouvrage. Le Royaume du Maroc conclut qu'aucun document contractuel n'évoque une indemnité de retard.
En application de l'article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Tout d'abord, il convient d'indiquer que le CSCM n'ayant pas contracté avec Monsieur I. A. au titre de l'exécution des marchés de la société Abhat et de la société Sotcob, il doit être débouté de ses demandes de ce chef.
Concernant le montant des honoraires, l'article 3 du contrat d'architecte stipule :
- en son paragraphe 1 : « l'architecte sera rémunéré de ses services par des honoraires calculés à raison de 3 % du montant des travaux effectués '' ;
- en son paragraphe 2 : « ces honoraires se décomposent comme suit, par opération séparée :
*2 % pour la conduite des travaux, la préparation des dessins de détail, la reprise des attachements et le règlement des situations ;
*1 % pour le règlement du décompte définitif et la réception des travaux. ''
Ainsi, pour le calcul des honoraires de l'architecte, il y a lieu de partir du montant des travaux effectués.
A l'appui de ses demandes en paiement d'honoraires, dans ses conclusions, Monsieur I. A. se réfère à une unique pièce, intitulée « note d'honoraires n°6 '' en date du 23 janvier 2012 et qui calcule, selon lui, le montant des sommes dues « au titre de la réception des deux marchés '' à raison de 1 % du montant initialement prévu des travaux des entreprises Abhat et Sotcob soit un total de 30 481 € TTC.
Le Royaume du Maroc ne produit aucune pièce au titre de la réception des travaux mais conteste l'existence d'une réception définitive.
Or, il a été considéré que les travaux de l'entreprise Abhat ont été réceptionnés le 30 octobre 2008 suivant procès-verbal de constatations contradictoires, les travaux de la société Sotcob ont également fait l'objet d'une réception le 25 novembre 2011.
Ainsi, le Royaume du Maroc, qui ne justifie pas en l'espèce avoir procédé au règlement du prix correspondant à la réception effective des travaux doit être condamné à payer à Monsieur I. A. la somme de 30 481 € TTC, conformément à la note d'honoraire n°6 du 23 janvier 2012.
Concernant les sommes réclamées au titre du « suivi du chantier Sotcob '' et de l'avenant du contrat 2 (marché Sotcob), Monsieur I. A. ne produit aucune pièce. Le Royaume du Maroc produit quant à lui une pièce n°28 correspondant à une note d'honoraires n°4 de Monsieur I. A. en date du 9 novembre 2009.
A l'appui de cette pièce, il indique avoir déjà payé à l'architecte la somme de 24 866,09 €. De plus, Monsieur I. A. a revu à la baisse le décompte provisoire n°6 en arrêtant le montant de la situation à la somme de 1 575 722,95 €. Ainsi sur la base de ce montant, la note d'honoraires de celui-ci doit diminuer, d'autant que les honoraires de l'architecte sont proportionnels aux situations des travaux déterminés et validés par lui.
Le 9 novembre 2009, Monsieur I. A. a transmis une facture de 264 326,59 dirhams, soit la somme de 24 866,06 € au ministère des Habous et des Affaires Islamiques au titre du décompte définitif de la société Abhat et du marché de travaux de la société Sotcob. Cette facture faisait état d'un acompte de 383 289,16 dirhams, soit 33 843,23 € au profit de Monsieur I. A..
Par courrier du 2 juillet 2012, Monsieur I. A. a considéré que le décompte provisoire n°6 de la société Sotcob était de 1 575 722,95 € et non pas de 1 809 384,31 €, comme cela avait été déterminé suivant décompte provisoire n°5. Dès lors, la rémunération de l'architecte étant proportionnelle aux situations des travaux déterminés, il convient de prendre en compte cette modification.
Ainsi, après déduction des acomptes au profit de Monsieur I. A. pour un montant de 33 843,23 € et prise en compte de la modification du décompte provisoire n°6 de la société Sotcob d'un montant de 1 575 722,95 €, le Royaume du Maroc, qui ne justifie pas avoir rémunéré Monsieur I. A. au titre de sa mission de suivi de chantier dont il est établi qu'elle a été correctement réalisée, est condamné au paiement de la somme de 18 069,04 €.
Concernant les sommes réclamées au titre des « missions supplémentaires (ameublement de la mosquée en tapis), l'architecte se réfère à une fiche technique qui ne mentionne pas le montant réclamé à ce titre.
Concernant le paiement des indemnités de retard, celui-ci n'est pas prévu au contrat et la pièce sur laquelle Monsieur I. A. s'appuie n'est pas pertinente pour justifier le montant réclamé en l'espèce.
Ainsi, il convient dès lors de condamner le Royaume du Maroc à payer à Monsieur I. A. la somme de 48 550,04 € (30 481 € + 18 069,04 €).
Sur le préjudice moral
Monsieur I. A. souligne qu'il a tout mis en oeuvre pour parfaitement exécuter sa mission et que c'est au contraire le maître d'ouvrage qui n'a pas suivi ses directives et qui s'est même immiscé dans la conduite des travaux. Cette situation lui a causé un préjudice moral lié à une action en justice ayant discrédité son image.
S'il a été considéré que Monsieur I. A. a effectué sa mission conformément au contrat d'architecte du 3 mai 2007 sans qu'il ne puisse lui être reproché un quelconque manquement, ce dernier ne démontre pas avoir subi un préjudice moral au regard d'une atteinte à son image pouvant notamment impacter son activité professionnelle.
