CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 10 décembre 2015, n° 13/13831
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Adhes Technologies (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gimonet
Conseillers :
Mme Grasso, Mme Jeanjaquet
Par contrat de prestations de services informatiques en date du 3 mai 2010, Monsieur B. s'est vu confier par la Société ADHES Technologies la réalisation en sous-traitance de prestations informatiques et plus précisément une mission de « gestion d'une application qui génère des reportings produits pour la clientèle » auprès de la Société EDRIM (Edmond de R.), cliente de la Société ADHES Technologies.
Monsieur B. a déposé une requête en injonction de payer pour obtenir le règlement de sa facture.
Par ordonnance du 12 novembre 2012, il a été enjoint à la société ADHES TECHNOLOGIES de payer à Monsieur B. le montant de sa facture soit la somme de 8.790,60€ avec intérêts au taux légal.
Par courrier en date du 14 décembre 2012, la société ADHES TECHNOLOGIES a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du13 juin 2013, le Tribunal d'instance du 9èmearrondissement de Paris a déclaré recevable la société ADHES TECHNOLOGIES en son opposition et a débouté Monsieur B. de ses prétentions aux motifs que son comportement fautif et incompatible avec la poursuite de la mission avait justifié que la société ADHES TECHNOLOGIES mette fin prématurément au contrat.
Le Tribunal a condamné Monsieur B. à payer à la société ADHES TECHNOLOGIES la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration en date du 8 juillet 2013, Monsieur B. a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses conclusions du 21 octobre 2013, il demande à la cour, infirmant le jugement, de condamner la Société ADHES Technologies à lui verser la somme de 8.790,60 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars , la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile et aux dépens.
Il fait valoir que ni la société EDRIM, ni la société ADHES TECHNOLOGIES n'apportent la preuve que son attitude lors de la réunion du 29 septembre 2010 aurait excédé les limites de sa mission contractuelle par laquelle il était tenu d'un devoir de conseil, alors même qu'aucune faute qui lui serait imputable dans l'exécution de son contrat n'est démontrée.
La société ADHES TECHNOLOGIES a conclu le 25 novembre 2013 à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner Monsieur B. à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que Monsieur B. a commis une faute grave en méconnaissant une obligation essentielle du contrat de prestations de service en émettant directement des critiques à l'égard du client final, en remettant en cause ses consignes et ses choix opérationnels, ce qui a nécessairement eu pour effet une immixtion dans sa relation avec son client, la société EDRIM, au point que celle-ci a rompu sa relation contractuelle avec elle.
S'agissant du devoir de conseil de Monsieur B., elle soutient d'une part qu'il aurait dû s'exercer avec toute la retenue et le tact nécessaire pour ne pas compromettre sa relation avec la société EDRIM, d'autre part, que cette obligation contractuelle liait Monsieur B. à son égard mais qu'il n'était en rien tenu d'un devoir de conseil à l'égard de la société EDRIM.
Elle ajoute que la demande de Monsieur B. en paiement d'une indemnité de préavis est infondée car compte tenu de la gravité de ses manquements, elle n'a pas eu d'autre choix que de résilier pour faute le contrat et qu'elle n'était alors nullement tenue de respecter un quelconque délai de préavis ou de mise en demeure préalable s'agissant d'une faute grave ne pouvant faire l'objet d'aucune régularisation.
SUR CE, LA COUR
Le contrat de prestation de service en litige est un contrat d'entreprise, régi par les articles 1787 et suivants du code civil et s'agissant d'une prestation intellectuelle, les obligations principales de « l'entrepreneur » sont la réalisation de la mission convenue et une obligation renforcée de conseil.
Aux termes du contrat, le sous-traité met à la charge de Monsieur Jean-François B. les obligations suivantes à l'article 4 :
1. Le PRESTATAIRE s'engage à exécuter les Prestations, ainsi qu'à fournir les Résultats à ADHES TECHNOLOGIES SA et à son Client Final, conformément aux termes et conditions spécifiées au présent Contrat ;
2. Le PRESTATAIRE s'engage à affecter les moyens humains nécessaires à la bonne réalisation des Prestations, avec tout le professionnalisme requis et dans les règles de l'art et selon les meilleures pratiques de l'industrie ;
3. Le PRESTATAIRE et/ou ses intervenants, en leur qualité de professionnels de l'informatique, informeront, conseilleront et alerteront ADHES TECHNOLOGIES SA de manière continue et en toute impartialité, de tout élément ou circonstance dont ils auraient connaissance et qui pourrait entraver ou remettre en cause la bonne exécution des Prestations et, plus généralement, porter atteinte à ADHES TECHNOLOGIE et/ou à son Client Final ou à leur systèmes.
