Cass. com., 26 février 2020, n° 18-20.859
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Barbot
Avocats :
Me le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 641-12, 3° et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu que lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société [...] (la société [...]) exerçait son activité dans des locaux donnés en location par la SCI Le Dauphin ; que le 5 décembre 2016, la société [...] a été mise en liquidation judiciaire, la société H...-W... étant désignée en qualité de liquidateur ; qu'un jugement du 18 janvier 2017, confirmé par un arrêt du 18 mai 2017, a arrêté le plan de cession de la société [...] au profit de la société STLG, le bail étant exclu du périmètre de la cession ; que le 8 février 2017, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à l'autoriser à céder le bail, sur le fondement de l'article L. 642-19 du code de commerce, deux sociétés s'étant portées acquéreurs, la société STLG et la société Mab Finance ; que devant le juge-commissaire, le bailleur s'est opposé à cette demande et a demandé, à titre principal, la constatation de la résiliation de plein droit du bail, pour défaut de paiement des loyers ;
Attendu que, pour rejeter la demande de constatation de la résiliation du bail et, en conséquence, autoriser la cession du bail au profit de la société STLG, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L.622-14 du code de commerce ne dérogent pas aux dispositions de l'article L.145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement, le liquidateur pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L.145-41 susmentionné et solliciter des délais de paiement, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée, et que le fait d'opter pour la saisine du juge-commissaire, plutôt que pour le juge des référés, d'une demande en constat de la résiliation du bail ne dispense pas de la délivrance préalable d'un commandement de payer visant la clause résolutoire, le statut des baux commerciaux s'appliquant quel que soit le juge saisi, en raison de son caractère d'ordre public ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation du bail sans revendiquer le bénéfice de la clause résolutoire de ce dernier, n'était pas dans l'obligation de délivrer le commandement exigé par l'article L. 145-41 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 2018 (RG : n° 17/13025), entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.