Ainsi, sa demande en paiement d'une somme de 80 000 € doit être rejetée.
Sur la rupture abusive
Monsieur I. A. relève qu'en l'absence de contrat de négociation (lettre d'intention, contrat de pourparlers), l'auteur d'une rupture fautive de pourparlers peut voir sa responsabilité délictuelle engagée. Compte-tenu des louanges qu'il a reçus, il était question de poursuivre les relations avec le CSCM et le Royaume du Maroc, dans le cadre d'un nouveau contrat de construction d'un équipement culturel, qui aurait conduit à la perception d'honoraires à hauteur de 150 000 €. Dans ce cadre, Monsieur I. A. a produit une importante activité puisqu'il a établi un projet, lequel a été présenté au Roi du Maroc, et qui a donné lieu à la rédaction des documents de consultations des entreprises (DCE). Ces pourparlers ont été brutalement rompus, ce qui a nécessairement causé un préjudice à l'exposant. Il ajoute que l'échec de la négociation étant susceptible de laisser penser qu'il est dû à un manque de compétence, il a subi un préjudice d'image, ainsi qu'un préjudice 'nancier puisqu'il n'a pas été en mesure de consacrer son temps à d'autres projets rémunérateurs.
Le Royaume du Maroc soutient que ces affirmations ne sont étayées par aucun élément probant et que si Monsieur I. A. n'a pu poursuivre ses relations avec le CSCM, c'est uniquement en raison de ses défaillances. S'il produit le plan de maquette concernant l'édification d'un équipement culturel en lien avec le CSCM, ce dernier ne justifie pas le montant d'éventuels honoraires à hauteur de 150 000 € justifiant l'allocation d'une indemnisation de 100 000 €, ni même les préjudices 'nanciers résultant de l'abandon du projet.
Dès lors, la demande d'indemnisation de 100 000 € de Monsieur I. A. à l'encontre du Royaume du Maroc et du CSCM est rejetée.
Sur les autres demandes
Le Royaume du Maroc et le CSCM de Saint-Étienne qui succombent à l'instance seront condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 12 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile. M. I. A. ne justifie pas en quoi la présente décision devrait faire l'objet d'une publication. Cette demande sera rejetée.
Appel de cette décision a été interjeté par déclaration électronique en date du 16 mai 2018 par le conseil du Royaume du Maroc s'agissant du rejet de ses demandes, de sa condamnation à payer à l'architecte la somme de 48 550,04 € et celle de 12 000 € au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juillet 2019, le Royaume du Maroc demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147, 1382 et 1184 du Code civil, de :
dire et juger recevable et bien fondé son appel
-infirmer en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Dire et juger que Kamal Ibn A. a manqué à ses obligations contractuelles,
Dire et juger que le contrat d'architecte est résilié aux torts exclusifs de Monsieur I. A.,
Le condamner à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,
Le condamner à lui verser la somme de 112 211,12 € correspondant au coût du revêtement en zellige réglé à la société Sotcob et qui doit être changé,
Rejeter l'intégralité des demandes de Kamal Ibn A.,
Le condamner à lui verser la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le condamner aux entiers dépens, distraits au profit de Maitre Valérie M., avocat sur son affirmation de droit.
L'appelant a repris ses arguments de première instance ci-dessus développés.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2020 Kamal Ibn A. demande à la Cour au visa des articles 1134, 1147 et 1184, 1382 et 1383 du Code civil, de :
Dire et juger recevable et bien fondé son appel incident,
Réformer le jugement en ce qu'il a condamné le Royaume du Maroc à lui payer la seule somme de 48 550,04 € au titre du contrat d'architecte,
Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires,
Statuant à nouveau,
Condamner le Royaume du Maroc à lui payer la somme de 71 408 € TTC du chef des factures impayées, produisant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
Le condamner à lui payer la somme de 80 000 € réparant son préjudice moral,
Le condamner à lui payer la somme de 100 000 € réparant la rupture abusive des relations initiées dans le cadre du projet de Centre Culturel Marocain,
Confirmer le jugement pour le surplus,
Rejeter l'ensemble des demandes et moyens contraires du Royaume du Maroc,
Condamner le Royaume du Maroc à lui payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner le Royaume du Maroc aux entiers dépens
L'intimé a repris ses arguments de première instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2020 et les plaidoiries fixées au 30 septembre 2020 à 9h00.
Par conclusions du 10 janvier 2020, le Royaume du Maroc a sollicité auprès du conseiller de la mise en état une révocation de la clôture qui n'était pas encore intervenue et subsidiairement d'écarter des débats les conclusions récapitulatives n°2 ainsi que les pièces adverses 117 bis 129 à 146 comme ayant été notifiées tardivement.
Par courrier du 27 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a répondu qu'il ne pouvait pas être fait droit à sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture en l'absence de cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile. Il a été indiqué qu'il appartenait au conseil de l'appelant de solliciter devant le Cour le rejet des conclusions litigieuses.
A l'audience du 30 septembre 2020, les conseils des parties ne se sont pas opposés à la formation en juge rapporteur. Ils ont fait leurs observations respectives puis ont déposé leurs dossiers. L'affaire a été mise en délibéré au 30 novembre 2020.
