Cass. com., 12 novembre 2020, n° 19-17.602
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
M. Riffaud
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 21 mars 2019), par acte du 13 août 2009, la société Le Pré salé a donné à bail commercial des locaux à la société GP Décors.
2. La société GP Décors ayant été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 16 juillet 2014, le liquidateur, M. F... , a notifié au bailleur son intention de ne pas poursuivre le contrat par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er août 2014.
3. Le 20 novembre 2014, la société Le Pré salé a mis en demeure le liquidateur de libérer les locaux, avant de l'assigner, tant à titre personnel, qu'ès qualités, en réparation du préjudice résultant de l'occupation des lieux loués pour la période du 1er août 2014 au 24 décembre 2014, date de libération des lieux par la remise des clés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La société Le Pré salé fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts formée contre M. F... , en son nom personnel, alors :
« 1°/ qu'ayant constaté qu'une faute avait été commise, dès lors que la résiliation du bail était intervenue le 1er août 2014, sans que les locaux aient pu être libérés et restitués au bailleur, les juges du fond, qui ont retenu l'existence d'une faute à l'encontre de la procédure collective, ont par là même mis en évidence une faute à l'encontre du liquidateur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1240 du code civil ;
2°/ que si les juges du fond ont constaté que la faute avait été commise par le liquidateur dans le cadre de ses fonctions, cette circonstance était insusceptible de justifier le rejet de la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre du liquidateur à titre personnel ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil :
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
5. Pour retenir la responsabilité du liquidateur, ès qualités, et rejeter les demandes de la société Le Pré salé contre le liquidateur à titre personnel, l'arrêt relève que, lorsque le 1er août 2014, il a informé la bailleresse de la résiliation du bail, M. F... savait qu'à cette date il n'était pas en mesure de restituer les locaux à leur propriétaire parce que s'y trouvaient entreposés les actifs dépendant de la liquidation judiciaire qu'il devait réaliser, tandis qu'il reconnaissait lui-même qu'il n'avait pas les moyens de les entreposer ailleurs et qu'il ne maîtrisait pas les délais d'intervention du commissaire-priseur et du juge-commissaire nécessaires à cette réalisation. L'arrêt retient que si, en résiliant le bail dans des conditions ne permettant pas la restitution immédiate des locaux loués, M. F... a commis une faute, celle-ci, commise dans l'exercice de ses fonctions, n'engageait que sa responsabilité en qualité de liquidateur, mais pas sa responsabilité à titre personnel.
6. En statuant ainsi, alors que le liquidateur répond personnellement des conséquences dommageables des fautes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant partiellement le jugement rendu le 23 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Coutances il condamne M. F... , pris en sa qualité de liquidateur de la société GP Décors, à payer à la société Le Pré salé la somme de 47 948 euros en réparation de son préjudice locatif, rejette les demandes de cette société dirigées contre M. F... personnellement, et condamne M. F... , ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel et statue sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen.