Cass. com., 2 février 1993, n° 91-10.463
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Raynaud
Avocat :
M. Vuitton
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Avenir automobiles par un jugement du 10 novembre 1989 et le prononcé de sa liquidation judiciaire par un jugement du 8 décembre 1989, la société civile immobilière MT (la SCI), a demandé, par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 1990, à M. X..., liquidateur, de lui confirmer qu'il n'avait pas l'intention de poursuivre le bail commercial consenti par elle à la débitrice, puis l'a assigné en résiliation de ce bail et paiement d'une somme de 106 740 francs correspondant au montant des loyers échus entre le 11 novembre 1989 et le 1er novembre 1990 ; que la cour d'appel a accueilli ces demandes et ordonné l'expulsion du liquidateur ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de s'être ainsi prononcé, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en décidant que la SCI demandait par lettre du 16 janvier 1990 à M. X... de lui confirmer qu'il n'avait pas l'intention de poursuivre le bail, l'arrêt a omis de répondre aux conclusions d'appel de celui-ci qui faisaient valoir que cette lettre ne répondait pas aux exigences de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, et était, dès lors, insusceptible de constituer la mise en demeure requise par ce texte ; et alors, d'autre part, qu'en omettant de se prononcer sur la recevabilité de l'action en résiliation intentée par la SCI, l'arrêt a délaissé les conclusions d'appel du liquidateur, aux termes desquelles une telle action était irrecevable en l'absence d'un défaut de paiement de loyers échus depuis plus de 3 mois, en vertu des dispositions de l'article 38 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, d'une part, qu'en relevant que le liquidateur lui demandait de constater qu'à aucun moment il n'était venu acquiescer à la continuation du bail, la cour d'appel a fait ressortir que la lettre du 16 janvier 1990 répondait aux exigences de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 et a ainsi répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées ;
Attendu, d'autre part, que le bailleur peut, à l'expiration du délai de 3 mois suivant le jugement qui a ouvert le redressement judiciaire, agir en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et que, dès lors, l'action engagée par la SCI le 15 février 1990 pour des loyers postérieurs au jugement du 10 novembre 1989 était recevable ; que par ce motif de pur droit il est répondu aux conclusions invoquées ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 37, alinéa 3, et 40 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner le liquidateur au paiement d'une certaine somme d'argent au titre des loyers, l'arrêt retient qu'à la date de l'ouverture de la " procédure judiciaire ", il appartenait à M. X... ès-qualités, s'il avait jugé opportun de poursuivre le bail commercial, de payer les loyers à partir du 1er décembre " 1990 " et qu'il est donc redevable des loyers depuis le 11 novembre 1989 jusqu'au prononcé de l'arrêt ce qui représente au 1er novembre 1990 la somme de 106 740 francs ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi après avoir retenu que le liquidateur avait renoncé à la poursuite du bail, alors qu'elle ne pouvait le condamner à payer les loyers échus postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire, à l'exception de ceux afférents à la période comprise entre cette ouverture et la date d'expiration du délai d'un mois ayant suivi la lettre du 16 janvier 1990, qui entraient seuls dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, sans relever l'existence d'une faute commise par le liquidateur, d'un préjudice subi par la SCI et d'un lien de causalité entre ces éléments, la cour d'appel n'a pas donné de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le liquidateur ès-qualités au paiement des loyers échus au cours de la période comprise entre la date d'expiration du délai d'un mois ayant suivi la mise en demeure du 16 janvier 1990 et le 1er novembre 1990, l'arrêt rendu le 30 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.