MOTIFS
La Cour observe, à titre liminaire, qu'elle n'a pas été saisie par des conclusions lui étant adressées spécifiquement aux fins de rabat de la clôture ou aux fins de voire écarter les dernières conclusions adverses et dernières pièces communiquées. Le Royaume du Maroc est réputé n'avoir plus aucune critique à ce sujet.
Par ailleurs, les demandes des parties tendant à voir la Cour « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la responsabilité contractuelle de Monsieur I. A., la demande de résiliation aux torts exclusifs de l'architecte et l'allocation de dommages-intérêts
Au préalable, il est nécessaire de déterminer, compte tenu des positions diamétralement opposées des parties quelle était la mission de l'architecte et notamment si elle comprenait une maîtrise d'oeuvre complète d'exécution et une mission de conception.
Selon le Royaume du Maroc, le contrat et son avenant définissaient une mission comprenant la conduite des travaux, la préparation des dessins de détail, la prise de contact avec les entreprises, le règlement des situations et la réception des travaux. Il a en outre réalisé des études complémentaires, établi le dossier d'adjudication du deuxième appel d'offre, dressé et signé le marché de la société Sotcob substituant la société Abhat et son avenant du 9 juillet 2009 puis assisté le maître d'ouvrage pour le dépôt du permis de construire modificatif.
En application de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Le Royaume du Maroc sollicite la résolution du contrat d'architecte de Monsieur I. A. à ses torts ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 €.
L'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2016, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas ou l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Il appartient au juge saisi d'une telle demande d'apprécier si la gravité des manquements allégués est telle que la résolution doit être prononcée.
L'article 1146 du Code civil dispose que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante.
Le contrat de l'architecte est un contrat d'entreprise qui peut comprendre une mission de conception avant le démarrage du chantier et qui s'achève avec le dossier de consultation des entreprises avant le choix du maître de l'ouvrage. Il peut comprendre des missions d'exécution qui consistent souvent en un suivi des travaux et leur conformité aux études.
Les missions de maîtrise d'oeuvre relèvent toutefois de la liberté contractuelle. La lettre du contrat et ses éventuels avenants définissent l'étendue de la mission de maîtrise d'oeuvre et par son conséquent la responsabilité du maître d'oeuvre.
Le Royaume du Maroc soutient que le tribunal a mal apprécié la mission de l'architecte au regard des pièces fournies qu'il aurait dénaturées (contrat, plans de détail, direction des travaux, situations, réception) et qu'il s'agissait d'une maîtrise d'oeuvre d'exécution générale et non un suivi limité des travaux. Divers comptes-rendus de chantiers n'auraient pas non plus été pris en compte pas plus que le fait que les factures de l'architecte mentionnant « exécution de travaux ».
Il soutient que le contrat relatif aux revêtements traditionnels mentionnait « contrat passé conformément à la circulaire n°56 CAB du Premier ministre du 16 avril 1992 « relative à la révision de la procédure de contrôle technique des bâtiments administratifs et du contrat type rattaché ». Le contrôle technique des projets de construction ou plan interne se fait par recours à un architecte notamment.
Selon l'article 3 du § 2 du contrat type, une mission complète comprend trois aspects : l'établissement de l'avant-projet et du dossier d'adjudication, la conduite des travaux de préparation des dessins de détails, prise des attachements et règlement des situations, règlement du décompte définitif et réception des travaux.
Le contrat du 7 mai 2007 reprend les deux dernières missions et l'avenant est la régularisation des études complémentaires soit le premier point. Il a été établi car l'architecte voulait être rémunéré pour sa mission d'études complémentaires non prises en charge avec le contrat avec le CSCM. Il a demandé le 15 septembre 2008 des honoraires supplémentaires pour sa mission d'étude et de direction de l'exécution des travaux par la société Abhat. Il a ensuite le 23 juillet 2009 renouvelé sa demande pour être rémunéré des études complémentaires qui ont servi au dépôt du permis de construire modificatif.
Par ailleurs, selon le Royaume du Maroc, les comptes-rendus de chantier montrent qu'il s'est présenté comme le maître d'oeuvre d'exécution et qu'il donnait des ordres et directives aux entreprises. Ses factures précisaient bien « direction de l'exécution des contrats de travaux ».
Enfin, sa rémunération de l'ordre de 4% du marché est conforme au contrat-type au Maroc.
En conséquence, la direction de l'exécution des contrats de travaux va au delà d'un simple suivi des travaux.
Selon l'architecte, l'autorisation d'urbanisme a été délivrée sur la base de plans conçus directement par les services du ministère des Habous et des Affaires Islamiques en l'espèce, Monsieur Cherkaoui D., consultant en architecture traditionnelle et ingénierie au Maroc travaillant pour le ministère.
L'examen du permis de construire initial déposé par l'architecte I. A. et le CSCM concernait la mosquée en son entier avec des précisions sur les façades, les toitures, la clôture....Le plan a été établi par l'architecte. Ce n'est que postérieurement que le Royaume du Maroc est intervenu dans le processus contractuel.
Des permis modificatifs ont été obtenus avec l'intervention de Monsieur I. A. auprès de la mairie de Saint-Étienne en juin 2007 pour la modification des deux façades principales et du minaret et en juin 2008 pour la création d'une mezzanine. Les plans de masse et d'ensemble qui datent pourtant de 2006 ont été fournis par Monsieur I. A. en précisant sur son document qu'il les avait « dessinés ».
