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Décisions

Cass. com., 11 janvier 2005, n° 02-18.381

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. com. n° 02-18.381

10 janvier 2005

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2002, n° 352), que la société Hugo Boss, titulaire de diverses marques déclinant les termes "Boss" ou "Hugo Boss", et notamment de la marque internationale "Boss Hugo Boss" n° 606.620 a réclamé, au motif que le contenu du site internet de la société Reemtsma Cigarettenfabriken Gmbh (la société Reemtsma) permettait d'accéder à seize reproductions de marques "Boss", la liquidation de l'astreinte prononcée par un jugement du 23 juin 2000 assortissant l'interdiction faite à cette société de faire tout usage de la marque "Boss" ; que la cour d'appel a écarté ses conclusions déposées le 22 mai 2002, et rejeté sa demande ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Hugo Boss fait grief à l'arrêt d'avoir écarté des débats ses dernières conclusions, alors, selon le moyen :

1 / qu'il ressort de l'arrêt que les conclusions de la société Hugo Boss ont été déposées le 22 mai 2002, soit le jour même de l'ordonnance de clôture ; qu'en retenant néanmoins qu'elles auraient été déposées après clôture sans préciser ni l'heure du prononcé de la clôture ni l'heure de dépôt des dites conclusions, la cour d'appel n'a pas caractérisé la tardiveté de celles-ci et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'en écartant les conclusions déposées le jour même de l'ordonnance de clôture sans constater que la société Hugo Boss avait été avertie de la date et de l'heure à laquelle la clôture devait être prononcée, et qu'il lui avait été fait injonction de conclure avant cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 779 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le juge ne peut écarter des débats les conclusions déposées le jour de la clôture sans préciser les circonstances particulières qui auraient empêché de respecter le principe de la contradiction ; qu'en écartant d'office les conclusions de la société Hugo Boss déposées le jour de l'ordonnance de clôture, sans relever de telles circonstances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 779 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que sous couvert de manque de base légale, le moyen tend à remettre en cause les constatations souveraines des juges du fond quant à la tardiveté des conclusions qu'ils ont rejetées ;

Attendu, d'autre part, que la société Hugo Boss n'ayant pas indiqué devant la cour d'appel qu'elle n'aurait pas été avertie de la date et de l'heure de l'ordonnance de clôture, elle ne peut faire grief à la cour d'appel de n'avoir pas tiré de conséquences d'un fait qu'elle n'a pas porté à sa connaissance ;

Et attendu, enfin, qu'ayant relevé que ces conclusions avaient été déposées après l'ordonnance de clôture, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche que cette constatation rendait inopérante ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé en ses deux autres branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Hugo Boss fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de la société Reemtsma à lui payer la somme de 16 000 francs représentant la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 23 juin 2000 qui a interdit à cette dernière et à sa filiale de faire tout usage des marques "Boss" contrefaisantes qu'elles avaient déposées, alors, selon le moyen, que s'il peut interpréter le jugement pour l'exécution duquel il est saisi, le juge de l'exécution ne peut pas en modifier le dispositif ; que constitue un usage de marque en France l'utilisation d'une marque sur un support accessible en France, tel qu'un site Internet ; qu'en décidant en l'espèce que l'usage des marques "Boss" sur le site Internet de la société Reemtsma ne constituerait pas une infraction à l'interdiction de tout usage de ces marques prononcée par le jugement du 23 juin 2000, car ledit site, rédigé en langues étrangères et dont il résultait que les produits n'étaient pas disponibles en France, n'aurait pas visé le public de France, tout en constatant que ce site était accessible depuis la France et comportait une page d'accueil avec le mot "bienvenue" à destination du public francophone, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé ensemble l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 et l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il se déduit des précisions apportées sur le site lui-même que les produits en cause ne sont pas disponibles en France, la cour d'appel en a exactement conclu que ce site ne saurait être considéré comme visant le public de France, et que l'usage des marques "Boss" dans ces conditions ne constitue pas une infraction à l'interdiction prononcée par jugement du 23 juin 2000 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hugo Boss aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la société ReemtsmaCigarettenfabriken Gmbh la somme de 1 800 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille cinq.