4.Le PRESTATAIRE et/ou ses Intervenants s'engagent à faire toute suggestion, proposer toute amélioration, modification ou solution qui leur paraîtrait souhaitable, aux fins d'améliorer les systèmes du Client Final et/ou de ADHES TECHNOLOGIES SA, et à faire toute recommandation au regard des choix de ceux-ci.
Aux termes de l'article 4.5 du contrat de prestations de service, il était interdit à
Monsieur Jean-François B. « de prendre contact directement avec le client final et/ou de s'immiscer ou d'interférer dans la relation entre ADHES TECHNOLOGIES et le client final, à quelque titre et pour quelque raison que ce soit ».
La Société ADHES a rompu unilatéralement le contrat de prestation de services de Monsieur B. aux motifs suivants :
« A la demande de notre client Edmond de R., notre ingénieur d'affaires Loïc I. a été conduit à effectuer, en votre présence, un point le 29/09/2010 avec ce même client quant au déroulement de votre mission s'effectuant dans leurs locaux.
Il s'avère que compte tenu de vos propos et positions, le client a décidé de mettre fin à la mission sous un délai de 8 jours alors que le contrat prenait fin le 31/10/2010.
Au regard de l'article 4.5 « Relation Client Final » du contrat cité en référence, cela constitue un manquement ».
Il résulte des pièces produites que lors d'une réunion organisée le 29 septembre 2010 en présence des représentants la société ADHES et de la société EDMOND DE R., Monsieur Jean-François B. a eu un comportement très critique à l'égard du client final et a publiquement remis en cause plusieurs chefs de projet de l'équipe de la société EDMOND DE R., ce qui est établi :
-par le mail du 7 octobre 2010 adressé par la Société EDRIM à la Société ADHES TECHNOLOGIES ainsi libellé :« L'entretien s'est très mal passé, il (Monsieur B.) a remis en cause plusieurs chefs de projet de l'équipe lors de notre discussion. Cette position, comme nous en avons discuté, n'est pas acceptable et ne permet pas de le garder plus longtemps (') »
- par l'attestation de Monsieur Loïc I., Ingénieur d'affaires, qui était présent lors de cette réunion et n'avait plus de lien de subordination avec l'intimée au moment où il a rédigé cette pièce :
« Lors d'un point de suivi de mission, Monsieur B. a critiqué le système d'information de EDRIM car il se sentait attaqué sur ses compétences, il s'est énervé et a quitté la salle de réunion. C'est à ce moment précis que le Client m'a indiqué que dans ces conditions, il était impossible de continuer la mission convenablement »
Si Monsieur Jean-François B. était bien tenu à un devoir de conseil par l'article 4.1 du contrat, ce devoir n'était dû qu'à l'égard de la Société ADHES TECHONOLGIES, et, en tout état de cause, il lui appartenait de présenter les observations qu'il estimait utiles avec le tact et la retenue nécessaires pour ne pas vexer le client et force est de constater que c'est bien son attitude inadaptée dans une réunion d'affaire , et non la susceptibilité excessive du client comme il tente de le soutenir, qui a compromis les relations entre la Société ADHES TECHOLOGIES et son client la Société EDRIM.
Compte tenu de la gravité de ces manquements, la société ADHES TECHNOLOGIES était donc bien fondée à résilier le contrat pour faute sur le fondement de l'article 15.2 dudit contrat et elle n'était alors tenue de respecter un quelconque délai de préavis ou de mise en demeure préalable s'agissant d'une faute grave ne pouvant faire l'objet d'aucune régularisation.
Par suite le jugement entrepris sera confirmé.
Au vu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à l'intimée une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2013 par le Tribunal d'instance du 9èmearrondissement de Paris ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur Jean-François B. à payer à la Société ADHES TECHNOLIGIES une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur Jean-François B. aux dépens de l'appel.