Toutefois, en dépit de l'apposition par l'architecte de cette mention s'attribuant la paternité des plans ce qui est de nature à semer le trouble, la Cour note que ce fait est en contradiction avec son contrat d'architecte en date du 3 mai 2007 limité au revêtement traditionnel de la Mosquée (zellige traditionnel, plâtre sculpté, pierre taillée, menuiserie, lustrerie) lequel précise en son article 1er qu'il s'agit d'un suivi des travaux. Ce contrat ne fait pas mention d'une phase de conception et d'étude comprenant le choix des matériaux ou l'établissement de plans. Il ne fait mention que d'une partie de la rémunération pour des « dessins de détail ». Il ne peut manifestement pas s'agir des plans de masse ni de l'ensemble de la conception du lot revêtement traditionnel de la Mosquée.
Cet élément contractuel permet de donner du crédit à l'argumentation de l'architecte indiquant que les plans ont été en réalité conçus par Monsieur Cherkaoui D. au Maroc ainsi que cela ressort d'ailleurs de la pièce 105 de l'intimé et de ses pièces 106 et 107 représentant deux comptes-rendus de réunion desquels il ressort que le représentant du CSCM est revenu du Maroc avec les plans (propositions) concernant les pierres taillées et détails des portes façades principale et façade ouest. Il est précisé que ces plans sont différents de ceux proposés au permis de construire modificatif et accepté par la mairie. L'entreprise 2A Engeneering en la personne de Monsieur D. qui assiste le maître d'ouvrage a déclaré se proposer de contacter les services de la ville pour faire accepter cette vision de l'art marocain traditionnel.
Les allégations de l'appelant selon lesquelles l'architecte aurait produit des plans ne respectant pas les dimensions jugées canoniques et qu'il aurait établi de nouveaux plans sur sa demande ne sont étayées par aucune pièce justificative et sont contestées par l'intimé. En particulier, la pièce 35 communiquée par le Royaume du Maroc, qui ne correspond pas au compte-rendu n°8 mais au compte-rendu n°5, ne saurait être interprétée comme une pièce démontrant que l'architecte avait la mission d'élaborer des « plans guides pour les modifications à transmettre à Gepral, le plan de masse avec les modifications discutées en réunion, le PC modificatif avec les nouveaux décors ». En réalité dans le compte-rendu n°8, versé en pièce 108 de l'intimé, l'architecte a demandé à être informé de toute modification touchant à l'aspect intérieur et surtout extérieur du bâtiment car cela relève du droit des tiers et du permis de construire (hauteur maxi du minaret 14 m). Il a en outre fait différentes demandes de remise de pièces outre remettre le plan de détail de la corniche à Sotcob.
C'est vainement que le Royaume du Maroc souhaite que la Cour déduise de l'avenant au contrat d'architecte du 3 novembre 2009 et de l'augmentation des honoraires de l'architecte pour la réalisation d'études complémentaires le fait qu'il aurait été chargé d'une mission d'étude, de plan et de conduite des travaux.
Le Royaume du Maroc a fourni en appel une pièce 40 qui serait un contrat type d'architecte (alors qu'il comporte une faute dans son titre ce qui en réduit la valeur probatoire) établi suivant la circulaire n°56 du 16 avril 1992 indiquant que la rémunération de l'architecte sera de 5% pour les marchés de travaux supérieurs à 200 000 Dh. Si ce document doit être tenu pour probant, la Cour ne peut qu'en déduire qu'en l'état, la rémunération de l'architecte est inférieure à 5% du marché de travaux. Dès lors, loin de prouver une conformité à la réglementation en vigueur, la rémunération de l'architecte I. A. constitue un indice supplémentaire d'une mission plus limitée qu'une maîtrise d'oeuvre complète.
Par ailleurs, le fait de pouvoir prescrire des travaux ou la notion ambiguë d'établissement de projet tels que cela apparaît dans l'article 2 n'équivaut nullement à une mission de conception des ouvrages ni de maîtrise d'oeuvre complète. Ce serait se livrer à une interprétation hasardeuse du contrat dont l'objet est clairement le suivi des travaux.
Il en va de même de l'article 9 qui concerne le suivi administratif par l'architecte auprès des entreprises. Il n'est pas indiqué que l'auteur des documents à remettre soit l'architecte lui-même.
Enfin, il ne peut être déduit de l'article 12 le fait que l'architecte est intervenu dans la phase de passation des marchés de travaux car la vérification des pièces et soumissions est aléatoire et dépend de la demande de l'administration. Or, le Royaume du Maroc n'a pas fourni en appel de pièce démontrant qu'il avait fait cette demande à l'architecte. En outre, pour le premier marché avec la société Abhat le 28 mars 2007, le contrat de l'architecte n'était pas encore conclu. La société Sotcob a été choisie pour remplacer Abhat après son abandon de chantier pour, selon libellé de l'appel d'offre, « travaux d'achèvement des travaux de revêtement traditionnel de la Mosquée de Saint-Étienne ». Son contrat est identique ce qui n'est pas contesté et ce qui apparaît à l'examen des deux marchés produits. Le Royaume du Maroc n'a pu verser aucune des pièces habituelles qu'un architecte produit lors d'une consultation d'entreprises notamment le dossier de consultation, le projet de conception, le cahier des clauses particulières. D'ailleurs, il s'agissait d'entreprises marocaines ayant conclu des contrats de droit marocain dans le cadre d'une consultation conçue par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques ainsi que cela ressort de la pièce 5 de l'intimé. Il ne ressort d'aucune pièce que l'architecte français ait procédé de manière active au dépouillement des offres. Il n'a pas été apporté d'extensions au contrat de l'architecte antérieurement au marché Sotcob en date du 31 décembre 2008 pour prévoir une mission de conception.
