CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 23 mai 2017, n° 15/02550
BESANÇON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
GBS – Masterclean (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mazarin
Conseillers :
Mme Chiaradia, M. Marcel
Faits, procédure et prétentions des parties
Le 3 décembre 2012 Mme Andrée C. a été victime d'un sinistre à la suite d'une livraison de fuel, 200 litres de ce combustible s'étant répandus dans le sous-sol aménagé de sa maison. Elle a alors déclaré le sinistre auprès de son assureur la SA Allianz.
Des travaux de remise en état ont été réalisés par la Sarl Masterclean, lesquels ont donné lieu à l'établissement de trois factures d'un montant total de 7.052,26 €.
Mme Andrée C. refusant de les régler, la Sarl Masterclean l'a fait assigner devant le tribunal d'instance de Besançon qui, par jugement contradictoire rendu le 3 novembre 2015, l'a condamnée à verser la somme réclamée avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, a rejeté les prétentions des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et a mis les dépens à la charge de la défenderesse.
Par déclaration enregistrée le 23 décembre 2015, Mme Andrée C. a relevé appel de cette décision et, dans ses dernières écritures transmises le 3 janvier 2017, elle en poursuit l'infirmation et conclut au rejet des prétentions émises par l'eurl GBS venant désormais aux droits de la Sarl Masterclean et sa condamnation à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la Scp d'avocats T.-A.-R.-M., conformément à l'article 699 du code précité.
Dans ses dernières conclusions déposées le 31 octobre 2016, l'eurl GBS, venant aux droits de la Sarl Masterclean, demande à la cour de confirmer le jugement querellé et, y ajoutant, de condamner Mme Andrée C. à lui payer les sommes de 3.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et de 3.500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2017.
- Sur la demande en paiement formée par l'eurl GBS
Attendu qu'aux termes de l'article 1787 ancien du code civil applicable à la cause, lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière ;
Attendu que si cette disposition légale ne soumet la validité du contrat d'entreprise à aucune condition de forme, l'article 1315 alinéa 1er ancien du même code impose à celui qui agit en paiement en exécution d'un tel contrat de rapporter la preuve, non seulement de son existence, mais également du contenu de l'accord des parties tant en ce qui concerne la nature exacte des prestations commandées que sur leur prix ;
Attendu qu'il est constant qu'à la suite d'une livraison de fuel, effectuée le 3 décembre 2012, 300 litres de ce combustible se sont répandus dans le sous-sol aménagé de la maison de Mme Andrée C. ; que cette dernière ayant déclaré le sinistre à son assureur, la SA Allianz, celui-ci a mandaté un expert le cabinet Elex qui a évalué le montant des dommages imputables au sinistre, après application d'un coefficient de vétusté, à la somme de 18.848,48 € ; que le 10 décembre 2012 la Sarl Masterclean a établi les trois devis suivants :
- n°12/396 intitulé 'mesures conservatoires après sinistre pour un montant de 1.602,86 € ttc,
- n°12/397 intitulé ' traitement du mobilier après sinistre' pour un montant de 2.595,32 € ttc,
- n° 12/398 intitulé 'traitement du bâtiment après sinistre' pour un montant total de 7.116,36 € ttc ;
Attendu qu'il s'évince du procès-verbal de réception en date du 4 février 2013 que les travaux ont été réalisés du 5 décembre 2012 au 4 février 2013 ; qu'ils ont donné lieu à l'établissement de trois factures en date du 20 février 2013 pour un montant total de 7.052,26 € ; que nonobstant l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée du 26 novembre 2013, Mme Andrée C. a refusé de les régler ;
Attendu que pour résister à la demande en paiement formée par l'Eurl GBS, Mme Andrée C. fait valoir à juste titre, qu'elle n'a jamais commandé les travaux dont la société intimée lui réclame le paiement et n'a ni accepté, ni signé les trois devis sus-listés ; que cet argument est d'autant plus pertinent qu'il est établi que la Sarl Masterclean est intervenue le 5 décembre 2012 au domicile de Mme C., pour y réaliser les travaux, à la demande expresse de l'expert missionné par la compagnie Allianz, laquelle était contenue dans une télécopie du même jour ;
Attendu que pour répondre à ce moyen la société GBS invoque l'existence d'un mandat donné à son assureur par Mme C. lors de la déclaration du sinistre, laquelle aurait tacitement confirmé ledit mandat en acceptant la réalisation des travaux dans son habitation et en les réceptionnant ;
Mais attendu que la déclaration du sinistre, qui constitue le fait générateur des obligations de l'assureur, est une obligation légale qui s'applique à tous les contrats d'assurance ainsi qu'en atteste la lecture de l'article L. 113-2 du code des assurances ; que la déclaration faite par Mme C. auprès de la SA Allianz des dommages causés au sous-sol de sa demeure par un déversement de fuel ne peut donc pas s'analyser en 'un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom' (1984 du code civil) ;
Attendu de surcroît que pour valoir comme telle, la ratification tacite d'un mandat doit être dépourvue de toute équivoque ; qu'en l'espèce les travaux litigieux ont été réalisées du 5 décembre 2012 au 4 février 2013 et réceptionnés à cette date ; qu'il est d'autre part avéré par un courrier de l'assureur en date du 19 juin 2013 que Mme C. n'a eu connaissance de la limitation de son indemnisation à la somme de 8.000 € qu' 'après coup' ; qu'elle affectivement perçu le 15 février 2013 un chèque de l'assureur de 8.092,74 € au titre du sinistre ; qu'il s'ensuit qu'elle a pu légitimement croire, lors de la réalisation des travaux commandés par l'expert de la compagnie d'assurance et lors de leur réception, que ces travaux seraient directement pris en charge par l'assureur ; qu'il s'ensuit qu'eu égard à leur caractère équivoque, l'acceptation des travaux et leur réception ne peuvent valoir ratification tacite d'un prétendu mandat ;
Attendu que le développement qui précède conduit également à écarter l'application de la jurisprudence dont se prévaut l'Eurl GBS dans ses conclusions ; que compte-tenu des circonstances sus- relatées, le silence gardé par Mme C. lors de la réalisation des travaux ne peut être interprété comme une acceptation tacite de l'offre de prestation de la société intimée, puisque ce silence est empreint d'équivoque ;
Attendu qu'il y a lieu en conclusion de constater que l'Eurl GBS ne rapporte la preuve de l'existence, ni d'un contrat d'entreprise conclu avec Mme Andrée C., ni d'un mandat donné à la compagnie d'assurances ; qu'il s'ensuit qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement dirigée contre celle-là et le jugement déféré infirmé sur ce point ;
- Sur la demande de dommages intérêts formée par l'Eurl GBS
Attendu qu'eu égard à la solution adoptée, la demande de dommage intérêts formés à l'encontre de Mme Andrée C. pour résistance abusive sera rejetée ;
Attendu que la décision querellée sera infirmée en sa disposition relative aux dépens lesquels seront mis à la charge de l'Eurl GBS ;
Attendu que les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application à hauteur de cour des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'Eurl GBS qui succombe devant la cour supportera les dépens d'appel ;
La cour, statuant, contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 3 novembre 2015 par le tribunal d'instance de Besançon sauf en sa disposition relative aux frais irrépétibles.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute l'Eurl GBS de l'ensemble de ses prétentions formées à l'encontre de Mme Andrée C..
Dit n'y avoir lieu à hauteur de cour à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne l'Eurl GBS aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit pour la Scp d'avocats T.-A.-R.-M. de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Chantal Mouget, faisant fonction de greffier.