L'architecte n'avait qu'une mission d'exécution de suivi de chantier et non celle de direction des travaux : il ressort que le maître de l'ouvrage s'est immiscé de manière importante dans la direction des travaux directement ou par l'intermédiaire de la société 2A Engeneering son assistant qui a coordonné les travaux, fixé les objectifs et les délais en contrôlant leur respect. Si l'architecte participait et figurait bien sur les comptes-rendus de réunion et même sur le procès-verbal de constatations contradictoires du 25 novembre 2011, ce n'est pas en qualité affichée de maître d'oeuvre d'exécution. Monsieur I. A. produit de nombreuses pièces pertinentes pour combattre l'allégation du Royaume du Maroc à ce sujet.
La Cour confirme le jugement déféré sur le rôle limité de l'architecte dans le suivi des travaux de revêtement traditionnel de la Mosquée de Saint-Étienne, la mention portée sur la facturation « étude et direction de l'exécution des contrats de travaux » étant indifférente car ne correspondant pas à la réalité de la mission de Monsieur I. A..
Sur la mise en demeure de l'architecte
L'envoi du courrier de mise en demeure est contesté dans sa réalité et dans la date qui y a été apposée.
Il appartient au Royaume du Maroc d'établir la réalité de l'envoi.
Il s'agit d'une copie d'un courrier simple intitulé décision de mise en demeure sur papier à entête du Royaume du Maroc avec un tampon portant date du 26 décembre 2012 avec copie d'un registre en langue étrangère, qui pour cette raison doit être écartée des débats. Ce registre suivant attestation de Monsieur L., signée pour ordre du ministre, porterait trace d'un enregistrement de la mise en demeure litigieuse en date du 28 décembre 2012. Pour autant, il ne s'agit que d'un élément de preuve constitué à soi-même par l'appelant, dénué de toute valeur probante quant à sa date.
Pour autant, il ressort des conclusions de l'architecte qu'il ne conteste pas avoir reçu la mise en demeure et ce pour la première fois par courriel du 12 février 2013. Or, contrairement à ce que soutient l'appelant, par courrier du 13 février 2013, Monsieur I. A. l'a immédiatement contesté.
Toutefois, cette mise en demeure qui fait état de nombreuses fautes graves de l'architecte (laisser les entreprises exécuter des travaux non conformes au permis de construire, manquement à son obligation de conseil envers le maître de l'ouvrage sur les contraintes à respecter s'agissant de la territorialité du projet et le caractère typé et traditionnel des travaux de revêtement prescrits, choix inadapté des matériaux et absence de vérification quant à leurs qualités, décision de substituer un revêtement pour un autre moins résistant sans son accord, absence d'opposition à la construction de la casquette de l'entrée principale, absence à la réception des ouvrages, défaut de réponse à lettre, validation de cinq situations avec lesquelles il a été ensuite en désaccord) est en contradiction directe avec l'attestation de reconnaissance établi par le CSCM démontrant que ses prestations d'architecte ont donné toute satisfaction, ce document précisant qu'il n'y aurait pas de poursuite judiciaire contre lui. Cela est également en contradiction avec le procès-verbal de réception définitive du 25 janvier 2012 établi par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques qui lui a rendu un hommage personnel et particulier pour la qualité de son travail. La déclaration du Roi Mohammed VI en date du 17 janvier 2012 renforce encore davantage la version de Monsieur I. A. compte-tenu de la satisfaction du monarque à la fin de l'achèvement de la mosquée.
Sur la responsabilité contractuelle de l'architecte en rapport à sa mission
L'architecte est responsable du manquement ou de la mauvaise exécution de ses obligations, dans la limite des missions qui lui sont confiées et des obligations inscrites dans le contrat passé avec le maître d'ouvrage.
La Cour observe que le royaume du Maroc n'a jamais fait diligenter d'expertise judiciaire qui aurait pu identifier les causes des dommages et le rôle notamment de l'architecte dans la survenance des dommages. Il lui revient la charge de la preuve des fautes de l'architecte, de son préjudice et d'un lien de causalité entre la faute ou les fautes et le ou les préjudices.
Les malfaçons et non-conformités sont mises en évidence par le procès-verbal de constatations contradictoires du 25 novembre 2011 et par le procès-verbal de constat d'huissier de Maître M. en date du 26 septembre 2013 : la corniche et une partie de la décoration n'étaient pas prévues au permis de construire, la mosaïque se détache des piliers, les enduits s'effrite, une dalle de verre est cassée, l'ensemble ne joint pas parfaitement les murs, il existe des trous, des traces d'infiltration et d'humidité sur les murs, des morceaux de pierre qui se sont détachés des corbeaux, plusieurs fissures sur la façade et des pierres de la frise se désolidarisent les unes des autres. Par ailleurs, il a fallu déposer le revêtement des sols extérieurs et le remplacer par un carrelage adapté (non gélif) avec une pente suffisante pour éviter la stagnation de l'eau en période hivernale.
Le Royaume du Maroc fait grief à Monsieur I. A.
-de n'avoir donné aucun conseil quant à la territorialité du projet,
-de n'avoir pas demander des essais pour référencer les matériaux utilisés (pierre, revêtement du sol) avant le lancement des consultations des entreprises,
-il n'a pas veillé à la conformité des travaux au permis modificatif,
-il n'a pas veillé au respect des prescriptions techniques d'exécution inscrites au marché de la société Sotcob.
Sur le non-respect du permis de construire du 31 janvier 2008
L'appelant indique que la corniche et une partie de la décoration n'étaient pas prévues au permis de construire modificatif. L'entreprise a surélevé également la casquette par rapport à la hauteur permise entraînant le refus de délivrance du certificat de conformité le 4 juin 2012 par les services municipaux de l'urbanisme. Il soutient que le maître d'oeuvre avait le devoir de faire stopper les travaux ce qu'il n'a pas fait malgré ses mises en garde. Pour autant, l'appelant se garde de fonder sa demande au regard des dispositions le liant à l'architecte telles qu'elles figurent dans son contrat dont il ne ressort à aucun moment qu'il avait le pouvoir de stopper des travaux. Au surplus, suivant le contrat avec la société Sotcob, en son article 42 seul le maître d'ouvrage avait le pouvoir de faire cesser les travaux. En ne le faisant pas malgré les alertes du maître d'oeuvre, le maître d'ouvrage a pris un risque. Le Royaume du Maroc a convenu dans ses conclusions d'appel n°2 page 24 que l'architecte avait bien formulé un avertissement.
Il ressort d'une pièce qui emporte la conviction de la Cour après avoir été retenue par les premiers juges que suivant compte-rendu de chantier du 26 février 2009, soit antérieurement aux travaux de revêtement de façades en pierre traditionnelle, l'architecte avait bien émis les réserves, le plan nouveau ne correspondant pas au permis de construire modificatif. Il a à nouveau fait part de ses inquiétudes en 2010, 2011 et 2012 auprès du Royaume du Maroc, les courriers étant restés lettre morte.
Suivant courrier de l'assistant du maître de l'ouvrage Monsieur D. le 10 juin 2009 au ministère des Habous et des Affaires Islamiques, il a été rapporté les observations critiques de l'architecte sur plusieurs décorations et finitions appelant une visite du maître de l'ouvrage pour validation des travaux. Enfin, par courrier de la société Sotcob au ministère des Habous (pièce 80-5 de l'intimé), cette société a indiqué avoir réalisé les travaux sous la direction de Monsieur D. démontrant ainsi l'importante immixtion de l'assistant du maître de l'ouvrage dans la direction des travaux alors même que l'architecte a fourni les efforts nécessaires pour remplir sa mission.
Dès lors, le Royaume du Maroc fait défaut dans la preuve sur ce point. La Cour confirme le jugement déféré sur ce point.
Sur le suivi du chantier
L'appelant reproche à l'architecte d'avoir validé cinq situations de la société Sotcob pour après les réfuter et générer un contentieux avec la société. La situation n°6 reposait sur des quantités validées antérieurement. Ces quantités ayant été validés par tous le 25 novembre 2011 même si elles ne correspondaient pas au marché n'auraient pas dû être réfutées postérieurement. Il est ainsi reproché à l'architecte d'avoir en réalité généré un conflit avec Sotcob. Ayant néanmoins réfuté des quantités qui étaient inexactes, ce qui n'est pas contesté, l'appelant ne démontre pas en quoi l'architecte a failli à ses obligations contractuelles d'autant qu'il a fait valoir que son opposition était dans l'intérêt du maître de l'ouvrage qui aurait pu appliquer des pénalités de retard à la société Sotcob. Le 25 novembre 2011, il ne s'agissait pas d'approuver ou non des quantités mais de les constater alors que la situation n'avait pas encore été présentée à sa validation.
Aucun manquement n'est établi à ce sujet.
Sur la non-conformité des plâtres
Il résulte du compte-rendu de chantier du 26 février 2009 que l’élément de plâtre et mosaïques (corniches, rosaces, frises, chapiteaux, arches...) sont en cours de fabrication au Maroc. S'agissant du plâtre, le contrat avec la Sotob ne prévoyait aucune intervention du maître d'oeuvre. Il n'est démontré aucune non-conformité du plâtre au demeurant puisque le courrier du 14 mai 2010 que met en avant l'appelant ne saurait s'interpréter comme un aveu de non-conformité.
Le compte-rendu du 8 juillet 2009, pour les travaux de plâtre sculpté, rédigé par l'architecte, fait mention que l'ensemble a été validé par le représentant de la direction des Mosquées du ministère des Habous.
En l'absence d'avis technique incontestable sur la prétendue non-conformité des plâtres, la faute de l'architecte à ce sujet n'est pas prouvée.
Sur les manquements dans le choix des matériaux
Il est reproché à l'architecte un manquement à son devoir de conseil en ce qu'il n'a pas validé des échantillons des matériaux utilisés par Sotcob qui n'ont pas résisté au gel. Il a pointé le zellige traditionnel et les pierres. Des malfaçons ont bien été mises en évidence à ce sujet et ne sont pas contestées.
Il ressort d'un courrier du Royaume du Maroc en date du 13 avril 2010 en réponse à un courrier de Monsieur I. A. du 2 avril 2010 s'agissant du revêtement traditionnel qu'il a transmis à l'entreprise les observations qu'il a faites concernant les travaux de zellige traditionnel dans les murs, le plâtre, la pierre de Salé et le revêtement du sol extérieur de la Mosquée. Il lui a été demandé de soumettre ses propositions pour la reprise du sol extérieur avec des matériaux résistants au gel outre une estimation du coût.
Ainsi, il ressort de ce seul courrier la preuve que l'architecte a pris soin d'alerter le maître d'ouvrage sur les matériaux alors que dans son contrat, il ne lui est nullement donné mission de choisir les matériaux. Dans le contrat de la sotcob, il ressort qu'il devait donner son agrément pour le choix de la couleur uniquement de certains matériaux notamment page 32 et suivantes sur les travaux de zellige traditionnel.
Par ailleurs, la Cour retient que le procès-verbal de réception définitive du revêtement traditionnel de la grande Mosquée (pièce 18 de l'intimé) signé par Roger D. de 2A Engeneering, par Larbi M. du CSCM et par Driss El H. du ministère des Habous et des Affaires Islamiques a fait valoir l'entière satisfaction pour la réalisation effective des travaux et que tous les signataires du présent procès-verbal ont fait savoir explicitement qu'ils n'ont aucune réserve à signaler avec un hommage particulier à l'architecte Kamal Ibn A.. En dépit des détériorations du zellige qui n'a pas suffisamment résisté au gel et au dégel, le ministère des Habous s'est engagé à accorder au CSCM le remboursement des frais engagés pour le remplacement total du zellige par un autre plus résistant tout en prenant l'engagement de régler à l'entreprise Sotcob pour l'ensemble des travaux réalisés en matière de Zellige y compris le Zellige Koura avec kabochon, l'ensemble des travaux du Zellige réalisé étant accepté sans aucune réserve.
Seule la pierre taillée devait faire l'objet d'une approbation par le maître d'oeuvre (page 41). Or, il ressort que :
-dans son rapport du 27 octobre 2008, l'architecte a indiqué la nécessité de réaliser par un bureau de contrôle agréé des essais pour déterminer la porosité de la pierre, tester sa compatibilité avec le mortier colle employé et identifier les risques en période de gel ainsi que tester la mise en oeuvre par essais d'arrachement.
-dans son compte-rendu de chantier des 19 et 20 janvier 2009, l'architecte a sollicité les résultats des expérimentations techniques par un organisme de contrôle agréé pour la mise en oeuvre de la pierre zellige afin de les requalifier par un référentiel français. Les essais ont été faits en mars 2009 par le laboratoire Lanae qui a constaté une absence de résistance au gel.
-dans son compte-rendu du 18 mai 2009, l'architecte a demandé au maître d'ouvrage de transmettre les essais pour la mise en oeuvre de la pierre et du zellige.
-dans son compte-rendu du 8 juillet 2009, qu'il a demandé à voir urgemment les essais d'expérimentation technique du laboratoire.
En Mars 2010, de nouveaux essais ont été réalisés. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2010, l'architecte a précisé que les pavés ne résistaient pas au choc thermique.
L'information a donc été communiquée au maître de l'ouvrage présent et/ou assisté lors de chaque compte-rendu de réunion. Le Royaume du Maroc échoue dans la preuve d'un manquement de l'architecte à son obligation de moyens de vérifier la conformité de matériaux et d'informer le maître de l'ouvrage.
Sur le manquement à la réception des travaux
Le Royaume du Maroc soutient que l'architecte n'a pas procédé à la réception des travaux en l'empêchant d'émettre des réserves et de faire intervenir à nouveau les entreprises. A la suite de l'abandon de chantier par Sotcob, il a bien été effectué un procès-verbal des constatations contradictoires des ouvrages en date du 25 novembre 2011 faisant état de nombreux désordres d'exécution imputables à la société Sotcob.
Le 25 janvier 2012, soit deux mois seulement après l'envoi d'un courrier du 27 décembre 2011 où il mettait en cause les insuffisances de son architecte dans le suivi des travaux, le Royaume de Maroc a établi un procès-verbal intitulé de réception définitive le 25 janvier 2012 dans lequel il a rendu par l'intermédiaire de Driss El H. représentant le ministère des Habous et des Affaires Islamiques, de Larbi M. représentant le CSCM et Roger D., le représentant de l'assistant du maître de l'ouvrage, signataires du procès-verbal, un « hommage particulier à l'architecte du projet Kamal Ibn A. » qui a été invité à présenter dans « les plus brefs délais au ministère des Habous sa note d'honoraire définitive pour le paiement sur décompte n°6, travaux hors bordereau et la réception du marché ». Il est précisé que « tous les intervenants s'engagent à respecter cette réception » et que « toutes les parties signataires du présent procès-verbal ont fait savoir explicitement qu'ils n'ont aucune réserve quelconque à signaler concernant l'ensemble des travaux réalisés ».
Enfin, dans un courrier postérieur du 21 mars 2012, le Royaume du Maroc a notamment indiqué à son architecte que c'est le procès-verbal de constatations contradictoires auquel il a participé qui est considéré à son égard comme une réception des travaux.
Cet aveu émanant des représentants mêmes du maître de l'ouvrage démontre de manière définitive le caractère infondé des allégations du Royaume du Maroc à l'encontre du Monsieur I. A..
Dès lors, aucun fait allégué sans être démontré n'est de nature à justifier une résiliation du contrat aux torts exclusifs de Monsieur I. A. ni l'allocation de dommages et intérêts, ni le paiement correspondant au montant du coût du revêtement en zellige réglé à la société Sotcob.
La Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes du Royaume du Maroc.
Sur les honoraires de Monsieur I. A.
L'intimé sollicite les sommes suivantes :
*30 481 € TTC au titre de la réception des marchés
*10709 € TTC au titre du suivi du chantier Sotcob
*4880 € TTC afférant aux missions supplémentaires (ameublement de la mosquée en tapis)
*10 038 € TTC au titre de l'avenant n°2
*15 300 € TTC au titre des indemnités de retard
soit un total de 71 408 € TTC.
Contrairement à ce qu'a soutenu le Royaume du Maroc et ainsi qu'il a été démontré ci-dessus, il y a bien eu réception des marchés, le 30 octobre 2008 (pièce 14 de l'intimé) et le 25 novembre 2011 (pièce 17 de l'intimé) justifiant les honoraires de 30 481 € TTC conformément à la note d'honoraire n°6 du 23 janvier 2012. La Cour confirme le jugement sur ce point.
Le tribunal a pointé l'absence de pièce probante pour les demandes de 10 709 € et de 10 038 € en arbitrant à la somme de 18 069,4 € le montant restant dû. L'intimé ne produit aucun argumentaire construit et pertinent, en dehors d'une allégation de quatre lignes page 63 de ses conclusions, pour remettre en cause ce calcul. Il en est de même de l'argumentation du Royaume du Maroc qui prétend sans le démontrer avoir réglé les honoraires de Monsieur I. A.. Aucune des pièces versées de part et d'autre ne permet de remettre en cause le calcul des premiers juges qui mérite confirmation. La Cour déboute les parties de leurs demandes respectives à ce sujet.
S'agissant de l'ameublement en tapis, il lui a été reproché de n'avoir pas fourni de pièce justificative autre qu'une fiche technique du 20 janvier 2011 dénuée de prix. En appel, il ne produit aucune commande ni aucun document pertinent en dehors de courriers démontrant que l'ameublement a été souhaité par le CSCM mais refusé par le Royaume du Maroc (pièce 83.3 de l'intimé). L'absence de précision et de documents quant à la personne ayant commandé ce type de prestation ne permet pas de faire droit à la demande.
La Cour confirme le jugement déféré sur ce point.
Pour le paiement des pénalités, il n'est pas prévu au contrat le paiement de telles pénalités. Au contraire l'article 7 du contrat exclut toute indemnité à l'architecte. La Cour confirme le jugement sur ce point.
Sur le préjudice moral
Pas plus en première instance qu'en appel, l'intimé ne produit de pièces démontrant que le Royaume du Maroc a porté atteinte à son image. Aucune des pièces numérotées de 142 à 145 ne démontre ce chef de préjudice contrairement à ce qu'il prétend.
La Cour confirme le jugement déféré sur ce point.
Sur la rupture abusive
Il est prétendu que Monsieur I. A. n'a pas vu un projet se concrétiser s'agissant d'un équipement culturel ce qui aurait permis d'envisager des honoraires à hauteur de 150 000 €.
La pièce 99 qui est produite qui est un plan d'un centre culturel arabo-musulman et médiathèque n'est nullement daté et est en partie illisible. Les autres pièces ne sont pas non plus datées. La pièce 102 qui porte pour titre « dossier de consultation entreprise » est une preuve constituée à soi-même sans qu'il soit possible de la rattacher à un projet architectural précis. La pièce 103 est également parfaitement imprécise. L'article de presse dont Monsieur I. A. se prévaut s'agissant du « mini institut du monde arabe » est relativement illisible également et n'est relatif qu'à l'évocation du projet. Il n'est soumis à la Cour aucune pièce démontrant une rupture abusive, sans motif légitime du projet du centre culturel. A défaut de preuve de ses allégations, la Cour ne peut que confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante en son appel, le Royaume du Maroc doit être condamné aux entiers dépens. La Cour confirme le jugement déféré sur les dépens et y ajoute ceux d'appel.
La Cour déboute le Royaume du Maroc de ses demandes au titre des dépens et de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'équité conduit la Cour à condamner le Royaume du Maroc à verser à Monsieur I. A. une somme au titre de ses frais irrépétibles. La Cour confirme la condamnation du Royaume du Maroc prononcée par les premiers juges au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et y ajoute une somme de 5 000 € à hauteur d'appel. La Cour déboute le Royaume du Maroc de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Constate qu'elle n'est pas saisie par le Royaume du Maroc de conclusions spécifiques aux fins de rabat de la clôture ou aux fins de voir écarter les dernières conclusions adverses et dernières pièces communiquées par Monsieur Kamal Ibn A.,
Statuant dans les limites de l'appel
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute le Royaume du Maroc de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens
Condamne le Royaume du Maroc à payer à Kamal Ibn A. la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel,
Condamne le Royaume du Maroc aux entiers dépens d'appel.